Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 à 2012 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement no 1718248/1-1 du 10 avril 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 juin 2019 et le 16 mars 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement no 1718248/1-1 du 10 avril 2019 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses, en droits et pénalités ;
3°) de condamner l'Etat aux dépens ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les réponses aux observations du contribuable relatives à quatre SCI ne lui ont pas été régulièrement notifiées ;
- les contrats de bail ne peuvent être écartés comme fictifs et ne caractérisent aucun abus de droit ;
- l'absence de rectification du résultat des SCI à l'issue d'un contrôle précédent doit être regardée comme une prise de position formelle de l'administration sur le fondement des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales ;
- la condition prévue par le 3° du I de l'article 156 du code général des impôts pour l'imputation des déficits antérieurs sur le revenu global perçu en 2009 et 2010 est satisfaite, par voie de conséquence de l'absence d'abus de droit ;
- les déficits non imputables sur le revenu global étaient imputables sur les revenus fonciers des dix années ultérieures ;
- le maintien de deux parts de quotient familial au titre des années en cause doit être regardé comme une prise de position formelle de l'administration sur le fondement des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales ;
- la majoration de 80 % pour abus de droit n'est pas fondée ;
- la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas fondée ;
- la majoration de 10 % prévue par le a) de l'article 1728 du code général des impôts dont le service demande à titre subsidiaire l'application n'est pas fondée.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 décembre 2019 et le 6 octobre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par un courrier du 10 février 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que les conclusions en décharge formées par M. B... dans son mémoire du 16 mars 2020, relatives aux droits supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2010 à 2012 résultant de la remise en cause de son quotient familial, présentent le caractère de conclusions nouvelles en appel et sont donc par suite irrecevables.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... est le gérant de douze sociétés civiles immobilières (SCI) dont sept ont fait l'objet d'un contrôle. Il a également fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle et d'un contrôle sur pièces, conclus par deux propositions de rectification du 23 décembre 2013, au titre des années 2008 et 2009 d'une part, 2010 et 2011 d'autre part, et par une proposition de rectification du 14 janvier 2014 relative à 2012. Il a en conséquence été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2008 à 2012 et à des pénalités correspondantes. M. B... fait appel du jugement du 10 avril 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.
Sur la régularité de la procédure :
2. Le requérant soutient que les réponses aux observations du contribuable au titre des années 2010 à 2012 relatives à quatre des SCI dont il est le gérant, dénommées 210 Fontenette, 77 rue Quincampoix, 38 Bd Hebert et du Roi, ne lui ont pas été régulièrement notifiées. Il résulte de l'instruction que ces documents ont été adressés le 5 décembre 2014 au domicile de M. B... à Ozoir-la-Ferrière en Seine-et-Marne et sont revenus à l'administration avec la mention " avisé le 9 décembre et non réclamé ". Le requérant fait valoir qu'il avait notifié son changement d'adresse, à titre personnel, rue Quincampoix à Paris, au service des impôts de Roissy-en-Brie ainsi qu'à celui de Paris 4e par un courrier daté du 6 décembre 2013, dont il a été accusé réception le 17 décembre 2013 par les deux services. Toutefois, d'une part, il résulte de l'instruction que les observations relatives aux propositions de rectification du 23 décembre 2013 formulées par leur gérant au nom des quatre SCI, datées du 21 janvier 2014, portaient, dans leur en-tête, la seule adresse de M. B... à Ozoir-la-Ferrière, et pouvaient être regardées comme appelant une réponse de l'administration à la même adresse. D'autre part, il est constant que M. B... a conservé en 2014, et ultérieurement, la disposition de ce domicile, où les réponses aux observations du contribuable de décembre 2014 ne sont pas revenues avec la mention " n'habite pas à l'adresse indiquée ", et où la notification des avis du comité de l'abus de droit fiscal a été effectuée le 23 novembre 2016. Enfin, si le requérant fait valoir au surplus que sa nouvelle adresse était expressément indiquée lors du dépôt des déclarations de résultats des quatre SCI déposées le 28 avril 2014, celles-ci ne sont, en tout état de cause, pas versées au dossier. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme ayant régulièrement notifié aux quatre SCI les réponses en cause à l'adresse figurant sur les observations formulées en janvier 2014 par le gérant de ces sociétés.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne l'abus de droit :
S'agissant de la loi fiscale :
3. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / : En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification (...) " Aux termes du II de l'article 15 du code général des impôts : " II. Les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu ". Il résulte de ce dernier texte que les dépenses exposées pour de tels biens n'entrent pas dans les charges des revenus fonciers visées à l'article 31 du code, et ne peuvent pas le cas échéant, constituer de ce chef un déficit foncier qui serait imputable sur le revenu global du contribuable en vertu du I de l'article 156 de ce code. Si l'intéressé dissimule néanmoins sous l'apparence d'un contrat de location le fait qu'en réalité il conserverait la jouissance du bien et s'il comprend dans les charges déductibles de son revenu imposable les dépenses dont s'agit, il doit être regardé comme ayant entendu faire échapper à l'impôt une partie de son revenu imposable.
4. Il résulte de l'instruction que le comité de l'abus de droit fiscal a été saisi, au titre des années 2010 à 2012, à la demande de M. B... et des sept SCI en cause, qui avaient conclu des baux avec des membres de sa famille, que l'administration a écartés comme fictifs sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales et, par suite, comme ne lui étant pas opposables. Le service s'étant conformé aux avis du comité, rendus lors de sa séance du 28 octobre 2016, par lesquels il a confirmé le bien-fondé de la mise en oeuvre de la procédure de répression des abus de droit, il incombe, dès lors, à M. B... d'apporter la preuve contraire.
5. Il résulte de l'instruction que M. B..., associé majoritaire des sept SCI en cause, a assumé, tout au long de la période, la charge effective des loyers des biens loués à ses enfants, son ex-compagne et la compagne de l'un de ses fils, en les payant lui-même à sa SCI ou en les remboursant au locataire. Dans ces conditions, les locations constituaient en réalité des mises à disposition de biens à titre gratuit et les contrats de bail à titre onéreux présentaient un caractère fictif. Le requérant, qui se borne à faire valoir qu'il accordait ainsi des dons à des membres de sa famille ou de son entourage familial, ne démontre nullement qu'il était fondé à donner l'apparence d'un caractère onéreux à ces mises à disposition de biens à titre gratuit, faisant naître des déficits fonciers permettant de réduire, par imputation, le revenu imposable dégagé par d'autres SCI dont M. B... était également l'associé majoritaire. Pour ce seul motif, l'administration était dès lors fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables les contrats de bail présentant un caractère fictif, et par suite constitutifs d'un abus de droit, et en conséquence à réintégrer dans les bases imposables de M. B... le revenu, au titre des années 2010 à 2012, correspondant aux déficits qu'il avait déduits à torts, s'élevant respectivement à 149 846 euros, 129 722 euros et 146 052 euros.
S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
6. La circonstance que l'administration fiscale ait contrôlé les SCI en cause au titre des années 2006 et 2007, leur ait demandé de nombreux renseignements, notamment la production de leurs baux, et que ces contrôles sur place se soient achevés sans rectification n'est pas de nature, en l'absence d'écrit explicite sur ce point, à caractériser une prise de position formelle de l'administration au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. Le moyen tiré de l'invocation de l'article L. 80 A du même livre doit donc être écarté.
En ce qui concerne l'imputation des déficits constatés en 2008 et 2009 :
7. Aux termes de l'article 156 du code général des impôts : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...) sous déduction : / I. - Du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; si le revenu global n'est pas suffisant pour que l'imputation puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes jusqu'à la sixième année inclusivement. / Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation : / (...) 3° Des déficits fonciers, lesquels s'imputent exclusivement sur les revenus fonciers des dix années suivantes ; (...). / Lorsque le propriétaire cesse de louer un immeuble ou lorsque le propriétaire de titres d'une société non soumise à l'impôt sur les sociétés les vend, le revenu foncier et le revenu global des trois années qui précèdent celle au cours de laquelle intervient cet événement sont, nonobstant toute disposition contraire, reconstitués selon les modalités prévues au premier alinéa du présent 3°. "
8. Il résulte de ce qui est jugé au point 5 du présent arrêt que, les biens en cause ne pouvant être regardés comme ayant été loués au titre des années 2010 à 2012, le service était fondé à remettre en cause l'imputation sur le revenu global des déficits constatés par les SCI de M. B... au titre des années 2008 et 2009, pour un montant s'élevant respectivement à 7 004 euros et 10 700 euros, sur le fondement du 3° du 1 de l'article 156 du code général des impôts, pour méconnaissance de la condition tenant à la location de l'immeuble jusqu'à la fin de la troisième année qui suit l'imputation. Si le contribuable demande à titre subsidiaire leur imputation sur le revenu foncier en vertu du premier alinéa du 3° du I du même article, ces sommes ne constituent pas des déficits fonciers dès lors qu'elles résultent d'une location qui, pour les mêmes motifs que ceux qui sont retenus au point 5 du présent arrêt, dont les fondements en fait étaient les mêmes au titre des années 2008 et 2009 ainsi qu'il est constant, doit être regardée comme fictive, et ne peuvent dès lors être imputées sur les revenus fonciers perçus au titre des dix années suivantes.
En ce qui concerne l'imposition commune :
9. Le requérant, qui avait explicitement accepté la rectification résultant de la réduction de son quotient familial pour prendre en compte sa résidence séparée avec son épouse, la conteste pour la première fois en appel, dans son mémoire en réplique, en invoquant les dispositions des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales. S'il fait valoir que l'administration n'a pas procédé à une telle rectification à l'issue des contrôles relatifs aux années 2006 à 2009 alors qu'elle était informée de ce que les époux vivaient séparément et que M. B... déclarait deux parts de quotient familial, une telle circonstance n'est pas de nature à caractériser une prise de position formelle de l'administration susceptible d'être invoquée sur le fondement des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales.
Sur les pénalités :
10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / b. 80 % en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; (...). "
11. En premier lieu, il résulte de ce qui est jugé au point 5 du présent arrêt que M. B... a commis un abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. La majoration de 80 % appliquée, au titre des années 2010 à 2012, aux droits supplémentaires correspondants en matière de revenus fonciers est, par suite, fondée.
12. En second lieu, il ressort des propositions de rectification du 23 décembre 2013 et du 14 janvier 2014 que l'administration a notamment infligé à M. B... une majoration de 40 % pour manquement délibéré au titre des années 2010 à 2012 à raison de l'imputation de déficits fonciers antérieurs sur le revenu global, nés des mêmes locations regardées comme fictives, et de la remise en cause de la seconde part de quotient familial correspondant à son épouse dont il était séparé. L'administration a relevé que M. B..., qui exerce la profession d'expert-comptable, est à l'origine du montage permettant de faire naître à tort des déficits fonciers, vivait séparé de son épouse depuis 2001, mais continuait de déclarer avec elle ses revenus, alors qu'elle bénéficiait de très faibles revenus, lui permettant de minorer de façon importante son imposition. Le requérant se borne à soutenir que la déclaration commune de leurs revenus n'était pas pour lui fiscalement avantageuse, dès lors que son épouse, seule déclarante, aurait également payé des impôts. Il ressort toutefois, en tout état de cause, des calculs qu'il produit qu'ils sont fondés sur la disposition, par elle, d'une rente mensuelle qu'elle n'a en réalité pas perçue, et que M. B... n'était tenu de lui verser en vertu de leur divorce qu'après le 31 décembre 2012. L'administration établit par les motifs relevés, qui ne sont ainsi pas utilement contestés, le caractère délibéré des manquements en cause. Elle était dès lors fondée à appliquer la majoration litigieuse prévue par le a) de l'article 1729 du code général des impôts.
13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées, ainsi que, en tout état de cause, ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Soyez, président assesseur,
- M. C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2021.
Le rapporteur,
A. C...Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA01864