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15/11/2021 | FRANCE | N°20PA01040

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 15 novembre 2021, 20PA01040


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 29 janvier 2019 par laquelle le conseil de l'ordre des médecins de la Polynésie française a refusé de saisir la chambre disciplinaire de première instance de la Polynésie française à la suite de sa plainte à l'encontre du docteur E....

Par jugement n° 1900237 du 25 février 2020, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 mars 2020 et 11 février 2021, M. D..., représenté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 29 janvier 2019 par laquelle le conseil de l'ordre des médecins de la Polynésie française a refusé de saisir la chambre disciplinaire de première instance de la Polynésie française à la suite de sa plainte à l'encontre du docteur E....

Par jugement n° 1900237 du 25 février 2020, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 mars 2020 et 11 février 2021, M. D..., représenté par Me Baysan, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1900237 du 25 février 2020 du tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) d'annuler la décision du 29 janvier 2019 par laquelle le conseil de l'ordre des médecins de la Polynésie française a refusé de saisir la chambre disciplinaire de première instance de la Polynésie française à la suite de sa plainte à l'encontre du docteur E... ;

3°) d'enjoindre au conseil de l'ordre des médecins de la Polynésie française d'engager des poursuites disciplinaires contre le docteur E... dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que la minute n'est pas signée ;

- il est entaché d'une erreur de droit dès lors que les premiers juges ont considéré à tort que le conseil de l'ordre des médecins de la Polynésie française n'avait entaché sa décision ni d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation alors que la faute dans sa prise en charge est établie par le rapport de l'expertise réalisée suite à l'ordonnance du 25 février 2015 du tribunal administratif de la Polynésie française ;

- le docteur E... a méconnu les obligations déontologiques résultant des articles 32 et 33 du code de déontologie médicale de la Polynésie française.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2021, le conseil de l'ordre des médecins de la Polynésie française, représenté par Me Boursas, conclut :

1°) au rejet de la requête de M. D... ;

2°) à la condamnation de M. D... au paiement d'une amende pour recours abusif sur le fondement des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice admirative ;

3°) au retrait total de l'aide juridictionnelle accordée à M. D... ;

4°) à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. D... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 15 octobre 2020.

Par courrier du 2 septembre 2021, les parties ont été informées, conformément à l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité des conclusions du conseil de l'ordre des médecins de la Polynésie française tendant à ce que, d'une part, une amende pour recours abusif soit mise à la charge de M. D..., cette faculté prévue par l'article R. 741-2 du code de justice administrative constituant un pouvoir propre du juge et, d'autre part, l'aide juridictionnelle totale accordée à M. D... lui soit retirée, cette faculté prévue par l'article 51 de la loi du 10 juillet 1991 constituant un pouvoir propre du juge.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- la délibération n° 96-115 APF du 10 octobre 1996 portant code de déontologie médicale de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Boursas, avocat du conseil de l'ordre des médecins de la Polynésie française.

Considérant ce qui suit :

1. Le 21 avril 2013, M. A... A... a été transporté par les pompiers à l'hôpital de Moorea pour une forte fièvre et des courbatures. Le docteur C... E..., médecin de permanence, l'a renvoyé à son domicile et a prescrit des examens biologiques afin de rechercher notamment des marqueurs de la dengue et de la leptospirose, en lui demandant de revenir quatre jours après ou plus tôt en cas de fièvre, d'asthénie, de dyspnée ou de douleur. Le 24 avril, le laboratoire médical a informé l'hôpital de la découverte de leptospires (bactéries) dans les prélèvements. M. A... A... a été transporté dans l'après-midi au centre hospitalier de la Polynésie française et a été pris en charge dans le service de réanimation où il est resté jusqu'au 5 mai, puis dans le service de médecine interne jusqu'au 14 mai 2013, date de retour à son domicile. Par jugement du 13 juin 2017, le tribunal administratif de la Polynésie Française a retenu la responsabilité totale de la Polynésie française pour les préjudices en lien avec la gravité des complications subies par M. A... A... du fait de l'absence de prescription d'une antibiothérapie, dès le 21 avril 2013, par le médecin de permanence de l'hôpital de Moorea et l'a condamnée à lui verser une indemnité en réparation des préjudices résultant de cette faute médicale. Le 30 novembre 2018, M. D... a saisi le conseil de l'ordre des médecins de la Polynésie française d'une plainte dirigée contre le docteur E... afin qu'elle soit sanctionnée sur le plan disciplinaire. Par décision du 29 janvier 2019, le conseil de l'ordre des médecins de la Polynésie française a refusé d'introduire une action disciplinaire à l'encontre du docteur E.... Par jugement du 25 février 2020, dont M. D... relève appel, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté la requête qu'il avait formée contre cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " (...) la minute est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort des pièces communiquées par M. D... à l'appui de son mémoire du 11 février 2021 que la minute du jugement attaqué comporte l'ensemble des signatures prévues par l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Ainsi le moyen tiré de ce que le jugement attaqué est irrégulier dès lors que la minute n'est pas signée doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article L. 4124-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable en Polynésie française en vertu de l'article L. 4441-6 du même code : " Les médecins chargés d'un service public et inscrits au tableau de l'ordre de la Nouvelle-Calédonie ou à celui de la Polynésie française ne peuvent être traduits devant la chambre disciplinaire de première instance, à l'occasion des actes de leur fonction publique, que par le représentant de l'Etat, le procureur de la République, le Conseil national de l'ordre ou l'organe de l'ordre au tableau duquel le praticien est inscrit, ou par le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ou le président de la Polynésie française ".

5. Aux termes de l'article 32 de la délibération n° 96-115 APF du 10 octobre 1996 portant code de déontologie médicale de la Polynésie française : " Dès lors qu'il a accepté de répondre à une demande, le médecin s'engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s'il y a lieu, à l'aide de tiers compétents ". L'article 33 de la même délibération dispose : " Le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés ".

6. Lorsqu'il est saisi d'une plainte d'une personne qui ne dispose pas du droit de traduire elle-même un médecin en chambre de discipline, il appartient au conseil de l'ordre des médecins de décider des suites à donner à la plainte. Il dispose, à cet effet, d'un large pouvoir d'appréciation et peut tenir compte notamment de la gravité des manquements allégués, du sérieux des éléments de preuve recueillis ainsi que de l'opportunité d'engager des poursuites compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

7. Pour justifier la plainte présentée devant le conseil de l'ordre des médecins de la Polynésie française, M. D... soutient que le docteur E... n'a pas assuré des soins consciencieux et fondés sur les données acquises de la science et n'a pas élaboré son diagnostic avec le plus grand soin.

8. Le rapport d'expertise daté du 16 mai 2016 a relevé une procédure de prise en charge à l'hôpital de Moorea non conforme aux bonnes pratiques, constitutive d'une faute dans le choix et le mode de traitement, laquelle a entraîné la mise en jeu de la responsabilité de la Polynésie française. Toutefois, l'expert a indiqué que le bilan biologique a été conforme à la procédure prévue par la direction de la Santé, mais que le traitement contre la leptospirose aurait dû être commencé dès ce diagnostic évoqué. Si l'expert a clairement établi l'existence d'une faute médicale, il ne s'en déduit pas, et aucun élément ne permet de l'induire, que le médecin de permanence qui a examiné M. D... n'ait pas assuré des soins consciencieux et fondés sur les données acquises de la science et n'ait pas élaboré son diagnostic avec le plus grand soin. Ni le diagnostic évoqué ni les examens biologiques n'ont été remis en cause. L'erreur commise de ne pas débuter sans attendre un traitement contre la leptospirose, relevée comme fautive, n'est pas de nature par elle-même à révéler un manquement aux obligations déontologiques prévues par le code de déontologie médicale de la Polynésie française. En dehors de cette faute médicale, aucune autre circonstance permettant de caractériser un éventuel manquement à la déontologie médicale n'a été relevée par l'expert ni invoquée par M. D.... Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant de déférer le docteur E... devant la chambre disciplinaire, le conseil de l'ordre des médecins de la Polynésie française ait commis une erreur manifeste d'appréciation.

9. M. D... n'apporte pas de précisions suffisantes à l'appui du moyen tiré de l'erreur de droit que les premiers juges auraient commise.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 janvier 2019 par laquelle le conseil de l'ordre des médecins de la Polynésie française a refusé d'introduire une action disciplinaire à l'encontre du docteur E.... Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur la condamnation à une amende pour recours abusif :

11. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ".

12. La faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions du conseil de l'ordre des médecins de la Polynésie française tendant à ce que le requérant soit condamné à une telle amende ne sont pas recevables.

Sur le retrait de l'aide juridictionnelle :

13. En application de l'article 50 de la loi du 10 juillet 1991 : " (...) le bénéfice de l'aide juridictionnelle (...) est retiré (...) dans les cas suivants (...) 3° Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive ". L'article 51 de la même loi précise : " (...) Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive, la juridiction saisie prononce le retrait total de l'aide juridictionnelle ".

14. La faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions du conseil de l'ordre des médecins de la Polynésie française tendant à ce que la Cour prononce le retrait de l'aide juridictionnelle accordée à M. D... ne sont pas recevables.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que le conseil de l'ordre des médecins de la Polynésie française, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. D... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... la somme que demande le conseil de l'ordre des médecins de la Polynésie française au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le conseil de l'ordre des médecins de la Polynésie française tendant à ce que la Cour prononce une amende pour recours abusif et le retrait de l'aide juridictionnelle accordée à M. D... ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D..., au conseil de l'ordre des médecins de la Polynésie française et à Mme C... E....

Délibéré après l'audience du 14 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 novembre 2021.

La rapporteure,

A. COLLET Le président,

R. LE GOFF

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA01040


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01040
Date de la décision : 15/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-04 Professions, charges et offices. - Discipline professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : BAYSAN

Origine de la décision
Date de l'import : 01/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-11-15;20pa01040 ?
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