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05/10/2021 | FRANCE | N°20PA03468

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 05 octobre 2021, 20PA03468


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, outre des conclusions à fin d'injonction et des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2013318/1-2 du 10 novembre 2020, le Tribunal administratif de Paris

a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, outre des conclusions à fin d'injonction et des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2013318/1-2 du 10 novembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2020, M. A..., représenté par

Me Heudjetian, demande à la Cour:

1°) d'annuler ce jugement du 10 novembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 24 juillet 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié" sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier faute de convocation régulière des parties à l'audience;

- l'arrêté litigieux est entaché d'insuffisance de motivation et de défaut d'examen complet de la demande;

- la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que l'existence d'une menace à l'ordre public n'est pas avérée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant ;

- l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale, dès lors qu'elle est fondée sur une décision portant refus de titre de séjour elle-même illégale ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- s'agissant du moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, il s'en remet à la sagesse de la Cour ;

- les autres moyens soulevés par M. A... sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès ;

- les observations de Me Heudjetian pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né le 21 mai 1985 et entré en France le 15 août 2016, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations du b de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 24 juillet 2020, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il devait être éloigné. M. A... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Il relève appel du jugement en date du 10 novembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. A... n'a pas été convoqué à l'audience en méconnaissance des dispositions des articles R. 711-2 et R. 711-2-1 du code de justice administrative et n'y était ni présent ni représenté. M. A... est donc fondé à soutenir que, pour ce motif, le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé.

3. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de

M. A... devant le Tribunal administratif de Paris et sur ses moyens d'appel.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. En premier lieu, par un arrêté n° 2020-00508 du 16 juin 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du 23 juin 2020, le préfet de police a donné délégation à Mme D... C..., attachée principale d'administration, à l'effet de signer notamment les décisions de refus de titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Par suite, le moyen tiré du défaut de compétence de la signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". En vertu de l'article L. 211-5 du même code, la motivation doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision.

6. La décision de refus de titre de séjour attaquée vise les textes dont elle fait application, notamment les stipulations de l'article 7 de l'accord franco-algérien modifié, les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle comporte ainsi les considérations de droit qui en constituent le fondement. Par ailleurs, elle précise que l'intéressé ne remplit pas les conditions prévues par le b de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dès lors qu'il ne dispose pas d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes et qu'il est démuni de visa de long séjour. Elle indique, en outre que si M. A... dispose d'un contrat de travail pour le métier d'employé polyvalent, il s'est prévalu d'une fausse carte nationale d'identité auprès de son employeur, qu'il est célibataire et sans charge de famille en France, qu'il n'atteste pas être démuni d'attaches familiales à l'étranger où résident ses parents et sa fratrie et qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, les moyens

tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen complet et personnalisé de la situation du requérant doivent être écartés.

7. En troisième lieu, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ". En ce qui concerne les ressortissants algériens, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles ils peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. L'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ". Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Dès lors que, ainsi qu'il a été dit, ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Par suite, M. A... ressortissant algérien, n'est pas fondé à invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 précité.

8. En quatrième lieu, si M. A... entend soulever le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les énonciations de cette circulaire ne constituent pas des lignes directrices dont les intéressés peuvent utilement se prévaloir devant le juge administratif. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cette circulaire ne peut qu'être écarté.

9. En cinquième lieu, pour refuser à M. A... le titre de séjour demandé, le préfet de police s'est fondé sur les motifs tirés de ce qu'il ne remplissait pas les conditions prévues par le b de l'article 7 de l'accord franco-algérien, dès lors qu'il ne disposait ni d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, ni d'un visa de long séjour. Il ressort des termes de la décision attaquée, d'une part, que le préfet de police s'est fondé de manière surabondante sur le motif tiré de ce que M. A... se serait prévalu d'une fausse carte d'identité française auprès de son employeur lors de son embauche et, d'autre part, qu'il aurait pris la même décision en écartant ce motif. M. A... ne peut ainsi utilement soutenir, en tout état de cause, que le préfet aurait commis une erreur d'appréciation en retenant, sur ce seul motif, l'existence d'une menace pour l'ordre public. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être écarté.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

11. Si M. A... fait valoir qu'il réside de façon stable en France depuis 2016 et qu'il y est intégré professionnellement, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans charge de famille et qu'il n'est pas dépourvu de toute attache familiale en Algérie où résident ses parents et sa fratrie. Dans ces conditions, la décision attaquée ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle poursuit. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation de l'incidence de la décision sur sa situation personnelle doivent être écartés.

12. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour doivent être rejetées.

13. Ainsi qu'il a été dit précédemment, la décision refusant à M. A... un titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas été prise sur le fondement d'une décision illégale. Le moyen tiré d'une telle exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écarté.

14. Ainsi qu'il a été dit au point 11, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale et le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle doit être écarté.

15. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doivent également être rejetées. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction de M. A... doivent également être rejetées ainsi que ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE:

Article 1er : Le jugement n° 2013318/1-2 du 10 novembre 2020 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande de M. A... devant le Tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3: Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 octobre 2021.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

T. CELERIER

La greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA03468 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03468
Date de la décision : 05/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme MACH
Avocat(s) : HEUDJETIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-10-05;20pa03468 ?
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