Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'Union départementale des associations familiales (UDAF) de la Dordogne, agissant pour le compte de M. A... E... sous curatelle renforcée, a demandé à la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne d'annuler la décision du 24 février 2017 par laquelle le président du conseil départemental de la Dordogne a rejeté sa demande de renouvellement de la prise en charge de M. E... au titre de l'aide sociale à l'hébergement en qualité de personne âgée à compter du 1er janvier 2017.
Par une décision du 18 janvier 2018, la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 2 mars et 16 mai 2018, l'UDAF de la Dordogne, agissant en tant que curatrice de M. E..., représentée par Me C..., demande, dans le dernier état de ses écritures, à la Cour :
1°) d'annuler la décision du 18 janvier 2018 de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne ;
2°) d'annuler la décision du 24 février 2017 par laquelle le président du conseil départemental de la Dordogne a rejeté sa demande de renouvellement de la prise en charge de M. E... au titre de l'aide sociale à l'hébergement en qualité de personne âgée à compter du 1er janvier 2017 ;
3°) d'enjoindre au conseil départemental de la Dordogne d'admettre M. E... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement à compter du 1er janvier 2017 ;
4°) de mettre à la charge du département de la Dordogne la somme de 700 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la composition de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne qui a rendu la décision du 18 janvier 2018 était irrégulière en ce qu'elle était seulement composée du président, exerçant les fonctions de rapporteur et d'une secrétaire, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 134-6 du code de l'action sociale et des familles en vigueur à la date de cette décision ;
- les décisions du 18 janvier 2018 de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne et du 24 février 2017 du président du conseil départemental de la Dordogne sont entachées d'une erreur de droit en application des dispositions des articles L. 132-1 et R. 132-1 du code de l'action sociale et des familles dès lors que, pour l'appréciation des ressources de M. E..., doivent être pris en compte les revenus du capital, et non le capital lui-même ;
- elles sont entachées d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article R. 131-3 du code de l'action sociale et des familles dès lors qu'il n'y a pas eu d'élément nouveau depuis la décision d'attribution de 2014 ;
- ses ressources sont insuffisantes pour couvrir ses frais d'hébergement et son état de besoin est donc avéré ;
- M. E... peut prétendre à la prise en charge de ses frais d'hébergement au titre des personnes handicapées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2018, le président du conseil départemental de la Dordogne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
En application de l'article 12 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, le dossier de la requête susvisée a été transféré à la Cour administrative d'appel de Paris, où elle a été enregistrée le 2 janvier 2020 sous le n° 19PA00504.
II. Par une requête, enregistrée le 2 mars 2018 par la commission centrale d'aide sociale puis par la Cour sous le numéro 20PA00364, l'UDAF de la Dordogne, agissant en tant que curatrice de M. E..., conclut aux mêmes fins que dans la requête précédente et par les mêmes moyens que la requête enregistrée sous le n° 19PA00504.
Par une ordonnance en date du 3 décembre 2019, le président de la chambre sociale de la Cour d'appel de Bordeaux a transmis le jugement de la requête de l'union départementale des associations familiales de la Dordogne agissant au nom de M. E... à la Cour administrative d'appel de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;
- le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.
Le 17 juin 2021, postérieurement à l'audience, un mémoire a été produit pour Mme D... E....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... E... a été admis au bénéfice de l'aide sociale en qualité de personne handicapée pour la prise en charge de ses frais d'hébergement au sein de l'EHPAD " Les Félibres " de Périgueux à compter du 1er février 2013 par décision de la commission centrale d'aide sociale du 12 décembre 2014. Par décision du 24 février 2017, le président du conseil départemental de la Dordogne a rejeté sa demande de renouvellement de prise en charge à compter du 1er janvier 2017. Le recours formé par l'union départementale des associations familiales (UDAF) de la Dordogne pour le compte de M. E... placé sous curatelle renforcée contre cette décision devant la commission départementale de l'aide sociale de la Dordogne a été rejetée par décision du 18 janvier 2018, dont l'UDAF de la Dordogne relève appel. M. E... est décédé le 8 mars 2019.
Sur la jonction :
2. Les deux requêtes n°s 19PA00504 et 20PA00364 de l'UDAF de la Dordogne sont dirigées contre une même décision du 18 janvier 2018 de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé de la demande d'admission à l'aide sociale :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité de la décision du 18 janvier 2018 de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne :
3. Aux termes de l'article L. 113-1 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne âgée de soixante-cinq ans privée de ressources suffisantes peut bénéficier soit d'une aide à domicile, soit d'un placement chez des particuliers ou dans un établissement ". Selon les dispositions de l'article L. 131-4 du code de l'action sociale et des familles : " Les décisions attribuant une aide sous la forme d'une prise en charge de frais d'hébergement peuvent prendre effet à compter de la date d'entrée dans l'établissement à condition que l'aide ait été demandée dans un délai fixé par voie réglementaire ". L'article R. 131-2 du même code précise que " Sauf dispositions contraires, les demandes tendant à obtenir le bénéfice de l'aide sociale prévue aux titres III et IV du livre II prennent effet au premier jour de la quinzaine suivant la date à laquelle elles ont été présentées. / Toutefois, pour la prise en charge des frais d'hébergement des personnes accueillies dans un établissement social ou médico-social, habilité à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale ou dans un établissement de santé dispensant des soins de longue durée, la décision d'attribution de l'aide sociale peut prendre effet à compter du jour d'entrée dans l'établissement si la demande a été déposée dans les deux mois qui suivent ce jour. Ce délai peut être prolongé une fois, dans la limite de deux mois, par le président du conseil départemental ou le préfet (...) ". Selon l'article L. 132-1 du même code : " Il est tenu compte, pour l'appréciation des ressources des postulants à l'aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire ". L'article L. 344-5 du même code prévoit que " Les frais d'hébergement et d'entretien des personnes handicapées accueillies, quel que soit leur âge, dans les établissements mentionnés au b du 5° et au 7° du I de l'article L. 312-1, à l'exception de celles accueillies dans les établissements relevant de l'article L. 344-1, sont à la charge : / 1° A titre principal, de l'intéressé lui-même sans toutefois que la contribution qui lui est réclamée puisse faire descendre ses ressources au-dessous d'un minimum fixé par décret et par référence à l'allocation aux handicapés adultes, différent selon qu'il travaille ou non. Ce minimum est majoré, le cas échéant, du montant des rentes viagères mentionnées à l'article 199 septies du code général des impôts ainsi que des intérêts capitalisés produits par les fonds placés sur les contrats visés au 2° du I de l'article 199 septies du même code ainsi que du montant de la prime mentionnée à l'article L. 841-1 du code de la sécurité sociale ; (...) ". Aux termes de l'article L. 344-5-1 du même code : " Toute personne handicapée qui a été accueillie dans un des établissements ou services mentionnés au 7° du I de l'article L. 312-1 bénéficie des dispositions de l'article L. 344-5 lorsqu'elle est hébergée dans un des établissements et services mentionnés au 6° du I de l'article L. 312-1 du présent code et dans les établissements de santé autorisés à dispenser des soins de longue durée. / L'article L. 344-5 du présent code s'applique également à toute personne handicapée accueillie dans un établissement ou service mentionné au 6° du I de l'article L. 312-1 ou dans un établissement autorisé à dispenser des soins de longue durée, et dont l'incapacité, reconnue à la demande de l'intéressé avant l'âge mentionné au premier alinéa de l'article L. 113-1, est au moins égale à un pourcentage fixé par décret. ". Selon les dispositions de l'article L. 113-1 du même code, " Toute personne âgée de soixante-cinq ans privée de ressources suffisantes peut bénéficier, soit d'une aide à domicile, soit d'un accueil chez des particuliers ou dans un établissement. / Les personnes âgées de plus de soixante ans peuvent obtenir les mêmes avantages lorsqu'elles sont reconnues inaptes au travail ". Aux termes de l'article D. 344-40 du même code : " Pour l'application du second alinéa de l'article L. 344-5-1, le taux d'incapacité permanente, apprécié en application du guide-barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées figurant à l'annexe 2-4, est d'au moins 80 % ". Selon l'article R. 132-1 du même code : " Pour l'appréciation des ressources des postulants prévue à l'article L. 132-1, les biens non productifs de revenu, à l'exclusion de ceux constituant l'habitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s'il s'agit d'immeubles bâtis, à 80 % de cette valeur s'il s'agit de terrains non bâtis et à 3 % du montant des capitaux ".
4. D'une part, il résulte de ces dispositions que les ressources à prendre en compte pour accorder ou refuser le bénéfice de l'aide sociale comprennent les revenus perçus par le demandeur, notamment ceux tirés du placement des capitaux qu'il détient. A défaut pour lui de faire fructifier ces derniers, l'administration calcule un revenu forfaitaire, représentant les intérêts susceptibles d'être perçus, qui s'ajoute aux revenus effectivement perçus. En revanche, n'a pas à être pris en compte le montant des capitaux eux-mêmes, tant mobiliers qu'immobiliers, pour décider de l'admission ou non à l'aide sociale.
5. D'autre part, il résulte de ces dispositions que lorsque la personne handicapée ne travaille pas et a été reconnue comme handicapée à hauteur d'au moins 80 % avant l'âge de 65 ans, ce qui est en le cas de M. E... qui s'est vu reconnaitre un taux d'invalidité de 90 % alors qu'il était âgé de 43 ans, la somme qui lui est laissée à disposition ne peut être inférieure, mensuellement, à 30 % de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), soit 242,54 euros en 2016.
6. Enfin, il résulte des dispositions combinées des articles L. 132-3 et R. 231-6 du code de l'action sociale et des familles que les établissements qui assurent à la fois l'hébergement et l'entretien des personnes âgées doivent fournir à ce titre l'ensemble des prestations d'administration générale, d'accueil hôtelier, de restauration, d'animation de la vie sociale de l'établissement et les autres prestations et fournitures nécessaires au bien-être de la personne dans l'établissement, dès lors qu'elles ne sont pas liées à son état de santé ou à son état de dépendance. Lorsqu'une personne âgée se voit demander d'acquitter elle-même des dépenses d'entretien qui devraient trouver leur contrepartie dans le tarif de l'établissement, il y a lieu, par suite, de déduire ces dépenses de l'assiette de la contribution exigée de l'intéressée en application des dispositions précitées.
7. Il résulte de l'instruction qu'à la date de sa demande d'aide sociale, M. E... disposait de ressources mensuelles de 1 546,71 euros constituées de pensions de retraite de 1 518,32 euros et d'intérêts sur ses capitaux placés à savoir des intérêts générés par un livret A, un livret d'épargne populaire et un Codevi pour un total mensuel de 28,39 euros, sans que puisse être pris en compte le montant desdits capitaux placés. Ses ressources propres doivent être diminuées des dépenses exclusives de tout choix de gestion à savoir 45,44 euros au titre de ses frais de curatelle. En revanche, dès lors que les dépenses afférentes à la souscription d'une assurance de responsabilité civile ne sont pas au nombre des dépenses mises à la charge des personnes âgées par la loi et exclusives de tout choix de gestion, la dépense de 10,56 euros par mois exposée à ce titre par M. E... ne peut pas, en l'absence de disposition contraire du règlement départemental d'aide sociale, être déduite de l'assiette de la contribution exigée par les textes pour le règlement de ses frais d'hébergement. Par suite, dès lors que la somme qui lui est laissée à disposition est en application du principe rappelé au point 5 du présent arrêt d'au moins 242,54 euros et que peut être déduite de ses revenus la somme mensuelle précitée de 45,44 euros, M. E... pouvait, à la date de sa demande, consacrer à ses frais d'hébergement la somme maximale de 1 258,73 euros par mois alors qu'il résulte de l'instruction que ces frais s'élèvent à 1 760,27 euros par mois dans l'établissement précité. Ils ne sont donc pas couverts par ses ressources propres après déduction du minimum légal laissé à disposition, son état de besoin pour régler ses frais d'hébergement est établi de sorte qu'il y a lieu de prononcer son admission à l'aide sociale à hauteur du déficit de ressources constaté par rapport à ces frais d'hébergement.
8. Par suite, l'UDAF de la Dordogne est fondée à soutenir que M. E... doit bénéficier du renouvellement de l'aide sociale à l'hébergement du 1er janvier 2017 au 8 mars 2019, date de son décès et à demander pour ce motif l'annulation de la décision du 18 janvier 2018 de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne et de la décision du 24 février 2017 par laquelle le président du conseil départemental de la Dordogne a rejeté sa demande de renouvellement de la prise en charge de M. E... au titre de l'aide sociale à l'hébergement en qualité de personne âgée à compter du 1er janvier 2017.
9. M. E... étant décédé le 8 mars 2019, il y a lieu de renvoyer ses ayants-droits devant le président du conseil départemental de la Dordogne afin que ce dernier détermine le déficit constaté des ressources perçues par M. E... du 1er janvier 2017 au 8 mars 2019, diminuées de la quote-part fixée à l'article D. 344-40 du code de l'action sociale et des familles ainsi que des dépenses mises à sa charge par la loi et exclusives de tout choix de gestion, par rapport aux frais de son hébergement au sein de l'EHPAD " Les Félibres " de Périgueux et qu'il procède au paiement des sommes ainsi calculées.
Sur les frais liés aux instances :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner le département de la Dordogne à verser à l'UDAF de la Dordogne la somme de 700 euros qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 18 janvier 2018 de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne et la décision du 24 février 2017 par laquelle le président du conseil départemental de la Dordogne a rejeté sa demande de renouvellement de la prise en charge de M. E... au titre de l'aide sociale à l'hébergement en qualité de personne âgée à compter du 1er janvier 2017 sont annulées.
Article 2 : M. E... est admis au bénéfice de l'aide sociale pour la prise en charge de ses frais d'hébergement à compter du 1er janvier 2017 au 8 mars 2019. Les ayant-droits de M. E... sont renvoyés devant le président du conseil départemental de la Dordogne afin qu'il procède à la fixation et au paiement des sommes dues à ce titre.
Article 3 : Le département de la Dordogne est condamné à verser à l'Union départementale des associations familiales de la Dordogne la somme de 700 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié aux ayants-droits de M. A... E..., à l'UDAF de la Dordogne, au département de la Dordogne et au ministre des solidarités et de la santé.
Copie pour information sera adressée à l'EHPAD " Les Félibres " de Périgueux.
Délibéré après l'audience du 3 juin 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme B..., première conseillère,
- Mme F..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2021.
La rapporteure,
A. B...
La présidente,
H. VINOT
La greffière,
Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N°s 19PA00504 et 20PA00364