Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 3 février 2020 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation.
Par un jugement n° 2004675 du 28 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés les 8 janvier et 25 janvier 2021, Mme B..., représentée par Me Cheix, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2004675 du 28 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris.
2°) d'annuler l'arrêté du 3 février 2020 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délais et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve de renonciation à l'aide juridictionnelle, en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier car le tribunal administratif de Paris a omis de statuer sur les moyens tirés de l'absence d'authenticité des signatures des médecins composant le collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et de l'absence de caractère collégial de l'avis rendu par le collège des médecins ;
- la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour est entachée des vices de procédure tenant au caractère non collégial de l'avis des médecins du collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de l'irrégularité de la composition du collège de médecins de l'l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- elle méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car elle ne peut accéder de manière effective à une prise en charge médicale appropriée dans son pays d'origine, la Côte d'Ivoire ;
- elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision d'obligation de quitter le territoire français est illégale par la voie de l'exception d'illégalité de la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant un délai de départ volontaire de 30 jours est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 juillet et 10 août 2021, le préfet de police a conclu au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... sont infondés.
Par une ordonnance du 7 juillet 2021, le président de la 5ème chambre de la Cour administrative d'appel de Paris a clos l'instruction le 25 août 2021 à 12 h 00.
Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 26 novembre 2020, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante ivoirienne née le 5 janvier 1980, est entrée régulièrement en France le 2 mars 2015, alors qu'elle était âgée de 35 ans, sous couvert d'un visa de court séjour. Elle a bénéficié, sur le fondement des dispositions alors codifiées au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'un premier titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable du 24 mai 2018 au 23 mai 2019. Elle a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour sur le même fondement. Par un arrêté du 3 février 2020, le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour. Mme B... fait appel du jugement du 28 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a refusé d'annuler l'arrêté du 3 février 2020, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur la régularité du jugement :
2. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Paris a expressément répondu aux moyens contenus dans le mémoire produit le 10 juin 2020 par Mme B.... En particulier, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré de l'absence de caractère collégial de l'avis rendu par le collège des médecins et de l'absence d'authenticité des signatures de ces médecins. En effet, le tribunal a indiqué que l'avis du collège de médecins " comporte le nom et la signature des trois médecins du collège " ainsi que la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant " et que " Contrairement à ce que soutient la requérante, cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire. Cette preuve n'est pas rapportée par la requérante, qui se borne à contester l'authenticité des signatures apposées par les trois médecins et à relever qu'ils exercent leur activité dans des villes différentes ". Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité à raison d'une insuffisance de motivation.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour :
3. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de de l'irrégularité de la composition du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration réuni le 8 janvier 2020 et de l'absence de caractère collégial de l'avis rendu par ce collège sur l'état de santé de Mme B..., par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges au point 4 du jugement attaqué.
4. En deuxième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".
5. La requérante soutient qu'elle ne peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme B... est une patiente dite " HIV controller ". Elle présente une pathologie affectant seulement 10 % des patients séropositifs qui se caractérise par l'absence de réplication détectable du virus de l'immunodéficience humaine pendant une période très prolongée sans soumission à un traitement antirétroviral. En raison de cette pathologie, Mme B... bénéficie d'un suivi limité à deux consultations par an dans le service des maladies infectieuses de l'hôpital Saint-Louis à Paris. Les certificats médicaux des 9 mars et 11 mai 2020 par lesquels les médecins de ce service font état de ce que Mme B... ne peut faire l'objet d'un suivi adapté dans son pays d'origine ne sont pas assortis de précisions et n'émanent pas de médecins ayant une connaissance reconnue du système de santé ivoirien. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a séjourné irrégulièrement sur le territoire français pendant plus de trois ans avant d'obtenir à compter du 24 mai 2018 un premier titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en qualité d'étrangère malade et a commencé à exercer une activité professionnelle à partir du mois d'avril 2019. Elle fait valoir que le centre de ses intérêts personnels est désormais en France, dont elle parle la langue, et dans la mesure où elle y travaille en qualité d'agent de service hôtelier au sein d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes et suit une formation afin de devenir auxiliaire de vie. Toutefois, l'activité professionnelle de Mme B... présente un caractère récent et précaire dans la mesure où elle travaille dans le cadre de contrats à durée déterminée. En outre, il ressort de ses propres déclarations que son enfant vit en Côte d'Ivoire. Le fait qu'une de ses cousines réside régulièrement en France ne lui confère aucun droit en séjour. Dans ces circonstances, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de la requérante doit être écarté.
9. En dernier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour par adoption du motif retenu à juste titre par les premiers juges au point 6 du jugement attaqué.
En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, en l'absence d'illégalité de la décision de refus de renouvellement du titre de séjour délivré à Mme B..., le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ". Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, ce moyen ne peut qu'être écarté.
12. En troisième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7 et 8, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de la requérante ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne la décision fixant à 30 jours le délai de départ volontaire :
13. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. ' L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) ".
14. La pathologie et l'activité professionnelle de la requérante ne constituent pas des motifs exceptionnels justifiant l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Dans ces conditions, dès lors que l'octroi d'un délai supérieur n'est accordé qu'à titre exceptionnel, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de Mme B... en lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
15. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
16. Eu égard à ce qui a été dit au point 5, et en l'absence de tout autre élément probant ou pertinent, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues.
17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation doivent être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 septembre 2021.
La rapporteure,
I. C...La présidente,
H. VINOT
La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA00090