Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté
du 24 octobre 2019 par lequel le préfet de Seine-et-Marne lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence algérien, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être renvoyée.
Par un jugement n° 1910452 du 3 novembre 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête et des pièces, enregistrées les 3 décembre 2020 et 12 janvier 2021 sous le n° 20PA03749, Mme E..., représentée par Me Bensimon, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1910452 du 3 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 24 octobre 2019 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer le titre de séjour sollicité, ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative.
Mme E... soutient que :
En ce qui concerne le refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien :
- le refus méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne pour la sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il méconnaît stipulations du 4) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision est insuffisamment motivée en droit ;
- elle est illégale, dès lors que le refus de certificat de résidence est illégal ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été transmise au préfet de Seine-et-Marne qui n'a pas produit d'observations.
II. Par une requête enregistrée le 9 décembre 2020 sous le n° 20PA03839, Mme E..., représentée par Me Bensimon, demande à la Cour :
1°) de surseoir à l'exécution du jugement n° 1910452 du 3 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 24 octobre 2019 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;
2°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de la décision et ce dans un délai de 8 jours à compter de la décision à intervenir.
Mme E... fait valoir que l'exécution du jugement attaqué aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle et celles de ses deux enfants.
La requête a été transmise au préfet de Seine-et-Marne qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boizot ;
- les observations de Me Bensimon pour Mme E....
Une note en délibéré, enregistrée le 17 décembre 2021, a été produite pour Mme E... par Me Bensimon.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... E..., ressortissante algérienne née le 27 mars 1977 relève appel du jugement du 3 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté 24 octobre 2019 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Sur la jonction :
2. Les requêtes n° 20PA03749 et n° 20PA03839 présentées par Mme E... tendent respectivement à l'annulation et au sursis à l'exécution du même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".
4. Mme E... fait valoir qu'elle réside en France depuis le 16 octobre 2015 et qu'elle entretient une relation de concubinage avec un ressortissant tunisien, titulaire d'un titre de séjour valable du 10 mai 2017 au 9 mai 2027, dont elle a eu trois enfants nés en France respectivement en 2016, en 2017 et 2018, dont l'un est mort-né. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... réside avec la personne mentionnée, M. F... A... C... et leurs enfants à une adresse commune, sise 23 avenue Franklin Roosevelt à Fontainebleau (Seine-et-Marne) comme en témoignent les attestations de versement de prestations familiales, les avis de non-imposition sur les revenus des années 2015 à 2019 à son nom et à l'adresse où elle réside avec M. A... C..., et les avis d'imposition de ce dernier. Par ailleurs, la requérante produit de nombreuses photographies du couple avec leurs enfants notamment sur leurs lieux de villégiature et à différents âges de leurs enfants. B..., les différentes attestations produites, dont celle de l'ex-épouse de M. A... C..., qui témoigne des bonnes relations qu'elle entretient avec Mme E... dont elle a fait connaissance en 2016 alors que cette dernière était enceinte du premier enfant du couple, et celles de plusieurs voisins, attestant de la réalité des liens existants entre Mme E... et son compagnon.
5. Ainsi, eu égard à la durée de la présence en France de Mme E... attestée depuis 2015, à la présence sur le territoire de son concubin en situation régulière et de celle des enfants du couple, l'appelante est fondée à soutenir que la décision litigieuse a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme E... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Dès lors, ce jugement ainsi que l'arrêté du 24 octobre 2019 doivent être annulés.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement la délivrance d'un titre de séjour à la requérante. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de
Seine-et-Marne de délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " à Mme E... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant au sursis à exécution du jugement du 3 novembre 2020 :
7. Dès lors que la présente décision statue sur la requête de Mme E... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Melun du 3 novembre 2020, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 20PA03839 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de même jugement.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20PA03839.
Article 2 : Le jugement n° 1910452 du 3 novembre 2020 du tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 3 : L'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 24 octobre 2019 est annulé.
Article 4 : Il est enjoint au préfet de Seine-et-Marne de délivrer à Mme E... un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Simon, premier conseiller,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 14 janvier 2022.
La rapporteure,
S. BOIZOTLe président,
S. CARRÈRE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 20PA03749, 20PA03839