Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Heli-Union a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant:
1°) à l'annulation de l'accord-cadre relatif au maintien en condition opérationnelle des hélicoptères Dauphin N et à la réalisation de visites programmées des cellules des hélicoptères Dauphin Pedro et Panther de l'Etat, conclu entre le groupement dont la société Ineo Support Global est le mandataire et la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère des armées (Simmad) ;
2°) à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 4 853 564 euros au titre du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière de l'accord-cadre, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réclamation préalable ou, à titre subsidiaire, de désigner un expert pour évaluer le montant du préjudice subi, outre des conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1801273/3-2 du 13 février 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 avril 2019, la société Heli-Union, représentée par
Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 février 2019 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'accord-cadre mentionné ci-dessus ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 853 564 euros au titre du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière de l'accord-cadre, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réclamation préalable ou, à titre subsidiaire, de désigner un expert pour évaluer le montant du préjudice subi ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté comme inopérant son moyen tiré de l'irrégularité de la candidature du groupement attributaire ;
- ce moyen est également parfaitement fondé faute pour l'attributaire de justifier des agréments exigés en cours de validité ;
- le pouvoir adjudicateur a méconnu l'obligation d'impartialité ;
- le pouvoir adjudicateur n'a pas procédé à une analyse effective des offres ; en effet, l'offre de l'attributaire concernant les délais est très éloignée des pratiques constatées sur ce type d'opération ;
- le pouvoir adjudicateur aurait dû lui demander des explications et contrôler son offre .
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2020, le ministre des armées conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Heli-Union une somme de 2 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour conclut à l'irrégularité du marché au maintien du marché jusqu'à son terme, eu égard à l'intérêt général qui s'attache à la poursuite du contrat et à ce que la condamnation de l'Etat soit limitée à la somme de 350 664,96 euros, à titre infiniment subsidiaire que la résiliation du marché, si elle devait être prononcée soit différée de deux ans.
Il soutient que les moyens de la société Heli-Union sont infondés.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 26 février 2020, la société Heli-Union maintient ses conclusions par les mêmes moyens.
Par un mémoire en duplique, enregistré le 24 mars 2020, le ministre des armées maintient ses conclusions par les mêmes moyens.
Par une ordonnance du 28 février 2020, la clôture de l'instruction a été reportée au
26 mars 2020 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 1321-2014 de la Commission du 26 novembre 2014,
- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015,
- le décret n° 2016-361 du 25 mars 2016,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de Me B... pour la société Héli-Union.
Considérant ce qui suit :
1. La société Héli-Union, société spécialisée dans le transport par hélicoptère, la formation au pilotage et la maintenance et le secours logistique et technique, s'est portée candidate, sur appel d'offres restreint, à l'attribution par le ministère des armées d'un accord-cadre relatif au " maintien en condition opérationnelle des hélicoptères Dauphin n (sa 365n) et réalisation de visites programmées des cellules des hélicoptères Dauphin Pedro (SA365f) et Panther (AS 565sa) ". Estimant que son son offre n'était pas la mieux disante, l'acheteur l'a rejetée. La société Héli-Union a alors saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'accord-cadre que le ministère des armées a conclu avec le groupement constitué par les sociétés Ineo Support Global et Noordzee Helikopters Vlaanderen (NHV), d'autre part, à l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de son éviction irrégulière. Par un jugement du 13 février 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. La société Heli-Union relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions en contestation de la validité du contrat :
En ce qui concerne la régularité de la candidature de l'attributaire :
2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Un concurrent évincé ne peut ainsi invoquer, outre les vices d'ordre public dont serait entaché le contrat, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat en rapport direct avec son éviction.
3. Contrairement à ce que le tribunal a jugé, l'éviction de la société Héli-Union est en rapport direct non seulement avec le classement de l'offre du groupement constitué par les sociétés Ineo Support Global et Noordzee Helikopters Vlaanderen (NHV), attributaire, mais aussi avec la régularité de la candidature de ce dernier.
4. Aux termes de l'article III.2.3 de l'avis d'appel public à la concurrence relatif aux capacités techniques et fixant les " critères relatifs à la capacité technique et/ou professionnelle d'opérateurs économiques (susceptible d'entraîner leur exclusion) : renseignements et formalités nécessaires pour évaluer si ces exigences sont remplies : (...) / Niveau(x) spécifique(s) minimal(aux) exigé(s) / Production du ou des certificats d'agréments d'organisme d'entretien en cours de validité qui soient conformes au règlement UE 1321/2014 (partie 145) ou aux règlements militaires français (FRA 145) et dont les termes couvrent les prestations sur les produits, pièces et équipements objet du marché (Dauphin Sa365n équipés de moteur Turbomeca Arriel 1c, Dauphin Pedro équipés de moteurs Turboméca arriel 1m et Panther As-565 équipés de moteurs Turbomeca Arriel 1m1. / Pour les prestations à réaliser sur les moteurs Arriel 1c, production d'un agréent b (part 145) ou démonstration de l'existence d'un contrat de sous-traitance avec un centre agréé Safran Helicopter Engines. / Pour les prestations à réaliser sur les moteur Arriel 1mn1 et Arriel 1mn, démonstration de la capacité à obtenir les qualifications techniques nécessaires (...) / démonstration par tous moyens du savoir-faire : / (...) dans le domaine du soutien logistique d'une flotte d'aéronefs comparable à celle objet du marché (...) / dans le domaine du soutien technique des hélicoptères de type Dauphin ou équivalent (...) / Les candidats n'ayant pas démontrés par tout moyen leur compétence dans chacun des domaines cités ci-dessus seront éliminés. / Critères relatifs à la capacité technique et/ou professionnelle de sous-traitants (susceptible d'entraîner leur rejet) / Renseignements et formalités nécessaires pour évaluer si ces exigences sont remplies : / Si le candidat (ou le groupement) s'appuie sur d'autres opérateurs économiques (co-traitants, sous-traitants au sens de la loi 75-1334 du 31/12/1975 sur la sous-traitance (...), il doit justifier de la même manière les capacités de ces opérateurs et apporter la preuve qu'il en disposera pour l'exécution du marché (lettre d'engagement et formulaire DC4) ". Aux termes de l'article VI.3 de cet avis : " (...) Les candidats devront produire les éléments justifiant de leur expérience acquise dans des domaines similaires de navigabilité (sur hélicoptère de type Dauphin ou de classe équivalente). Ces éléments devront permettre d'évaluer puis de sélectionner les candidats en vérifiant l'adéquation du domaine d'agrément de l'organisme de maintenance et de la capacité industrielle de cet organisme à réaliser les prestations (...) Les éléments devant servir de justificatifs sont indiqués au paragraphe III.2.3) Capacité technique. Le pouvoir adjudicateur exigera des candidats qu'ils s'engagent à obtenir les agréments FRA nécessaires à l'exécution des prestations du marché, dans un délai de 12 mois suivant la notification du marché ainsi qu'à maintenir ces agréments sur la durée des prestations (...) ".
5. Par ailleurs, le II de l'article 3 de l'arrêté du 29 mars 2016 fixant la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés publics dispose que : " Dans les marchés publics de défense ou de sécurité, si, pour une raison justifiée, l'opérateur économique n'est pas en mesure de produire les références demandées par l'acheteur, il est autorisé à prouver ses capacités techniques ou professionnelles par tout autre moyen considéré comme approprié par l'acheteur ".
6. Il ressort des stipulations citées au point 4 de l'article III. 2.3 de l'avis d'appel public à concurrence que les candidats pouvaient, par tout moyen, démontrer leurs capacités techniques et professionnelle. Or, il résulte de l'instruction que le groupement attributaire, qui disposait notamment d'un agrément PART 145 pour des aéronefs de la même catégorie, d'un contrat de sous-traitance avec un centre agréé Safran Helicopter Engines (ex Turbomeca) et d'expériences dans le domaine du maintien en condition opérationnelle d'aéronefs, a justifié de savoir-faire et de capacités techniques et professionnelles suffisantes pour obtenir ultérieurement les agréments PART 145 pour l'ensemble des aéronefs et les agréments FRA 145. Il a ainsi répondu aux exigences de l'acheteur formulées dans l'avis d'appel public à concurrence. S'agissant en particulier des prestations à réaliser sur les moteurs Arriel 1c, le groupement attributaire a produit le contrat de sous-traitance avec un centre agréé Safran Helicopter Engines requis par les stipulations citées au point 4 de l'article III. 2.3 et la SIMMAD a pu estimer, même en l'absence de déclaration de sous-traitance et d'un contrat de sous-traitance visant spécifiquement les moteurs Arriel 1c, que les éléments produits suffisaient à garantir l'intervention d'un centre agréé. Par ailleurs, si la détention d'un agrément FRA 145 est nécessaire pour assurer l'exécution du marché et qu'un délai de 12 mois suivant la notification du marché est accordé à l'attributaire pour l'obtenir alors que le marché est susceptible d'être exécuté dès la date de sa notification, cette circonstance a trait à l'exécution du marché et non à la validité du contrat. Le moyen tiré de l'irrégularité de la candidature du groupement attributaire doit donc être écarté comme infondé.
En ce qui concerne le critère relatif aux délais :
7. Aux termes de l'article 14 du règlement de consultation, le critère du délai " sera apprécié au travers des délais proposés par les candidats (...). Le délai global sera déterminé sur la base de la somme : - du délai de livraison des rechanges versés au stock Etat (...) ; - du délai de réalisation des visites périodiques de chaque type d'aéronef (...) ; - du délai de réalisation des grandes visites de dauphin N (...), / auquel sera ajouté le délai moyen des prestations non récurrentes (...) ".
8. La société Heli-Union soutient que l'acheteur a manqué à ses obligations en matière de publicité et de mise en concurrence en ne contrôlant pas l'offre de l'attributaire qui proposait selon elle des délais irréalistes, en n'exigeant pas en particulier la production de documents de nature à justifier de la nature et de la pertinence des moyens proposés par le groupement attributaire pour tenir les délais annoncés. Toutefois, d'une part, si lorsqu'il prévoit, pour fixer un critère ou un sous-critère d'attribution du marché, que la valeur des offres sera examinée au regard du respect d'une caractéristique technique déterminée, il incombe au pouvoir adjudicateur d'exiger la production de justificatifs lui permettant de vérifier l'exactitude des informations données par les candidats, une telle obligation ne s'étend pas à un critère non technique tel que celui des délais. D'autre part, l'acheteur a demandé des précisions au groupement attributaire sur ces délais dans un courrier du 18 juillet 2017 et des justificatifs ont été donnés en réponse par le groupement. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que la SIMMAD n'aurait pas procédé à une analyse effective de l'offre de l'attributaire et aurait entaché son appréciation de sa valeur, d'une erreur manifeste. Ce moyen doit donc être écarté.
En ce qui concerne la méconnaissance de l'obligation d'impartialité :
9. La société Heli-Union soutient que le SIMMAD a manqué à son obligation d'impartialité en raison des liens qui unissaient l'adjoint à son directeur, le contre-amiral Pierre Canal, à la société Ineo. Toutefois, si la société Ineo a financé une partie des études à l'étranger de la fille du contre-amiral Canal, il résulte de l'instruction que le contre-amiral Canal n'était pas le représentant de l'acheteur et n'a pas participé à l'examen des offres. Ce moyen doit donc être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que la société Héli-Union n'est pas fondée à soutenir que la candidature et l'offre du groupement attributaire seraient entachées d'irrégularité. Ses conclusions tendant à l'annulation du contrat conclu entre le ministère des armées et celui-ci doivent donc être rejetées.
Sur les conclusions indemnitaires :
11. Ainsi qu'il a été dit aux points précédents, la passation de l'accord-cadre conclu entre les sociétés Ineo Support Global et Noordzee Helikopters Vlaanderen (NHV) et le ministère des armées n'est pas entachée d'irrégularité. Par suite, la société Héli-Union n'est pas fondée à demander la réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de son éviction irrégulière de la procédure de passation de ce marché. Ses conclusions indemnitaires ne peuvent être que rejetées.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Heli-Union n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de l'Etat au titre du même article.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Heli-Union est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Etat présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3: Le présent arrêt sera notifié à la société Heli-Union et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 19 mars 2021 à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 avril 2021.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
K. PETIT
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA01326 2