Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du
7 février 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2003008 du 15 janvier 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 février 2021, M. B..., représenté par Me Hajaji, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 janvier 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 7 février 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué a été pris en méconnaissance du principe du contradictoire, en l'absence de mémoire en défense du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée et n'a pas été précédé d'un examen particulier de sa situation personnelle ;
- cette décision est entachée d'une erreur de fait en ce qui concerne la catégorie de visa sous couvert duquel il est entré sur le territoire français ;
- elle méconnaît le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du même code ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il vit en France depuis plus de neuf ans, où il dispose de nombreuses attaches familiales, et est titulaire d'un contrat à durée indéterminée ;
- elle méconnaît l'article L. 313-14 du même code ainsi que la circulaire du
28 novembre 2012 dès lors qu'il ne vit pas en état de polygamie, ne représente pas une menace à l'ordre public et qu'il fait état de circonstances exceptionnelles justifiant son admission au séjour ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'un retour au Mali l'expose à un risque de subir des traitements inhumains et dégradants.
M. B... a produit des piéces complémentaires le 8 juin 2021.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, lequel n'a pas produit de mémoire en défense.
Des pièces complémentaires ont été produites pour M. B... le 19 octobre 2021, postérieurement à la clôture automatique de l'instruction, trois jours francs avant l'audience.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
-le rapport de M. Pagès ;
- les observations de Me Hajaji pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant malien né le 1ier janvier 1983, est entré en France le
28 janvier 2011, muni d'un visa de long séjour. Il s'est vu délivrer un titre de séjour à compter du 27 juin 2013, renouvelé une fois. Ultérieurement, il a bénéficié d'une carte de séjour temporaire valable du 15 juin 2018 au 14 juin 2019. Le 28 mai 2019, M. B... a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour. Par un arrêté du 7 février 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 15 janvier 2021 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pieces du dossier que M. B... réside habituellement en France depuis le mois de janvier 2011, soit plus de neuf ans à la date de l'arrêté attaqué, et pour une partie de cette période en situation régulière en qualité de père de deux enfants français. Il ressort également des piéces du dossier que, dans un premier temps, le requérant a contribué à l'entretien et l'éducation de ses enfants, avant que leur mère, qui s'était vu confier leur garde, parte sans laisser d'adresse en 2015. M. B... a alors introduit une procédure devant le juge aux affaires familiales le 21 janvier 2020 pour faire valoir les droits qui lui avaient été précedemment accordés. En outre, il a un frère et des neveux et nieces en France. Enfin, le requérant, produisant des piéces complémentaires en appel pour la période de 2014 à 2017, établit avoir travaillé de façon quasi continue de 2011 à 2018 sur la base de contrats à durée déterminée et depuis le
2 janvier 2019 au titre d'un contrat à durée indéterminée, témoignant ainsi d'une réelle integration professionnelle. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, dans les circonstances particulières de l'espèce, M. B... est fondé à soutenir que l'arrêté attaqué a méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, par suite à demander, pour ce motif, son annulation.
4. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt implique nécessairement, eu égard au moyen d'annulation retenu, que l'administration délivre une carte de séjour temporaire à M. B.... Il y a donc lieu, en vertu de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer un tel titre de séjour à M. B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au profit de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2003008 du 15 février 2021 du Tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 7 février 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis pris à l'encontre de M. B... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer une carte de séjour temporaire à M. B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. B... au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative .
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 19 octobre 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 novembre 2021.
Le rapporteur,
D. PAGESLe président,
T. CELERIER
La greffière,
K. PETIT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA00771 2