Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 22 juin 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé son pays de destination.
Par un jugement n° 2011247/6-1 du 12 mars 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 avril 2021, M. C..., représenté par Me Mhissen, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2011247/6-1 du 12 mars 2021 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 juin 2020 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer, en l'attente, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les stipulations des articles 7 ter et
7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié en matière de séjour et de travail, dès lors qu'il établit résider en France depuis le 19 juillet 2000 ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît les stipulations des articles 7 ter et 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié en matière de séjour et de travail, dès lors qu'il établit résider en France depuis le 19 juillet 2000, et est ainsi entachée d'erreur de droit ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de police qui n'a pas été produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco tunisien du 17 mars 1988 modifié en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les observations de Me Mhissen, avocate de M. C....
Considérant ce qui suit :
1.°M. C..., ressortissant algérien né le 15 juillet 1976, qui serait entré en France le 19 juillet 2000 selon ses déclarations, a sollicité le 18 novembre 2019 un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale ". Par arrêté du 22 juin 2020, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C... relève appel du jugement du 12 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, dans sa rédaction résultant du protocole d'accord du 28 avril 2008 : " d) Reçoivent de plein droit un titre de séjour renouvelable valable un an et donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle dans les conditions fixées à l'article 7 : / - les ressortissants tunisiens qui, à la date d'entrée en vigueur de l'accord signé à Tunis le 28 avril 2008, justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de dix ans, le séjour en qualité d'étudiant n'étant pas pris en compte dans la limite de cinq ans ". Il résulte de ces stipulations que les ressortissants tunisiens ne justifiant pas d'une résidence habituelle sur le territoire français depuis plus de dix ans au 1er juillet 2009, date d'entrée en vigueur de l'accord du 28 avril 2008, ne sont pas admissibles au bénéfice de l'article 7 ter d) de l'accord franco-tunisien.
3.°M. C... faisant valoir qu'il est entré en France le 19 juillet 2000, il ne justifie pas résider sur le territoire français depuis plus de dix ans au 1er juillet 2009. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 3 de l'accord franco-tunisien en matière de travail et de séjour du 17 mars 1988, modifié : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention " salarié ".
5. Si M. C... se prévaut du bénéfice d'un contrat à durée indéterminée et de son emploi en qualité d'employé polyvalent à compter du 1er septembre 2018, il ne produit pas un contrat de travail visé par les autorités compétentes. Au surplus, le métier d'" employé polyvalent " n'est pas mentionné sur la liste figurant à l'annexe I du protocole du 28 avril 2008. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 susvisé doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 11 du même accord : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque État délivre notamment aux ressortissants de l'autre État tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. / (...) ".
7. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
8. D'une part, M. C... fait valoir qu'au 22 juin 2020, date de l'arrêté contesté, il résidait en France de façon habituelle depuis plus de dix ans. Pour autant, ainsi que l'ont à bon droit constaté les premiers juges, en se bornant à produire des attestations de proches ou de tiers insuffisamment circonstanciées et uniquement corroborées par un relevé de compte faisant état de la perception d'intérêts annuels en janvier 2015, il n'établit pas le caractère continu et habituel de sa résidence sur le territoire national sur une période de plus d'un an, d'août 2014
à octobre 2015. Par ailleurs, le requérant ne saurait se prévaloir de la circonstance que ses passeports ne révèlent aucun voyage, soit une preuve négative, pour établir qu'il n'aurait pas quitté la France durant cette même période. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que sa demande d'admission exceptionnelle au séjour aurait dû être soumise par le préfet de police à la commission du titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 313-14 précitées.
9. D'autre part, si M. C... fait valoir qu'il réside en France de manière continue depuis 2000, qu'âgé de 45 ans, il y a des attaches familiales - à savoir son père et sa fratrie -, des neveux et nièces et une amie intime, des amis, qu'il y dispose en outre de son propre logement et qu'il travaille en contrat à durée indéterminée depuis le 1er septembre 2018 dans un commerce alimentaire moyennant une rémunération mensuelle brute de l'ordre de 1 530 euros, il ressort des pièces du dossier qu'entré en France à une date indéterminée et de façon certaine pour la dernière fois en 2015 à l'âge de 39 ans, la relation dont il se prévaut avec une ressortissante française n'est pas établie. Par ailleurs, il ne conteste pas qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Tunisie, où résident sa mère et une de ses sœurs. Dans ces conditions, le requérant ne peut être regardé comme justifiant de circonstances humanitaires ou d'un motif exceptionnel d'admission au séjour au titre de la vie privée et familiale.
10. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants tunisiens en vertu de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien, dispose par ailleurs que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
11. Il ressort des éléments rappelés au point 9 que M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de séjour a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
12. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point précédent,
M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait entaché la décision en litige d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation.
13. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
14. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 7 ter et 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de M. C... doivent en tout état de cause être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 2 à 12 du présent arrêt.
15. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français dans délai de trente jours.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
17. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction de ce dernier ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions relatives aux frais de l'instance :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. C... au titre des frais qu'il a exposés.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Me Mhissen et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience publique du 16 novembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Ivan Luben, président,
Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère,
Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 décembre 2021.
La rapporteure,
M-D. A...Le président,
I. LUBEN
Le greffier,
E. MOULINLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 08PA04258
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N° 21PA01820