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03/06/2021 | FRANCE | N°20PA04183

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 03 juin 2021, 20PA04183


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à réparer l'intégralité des préjudices subis par elle et ses proches ou, à défaut, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à la réparation des dommages restant, d'ordonner une expertise complémentaire à celle diligentée par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents

médicaux (CCI) d'Ile-de-France et de condamner l'AP-HP ou, à défaut, l'ONIAM ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à réparer l'intégralité des préjudices subis par elle et ses proches ou, à défaut, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à la réparation des dommages restant, d'ordonner une expertise complémentaire à celle diligentée par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CCI) d'Ile-de-France et de condamner l'AP-HP ou, à défaut, l'ONIAM à lui allouer une provision de 20 000 euros dans l'attente de cette expertise.

Par un jugement n° 1815195/6-2 du 3 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a, en son article 1er, rejeté les conclusions de Mme E... tendant à ce qu'il soit ordonné une nouvelle expertise et à ce qu'il lui soit alloué une provision de 20 000 euros, en son article 2, a sursis à statuer sur les conclusions tendant à la réparation des préjudices dans l'attente de la communication par Mme E... de conclusions indemnitaires chiffrées dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, accompagnées des pièces justifiant de l'étendue des préjudices dont la réparation est demandée, notamment les préjudices patrimoniaux (pertes de revenus professionnels, incidence professionnelle, assistance par une tierce personne) et, en son article 3, a réservé jusqu'à la fin de l'instance tous les droits des parties sur lesquels il n'a pas été expressément statué par ce jugement.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 22 décembre 2020, sous le numéro 20PA04183, Mme E..., représentée par Me C... :

1°) défère devant Cour, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, le jugement n° 1815195/6-2 du 3 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) demande qu'il soit ordonné une nouvelle expertise, sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative ;

3°) demande la condamnation de l'AP-HP ou de l'ONIAM à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de provision, sur le fondement des dispositions des articles R. 541-1 à R. 541-6 du code de justice administrative ;

4°) demande le sursis à exécution du jugement n° 1815195/6-2 du tribunal administratif de Paris du 3 novembre 2020, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- une expertise médicale complémentaire est nécessaire en raison des erreurs commises par les experts nommés par la commission de conciliation et d'indemnisation (CCI) d'Ile-de-France, dont l'expertise n'est pas conforme aux données acquises de la science, ne se prononce pas sur la responsabilité de l'AP-HP engagée en raison d'un défaut d'information ni sur la mise en jeu de la solidarité nationale pour la réparation de l'infection nosocomiale, et sous évalue certains postes de préjudices ; elle est en outre nécessaire pour établir, de façon contradictoire, l'origine exacte des phénomènes douloureux dont elle a souffert et la date de consolidation de son état de santé ;

- une provision de 20 000 euros doit lui être versée, car une infection nosocomiale survenue à la suite d'une greffe d'organe ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale et crée ainsi une obligation non sérieusement contestable au sens de l'article R. 541-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance de la présidente de la 8ème chambre en date du 15 avril 2021, l'affaire a été dispensée d'instruction, en application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative.

Par un courrier en date du 26 avril 2021, Mme E... a été informée, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité de ses conclusions par lesquelles elle demande une expertise sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, qui constituent une demande nouvelle en appel dès lors que Mme E... n'a pas saisi le tribunal d'une demande d'expertise présentée sur ce fondement.

II. Par une requête enregistrée le 22 décembre 2020, sous le numéro 20PA04184, Mme E..., représentée par Me C..., demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1815195/6-2 du tribunal administratif de Paris du 3 novembre 2020 sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'exécution du jugement risque d'entrainer des conséquences difficilement réparables sur sa situation ;

- elle fait état de moyens sérieux d'annulation.

Par une ordonnance de la présidente de la 8ème chambre en date du 15 avril 2021, l'affaire a été dispensée d'instruction, en application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 8 décembre 2008 Mme E..., alors âgée de 58 ans, a été transférée au service des urgences de l'hôpital Cochin à Paris en raison d'une insuffisance respiratoire et d'un syndrome hémorragique. Elle a alors été prise en charge pour un purpura thrombopénique immunologique. Des prélèvements réalisés le 24 décembre 2008 ont mis en évidence la présence d'un staphylocoque doré nécessitant de nouveaux traitements. Elle a par la suite développé une infection à l'origine d'une spondylodiscite qui a évolué en spondylolyse affectant l'arc vertébral postérieur, imposant une intervention chirurgicale le 6 janvier 2011 au niveau des vertèbres, ou corporectomie. Mme E... a conservé une paraplégie. La commission de conciliation et d'indemnisation (CCI) d'Ile-de-France a, à la suite d'une expertise, rendu un avis selon lequel, d'une part, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) a commis une faute ayant entraîné une perte de chance, estimée à 80 %, d'éviter une très probable infection associée à la pose d'un cathéter périphérique et est ainsi responsable des préjudices subis à hauteur de 80 % et, d'autre part, l'état de Mme E... est consolidé à la date du 3 décembre 2015, et a également apporté des éléments d'évaluation des préjudices subis.

2. Par une requête enregistrée le 20 août 2018, Mme E... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'AP-HP, ou à défaut l'ONIAM, de l'intégralité des préjudices subis, d'ordonner une expertise complémentaire, et de condamner l'AP-HP ou l'ONIAM à lui verser une somme de 20 000 euros à titre de provision. Par un jugement du 3 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris, après avoir retenu un lien de causalité entre l'infection contractée par la requérante et la paraplégie dont elle a été atteinte au décours de l'intervention du 6 janvier 2011 et les séquelles qui en ont résulté, et considéré que le taux de déficit fonctionnel permanent dont est atteinte la requérante est supérieur à 25% de sorte qu'il appartient à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) de réparer intégralement les dommages subis par Mme E... en conséquence de l'infection nosocomiale contractée à l'occasion de sa prise en charge par l'hôpital Cochin, a rejeté les conclusions tendant à ce qu'il soit ordonné une nouvelle expertise et à ce qu'il soit alloué à Mme E... une provision de 20 000 euros, et a sursis à statuer sur les conclusions indemnitaires de Mme E... dans l'attente de la communication par la requérante de conclusions indemnitaires chiffrées. Par deux requêtes distinctes, Mme E... relève appel de ce jugement, et demande à la Cour d'ordonner qu'il soit sursis à son exécution.

3. Les requêtes n° 20PA04183 et n° 20PA04184, présentées par Mme E... sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul jugement.

Sur la requête n° 20PA04183 :

4. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. ". D'autre part, aux termes de l'article R. 532-1 de ce code : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. ".

5. Il résulte de l'instruction que, pour justifier du bien-fondé de sa demande d'expertise dans le cadre de sa demande indemnitaire présentée au tribunal, Mme E... a soutenu qu'une expertise complémentaire à celle diligentée par la CCI serait nécessaire pour apprécier l'étendue du préjudice dont elle demandait réparation au premier juge. Ainsi, la demande d'expertise présentée au tribunal doit nécessairement être regardée comme étant fondée sur les dispositions de l'article R. 621-1 du code de justice administrative, en application desquelles la juridiction peut, à la demande d'une partie, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise.

6. Par sa requête d'appel Mme E..., tout à la fois, défère ce jugement devant la Cour, et saisit la Cour, dans son office de juge des référés, d'une demande d'expertise présentée sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative.

7. Cependant, il résulte de l'instruction que Mme E... n'a pas saisi le tribunal d'une demande d'expertise présentée sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative. Par suite, les conclusions par lesquelles Mme E..., qui défère devant la Cour le jugement du tribunal administratif de Paris n° 1815195/6-2 du 3 novembre 2020, demande que le juge des référés de la Cour ordonne une expertise complémentaire sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, qui sont fondées sur une cause juridique distincte, constituent une demande nouvelle en appel et sont dès lors irrecevables. Elles doivent donc être rejetées.

8. En second lieu, par sa requête d'appel Mme E..., tout à la fois, défère le jugement du tribunal devant la Cour et saisit la Cour, dans son office de juge des référés, d'une demande de provision présentée sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative selon lesquelles " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (...) ".

9. Cependant, à l'appui de sa demande tendant à ce qu'une provision de 20 000 euros lui soit versée, Mme E... se borne à invoquer " un arrêt du Conseil d'Etat du 30 juin 2017 " selon lequel, d'après les termes de sa requête, une " infection nosicomiale .. constitue une obligation non sérieusement contestable ", et n'apporte aucune précision sur le ou les chef de préjudice au titre desquels elle présente des prétentions indemnitaires. De plus, en demandant la condamnation de " l'AP-HP/ l'ONIAM " elle ne précise pas suffisamment la personne dont elle demande la condamnation. Il suit de là que sa demande de provision ne peut, en tout état de cause, qu'être rejetée.

Sur la requête n° 20PA04184 :

10. La Cour se prononçant sur les conclusions de la requête n° 20PA04183 par laquelle Mme E... défère devant la Cour le jugement du tribunal administratif de Paris du 3 novembre 2020, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions par lesquelles Mme E... sollicite de la Cour le sursis à exécution de ce jugement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 20PA04183 de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Il n'y pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 20PA04184 de Mme E....

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E....

Copie en sera délivrée à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme A..., présidente,

- Mme B..., première conseillère,

- Mme F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2021.

L'assesseur le plus ancien,

A. B...Le président-rapporteur,

H. A...

Le greffier,

Y. HERBER La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°s 20PA04183, 20PA04184

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA04183
Date de la décision : 03/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Instruction - Moyens d'investigation - Expertise.

Procédure - Voies de recours - Appel - Conclusions recevables en appel - Conclusions nouvelles.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Hélène VINOT
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : DELMAS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-03;20pa04183 ?
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