Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 février 2020 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour et a retiré ses deux précédents titres de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2005550/2-2 du 30 décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 1er février et 13 avril 2021, M. C..., représenté par Me Cheix, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 30 décembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 10 février 2020 sauf en ce qu'il porte retrait des titres de séjour au nom de M. B... C... ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale", dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans le délai de trois mois suivant la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans l'attente un récépissé l'autorisant à travailler ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le préfet de police était lié par l'existence d'une fraude constatée et non contestée et qu'il n'avait dès lors pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'étendue de sa compétence en n'examinant pas sa demande de régularisation à titre exceptionnel en vue de la délivrance d'un titre de séjour ;
- la décision de refus de renouvellement d'un titre de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée.
La requête a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... C..., ressortissant malien né le 31 décembre 1986, est entré en France en septembre 2013, selon ses déclarations. M. C... a obtenu deux titres de séjour valables respectivement du 1er décembre 2015 au 30 novembre 2016 et du 13 février 2017 au 12 février 2019. Par un arrêté du 10 février 2020, le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, a retiré ses deux précédents titres de séjour, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, au motif que les titres de séjour de M. C... avaient été obtenus par fraude. M. C... relève appel du jugement du 30 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
Sur la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".
4. Il ressort des pièces du dossier que pour demander le renouvellement de son titre de séjour le 28 janvier 2019 en application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. D... C... s'est présenté sous l'identité de Saloum C..., son frère ; il est constant qu'il a également sollicité ses précédents titres de séjour en usurpant l'identité de son frère, depuis 2015. Dans ces conditions, le préfet de police était fondé à considérer que M. C... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en produisant des déclarations frauduleuses, et pour ce motif, à refuser de renouveler son titre de séjour. Au surplus, si M. D... C... soutient qu'il réside et travaille en France depuis 2013 et qu'il justifie, en conséquence, de motifs exceptionnels ou de circonstances humanitaires au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ces seuls éléments ne sauraient suffire à caractériser un motif exceptionnel d'admission au séjour ou une considération humanitaire au sens de cet article. Par suite, le préfet de police n'a pas méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer un titre de séjour à M. C....
5. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué ni des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation personnelle du requérant et aurait commis une erreur de droit en n'appréciant pas l'opportunité d'une mesure de régularisation avant de rejeter sa demande de renouvellement de titre de séjour.
6. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
7. M. C... se prévaut de sa présence en France depuis 2013 et de la nationalité française de son père ; il soutient en outre qu'il a travaillé comme plongeur, puis en tant que cuisinier depuis son arrivée. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, célibataire et sans charge de famille, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Mali, où vit notamment son frère et où il a lui-même vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-sept ans. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de séjour a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ou que cette décision a méconnu les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de séjour serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, le refus de renouvellement du titre de séjour n'étant pas illégal, il ne prive pas de base légale la décision portant obligation de quitter le territoire français.
10. En second lieu, le moyen tiré, d'une part, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, d'autre part, de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de M. C..., doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 7 ci-dessus.
Sur la décision fixant un délai de départ volontaire :
11. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) ".
12. Le préfet de police a octroyé un délai de trente jours à M. C... pour quitter le territoire français. En dehors d'une demande expresse de l'étranger, les dispositions précitées n'imposent pas au préfet de motiver spécifiquement cette décision. Par suite, le moyen tiré de ce que celle-ci ne serait pas suffisamment motivée doit être écarté comme inopérant.
13. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation personnelle de M. C... aurait imposé un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Celui-ci n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire qui lui a été accordé serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
14. La décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée dès lors que l'arrêté attaqué mentionne que M. C... " n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, ou dans son pays de résidence habituelle où il est effectivement admissible ", alors en outre que l'intéressé ne fait valoir aucun élément susceptible de constituer une violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
16. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de M. C... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 10 février 2020, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée pour information au préfet de police.
Délibéré après l'audience publique du 7 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure ;
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2021.
La rapporteure,
G. A... Le président,
I. LUBENLa greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 21PA00538