Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... D..., épouse A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 3 septembre 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de lui délivrer un agrément en qualité d'employée de jeu, ensemble la décision du 17 octobre 2019 rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 1926973/6-1 du 23 octobre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 décembre 2020 et 2 mars 2021, complétés par des pièces les 4 janvier et 16 mars 2021, Mme D..., épouse A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1926973/6-1 du 23 octobre 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 3 septembre 2019 du ministre de l'intérieur refusant de lui délivrer un agrément en qualité d'employée de jeu, ensemble la décision du 17 octobre 2019 rejetant son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à Me B..., conseil de Mme D..., épouse A... sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de refus d'agrément n'est pas une mesure de police administrative mais une mesure d'ordre professionnel et, par suite, elle ne doit pas impliquer une appréciation de la moralité et de l'honorabilité ; le ministre de l'intérieur ne pouvait pas se fonder sur des éléments autres que ceux prévus par l'article 12 du décret du 13 septembre 2017 ; or, son casier judiciaire est vierge ;
- les faits mis en évidence par l'enquête administrative sont des faits anciens, isolés et incertains et le ministre de l'intérieur a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'ils étaient incompatibles avec l'exercice de la profession d'employée de jeu ; depuis 2015, son comportement est exemplaire et elle a suivi une formation à l'issue de laquelle elle a reçu la qualité de " croupier expérimenté " en juin 2019 ;
- elle établit ne plus consommer de cannabis depuis 2019 ;
- elle se trouve dans l'impossibilité de travailler et de subvenir à ses besoins ;
- la substitution de motifs demandée par le ministre de l'intérieur ne saurait prospérer sur le fondement de simples allégations anciennes et isolées au regard de la preuve de son abstinence au cours des années 2020 et 2021 ; une telle substitution de motifs constituerait une violation de sa présomption d'innocence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2021, le ministre de l'intérieur, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par Mme D..., épouse A... ne sont pas fondés ;
- en tout état de cause il pourrait être procédé à une substitution de motifs dès lors que l'intéressée a sciemment omis de déclarer ses antécédents judiciaires lors de son audition du 15 juillet 2019.
Mme D..., épouse A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 22 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le décret n° 2017-913 du 9 mai 2017 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me E... substituant Me B..., avocat de Mme D..., épouse A....
Considérant ce qui suit :
1. Le 24 juin 2019, Mme D..., épouse A..., a déposé un dossier de demande d'agrément en qualité d'employée de jeu, afin d'exercer les fonctions de croupier dans un club de jeu. Par une décision du 3 septembre 2019, le ministre de l'intérieur a refusé de lui délivrer l'agrément sollicité au regard des éléments recueillis à la suite d'une enquête administrative et jugés incompatibles avec les fonctions confiées à une employée des salles de jeux. Le recours gracieux formé par Mme D..., épouse A... le 9 octobre 2019 a été rejeté par une décision du 17 octobre 2019. Mme D..., épouse A... relève appel du jugement du 23 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
2. L'article L. 321-4 du code de la sécurité intérieure dispose que : " (...) Le directeur et les membres du comité de direction et les personnes employées à un titre quelconque dans les salles de jeux sont agréés par le ministre de l'intérieur. ". Aux termes de l'article R. 321-31 du même code : " Le directeur responsable du casino, les membres du comité de direction, les employés de jeux, les agents de sécurité accédant aux salles de jeux et les agents de vidéosurveillance sont agréés par le ministre de l'intérieur préalablement à leur entrée en fonctions.(...) ". Aux termes de l'article L.114-1 du même code : " I. - Les décisions administratives (...) d'agrément ou d'habilitation, prévues par des dispositions législatives ou réglementaires, concernant (...) les emplois privés ou activités privées réglementées relevant des domaines des jeux, paris et courses, (...), peuvent être précédées d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées. Ces enquêtes peuvent donner lieu à la consultation de traitements automatisés de données à caractère personnel relevant de l'article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification. Les conditions dans lesquelles les personnes intéressées sont informées de cette consultation sont précisées par décret. (...) ". Aux termes de l'article 16 du décret du 9 mai 2017 relatif aux conditions de l'expérimentation des clubs de jeux à Paris et portant diverses dispositions relatives aux casinos : " Peuvent donner lieu aux enquêtes mentionnées à l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure les décisions : 1° D'autorisation d'exploiter les jeux d'argent et de hasard dans les clubs de jeux ; 2° D'agrément des directeurs responsables et des membres des comités de direction des clubs de jeux autorisés ainsi que des personnes employées dans les salles des jeux de ces établissements. ".
3. Il résulte des dispositions précitées que la police des salles de jeux appartient au ministre de l'intérieur qui peut notamment, dans le cadre de l'exercice de ce pouvoir de police spéciale, refuser l'agrément sollicité par des personnes souhaitant exercer une activité professionnelle dans les salles de jeux des clubs de jeux. Mme D..., épouse A... n'est dès lors pas fondée à soutenir que les décisions contestées n'auraient pas le caractère d'une mesure de police et que le ministre de l'intérieur ne pouvait pas se fonder sur des critères de moralité et d'honorabilité pour refuser de lui délivrer l'agrément sollicité. En outre, l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure et le décret du 9 mai 2017, qui y renvoie expressément, prévoient que l'instruction d'une demande d'agrément d'une personne souhaitant être employée dans les salles des jeux d'un club de jeux peut donner lieu à une enquête administrative destinée à vérifier que le comportement de la personne n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées. Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient Mme D..., épouse A..., le ministre de l'intérieur pouvait, sans commettre d'erreur de droit, prendre en compte les éléments issus de l'enquête administrative alors même que les faits reprochés ne figuraient pas sur le bulletin n° 3 de son casier judiciaire.
4. Il ressort des pièces du dossier qu'au cours de l'enquête administrative dont a fait l'objet Mme D..., épouse A... dans le cadre de l'instruction de sa demande d'agrément, le service central des courses et jeux de la direction centrale de la police judiciaire a procédé à la consultation du fichier de traitements des antécédents judiciaires (TAJ) qui a mis en évidence que l'intéressée avait été interpellée pour des faits de consommation de stupéfiants pour lesquels elle avait fait l'objet en 2015 d'un rappel à la loi. Lors de son audition par le service central des courses et jeux le 15 juillet 2019, Mme D..., épouse A... a reconnu avoir été contrôlée alors qu'elle " fumait un joint de cannabis sur une plage de Deauville ". Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir devant la Cour que la matérialité des faits commis en 2015 alors qu'elle était âgée de trente ans ne serait pas établie.
5. Si la requérante soutient que les faits commis en 2015 sont anciens et isolés, il ressort des mentions du procès-verbal de son audition du 15 juillet 2019 qu'elle a signé qu'à la question " Avez-vous déjà été interpellée pour le même motif ' Quelle est votre consommation de cannabis actuellement ' ", elle a répondu : " Non, c'est la seule fois. Je ne consomme pas régulièrement mais il m'arrive pendant mes vacances ou à l'occasion de soirées quand on m'en propose, de fumer des joints de cannabis (...) ". Mme D..., épouse A... ne peut pas utilement soutenir que le ministre de l'intérieur n'apporte pas la preuve de son addiction au cannabis, dès lors que le ministre a retenu en particulier, comme motif de sa décision de refus d'agrément, non pas une addiction au cannabis mais sa qualité actuelle de " consommatrice occasionnelle de cannabis ", laquelle est suffisamment établie par les déclarations de la requérante elle-même lors de son audition par le service central des courses et jeux de la direction centrale de la police judiciaire. Or Mme D..., épouse A... ne verse au dossier aucun élément de nature à remettre en cause cette appréciation du ministre à la date des décisions contestées. Ainsi, si elle produit des résultats des analyses toxicologiques effectuées les 13 et 27 juillet 2020, 21 décembre 2020 et 16 mars 2021 indiquant des résultats négatifs s'agissant du dépistage de traces de cannabis dans ses urines, ces pièces sont postérieures aux décisions en litige et, de plus, il ressort des pièces versées au dossier que le cannabis s'élime rapidement dans les urines et qu'un consommateur occasionnel peut facilement, en s'abstenant de toute prise de drogue pendant quelques jours, obtenir des test négatifs. Dans ces conditions, eu égard aux impératifs de sincérité des jeux et d'ordre public, et même si l'intéressée avait obtenu la qualité de " croupier expérimenté " à l'issue d'une formation en juin 2019, le ministre de l'intérieur a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, estimer que Mme D..., épouse A... avait commis des faits incompatibles avec les fonctions d'employée de jeux qui requièrent au préalable des garanties d'ordre public et de moralité et refuser de lui délivrer un agrément.
6. Enfin, la circonstance que Mme D... épouse A... se trouve dans l'impossibilité de travailler et de subvenir à ses besoins du fait du refus du ministre de l'intérieur de lui délivrer l'agrément sollicité est sans incidence sur la légalité des décisions en litige.
7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de procéder à la substitution de motifs sollicitée par le ministre de l'intérieur, que Mme D... épouse A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... épouse A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... D... épouse A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente,
- Mme C..., première conseillère,
- Mme G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2021.
La rapporteure,
V. G...
La présidente,
H. VINOT
La greffière,
Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA04165