Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. Bernard D... a demandé au Tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'annuler la décision du 17 février 2014 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de révision de pension militaire d'invalidité pour les infirmités " inflexion scoliotique lombaire droite secondaire au raccourcissement de la cuisse droite. Névralgie sciatique (...) " et " gonarthrose droite " pour absence d'aggravation et la demande de reconnaissance de l'infirmité " gonarthrose gauche " au motif qu'elle a déjà donné lieu à une décision définitive de rejet le 21 janvier 2008 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande.
Par jugement n° 14/00028 du 2 juin 2017, le Tribunal des pensions militaires de Paris a rejeté sa demande.
M. D..., représenté par Me Jeudi, a relevé appel de ce jugement par une demande et un mémoire enregistrés les 17 octobre 2017 et 25 juin 2018 au greffe de la Cour régionale des pensions militaires de Paris et demandé à la Cour régionale des pensions militaires de Paris :
1°) d'annuler le jugement n° 14/00028 du 2 juin 2017 du Tribunal des pensions militaires de Paris ;
2°) d'annuler la décision du ministre de la défense du 17 février 2014 ;
3°) de lui reconnaître, à compter de la date d'introduction de sa demande auprès de l'administration, soit le 26 septembre 2011, un droit à pension militaire d'invalidité ;
4°) de constater l'illégalité de la décision du ministre de la défense du 21 janvier 2008 concernant l'infirmité nouvelle " gonarthrose gauche " ;
5°) de lui accorder sur les sommes qui lui sont dues des intérêts moratoires de droit à compter du 26 septembre 2011 ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la demande de première instance est motivée ;
- la décision du ministre de la défense du 21 janvier 2008 ne lui a pas été régulièrement notifiée dès lors qu'il n'a pas signé l'accusé réception de cette décision ;
- l'expert ne s'est pas prononcé sur l'aggravation des deux infirmités " inflexion scoliotique lombaire droite secondaire au raccourcissement de la cuisse droite. Névralgie sciatique (...) " et " gonarthrose droite " de sorte qu'une nouvelle expertise pourrait être diligentée ;
- il établit souffrir d'une infirmité nouvelle liée à une " gonarthrose gauche " qui est en lien direct et certain avec les blessures consécutives à l'accident du 11 juin 1970 dont il a été victime ;
Par des mémoires en défense enregistrés les 22 mars et 24 septembre 2018 au greffe de la Cour régionale des pensions militaires de Paris, la ministre des armées conclut au rejet de la demande de M. D... et à la confirmation du jugement attaqué.
Elle soutient que :
- elle propose de retenir par bienveillance la recevabilité de la requête d'appel ;
- sa décision du 21 janvier 2008 portant sur l'infirmité " gonarthrose gauche ", régulièrement notifiée à M. D..., ne peut plus être utilement contestée ;
- l'aggravation des deux infirmités pensionnées n'est pas établie par l'expertise diligentée.
Par un arrêt avant-dire droit du 14 décembre 2018, la Cour régionale des pensions militaires de Paris a confirmé le jugement du 2 juin 2017 du Tribunal des pensions militaires de Paris en ce qu'il a déclaré irrecevable le recours formé à l'encontre de la décision du ministre de la défense du 21 janvier 2008 et a ordonné une expertise sur pièces sur les demandes d'aggravation des infirmités " inflexion scoliotique lombaire droite secondaire au raccourcissement de la cuisse droite. Névralgie sciatique (...) " et " gonarthrose droite " Elle a réservé jusqu'en fin d'instance tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'était pas statué par cet arrêt.
L'experte désignée par la Cour régionale des pensions de Paris a déposé son rapport le
13 juin 2019.
Par un mémoire enregistré le 18 juin 2019, la ministre des armées conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens.
Elle soutient que le rapport d'expertise montre l'absence d'aggravation des deux infirmités pensionnées à la date de la demande de révision de pension, soit le 26 septembre 2011.
Procédure devant la Cour :
La Cour régionale des pensions de Paris a transmis à la Cour, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, l'ensemble de la procédure d'appel de M. D... dont les pièces ont été enregistrées au greffe de la Cour sous le n° 19PA03669 le 1er novembre 2019.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 8 décembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. Bernard D..., né le 10 janvier 1952, s'est engagé dans l'armée le 30 janvier 1969 et a été envoyé en opération au Tchad où il a été blessé par balle à la cuisse droite le 11 octobre 1970. Il a été rayé des contrôles le 1er septembre 1992. Une pension militaire d'invalidité lui a été allouée par arrêté du 21 décembre 1998 avec un taux de 80 %, dont notamment 20 % au titre d'une " inflexion scoliotique lombaire droite secondaire au raccourcissement de la cuisse droite. Névralgie sciatique (...) " et 15 % pour une " gonarthrose droite ". Par une demande enregistrée le 26 septembre 2011, M. D... a sollicité la révision de sa pension militaire d'invalidité pour les deux infirmités précitées et la reconnaissance d'une nouvelle infirmité concernant une " gonarthrose gauche ". Par décision du 17 février 2014, le ministre de la défense a rejeté sa demande, d'une part, pour absence d'aggravation et, d'autre part, dès lors que la demande de reconnaissance de l'infirmité " gonarthrose gauche " a déjà donné lieu à une décision définitive de rejet le 21 janvier 2008. Par jugement n° 14/00028 du 2 juin 2017, dont M. D... relève appel, le Tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Par un arrêt avant-dire droit du 14 décembre 2018, la Cour régionale des pensions militaires de Paris a confirmé le jugement n° 14/00028 du 2 juin 2017 du Tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris en ce qu'il a déclaré irrecevable le recours formé à l'encontre de la décision du 21 janvier 2008 par laquelle le ministre de la défense a rejeté la demande de reconnaissance de l'infirmité " gonarthrose gauche " et, avant-dire droit sur la demande d'aggravation des deux infirmités pensionnées, ordonné une expertise sur pièces sur les demandes rejetées par décision du ministre de la défense du 17 février 2014 relatives à l'aggravation des infirmités " inflexion scoliotique lombaire droite secondaire au raccourcissement de la cuisse droite. Névralgie sciatique (...) " et " gonarthrose droite ". La Cour a réservé jusqu'en fin d'instance tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'était pas statué par cet arrêt. Le docteur E..., experte désignée par la Cour régionale des pensions de Paris, a déposé son rapport le 14 juin 2019 avant que l'ensemble de la procédure ne soit transféré à la Cour en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif.
Sur les droits à pension militaire d'invalidité de M. D... :
2. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la demande de révision de la pension : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". Le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. Il appartient aux juges du fond de puiser dans l'ensemble des renseignements contenus au dossier une force probante suffisante pour former leur conviction et décider en conséquence que la preuve de l'imputabilité ou de l'aggravation de l'infirmité doit être regardée comme établie.
S'agissant de l'infirmité " inflexion scoliotique lombaire droite secondaire au raccourcissement de la cuisse droite. Névralgie sciatique (...) " :
3. Il résulte de l'instruction que M. D... bénéficie d'une pension militaire d'invalidité définitive au taux de 80 % concédée par arrêté du 21 décembre 1998, dont notamment 20 % au titre d'une " inflexion scoliotique lombaire droite secondaire au raccourcissement de la cuisse droite. Névralgie sciatique (...) ".
4. M. D... soutient que cette infirmité s'est aggravée et se prévaut de l'examen réalisé le 22 février 2007 par le docteur C..., qui indique notamment qu'il souffre d'une " modification de la diaphyse fémorale, (...) de douleurs de méralgie dans la cuisse droite en relation avec le retentissement sur le bassin, ce qui doit être pris en considération dans l'aggravation des symptômes et des conséquences du traumatisme ". Toutefois, il ressort des conclusions du rapport d'expertise du docteur E... déposé le 13 juin 2019 qu'après avoir effectué une comparaison entre, d'une part, les résultats de l'examen réalisé le 25 février 2019 par le docteur B... A... et des clichés radiologiques du 1er avril 2019 et, d'autre part, les résultats de l'examen du docteur C... réalisé le 22 février 2007 et les expertises effectuées par les docteurs Lopez le 21 septembre 2007 et Le Brun le 26 avril 2013, l'experte a conclu qu'à la date de la demande de révision de la pension, soit le 26 septembre 2011, l'aggravation de l'infirmité " inflexion scoliotique lombaire droite (...) " n'était pas établie en considérant que " l'inflexion radiologique est très modérée en 2019, il ne peut ainsi y avoir d'aggravation en 2011 ". Si M. D... se prévaut de l'examen réalisé le 25 février 2019 par le docteur B... A... et de radiographies du 1er avril 2019 montrant une aggravation de cette infirmité, ces éléments médicaux postérieurs à la date de sa demande de révision de sa pension ne peuvent pas être pris en compte dès lors que cette évolution est postérieure au 26 septembre 2011, date à laquelle doit être appréciée l'existence et l'ampleur de l'infirmité alléguée.
S'agissant de l'infirmité " gonarthrose droite " :
5. Il résulte de l'instruction que M. D... bénéficie d'une pension militaire d'invalidité définitive au taux de 80 % concédée par arrêté du 21 décembre 1998 dont notamment 15 % au titre d'une " gonarthrose droite ".
6. M. D... soutient que cette infirmité s'est aggravée et se prévaut de l'examen réalisé le 22 février 2007 par le docteur C... qui indique notamment qu'il est atteint " d'importantes séquelles d'une pseudarthrose droite " et " souffre " actuellement de façon importante de son genou droit avec une pathologie mécanique, qui est en relation directe et déterminante avec les séquelles de la pseudarthrose de la diaphyse fémorale droite, qui retentit de façon importante sur la statique du genou et qui est à l'origine d'une aggravation d'une gonarthrose ". Toutefois, il ressort des conclusions de l'expertise du docteur E... qu'après avoir effectué une comparaison entre, d'une part, les résultats de l'examen réalisé le 25 février 2019 par le docteur B... A... et des clichés radiologiques du 1er avril 2019 et, d'autre part, les résultats de l'examen du docteur C... réalisé le 22 février 2007 et les expertises effectuées par les docteurs Lopez le 21 septembre 2007 et Le Brun le 26 avril 2013, celle-ci a considéré qu'à la date de la demande de révision de la pension, soit le 26 septembre 2011, l'aggravation de l'infirmité " gonarthrose droite " n'était pas établie à cette date. Le docteur E... relève que si " les clichés de 2007 montrent un début d'atteinte dégénérative (...) quatre ans plus tard même si l'évolution s'est faite, elle n'a pu être que lente, puisque douze ans plus tard, un seul compartiment fémoro-tibial interne est atteint avec un pincement net de l'interligne mais non complet sur le cliché vu par l'expert ". Si M. D... se prévaut, par ailleurs, de l'examen du 25 février 2019 du docteur B... A... et de radiographies du 1er avril 2019 montrant une aggravation de cette infirmité, ces éléments médicaux postérieurs à la date de la demande de révision de sa pension ne peuvent pas être pris en compte dès lors que cette évolution est postérieure au 26 septembre 2011, date à laquelle doit être appréciée l'existence et l'ampleur de l'infirmité alléguée.
7. Par suite, il résulte de ces différents éléments qu'il n'est pas établi qu'à la date de sa demande de bénéfice de la révision de sa pension militaire d'invalidité, le 26 septembre 2011, s'étaient aggravées les infirmités " inflexion scoliotique lombaire droite secondaire au raccourcissement de la cuisse droite. Névralgie sciatique (...) " et " gonarthrose droite " de M. D....
8. M. D... peut, s'il s'y croit fondé, se prévaloir de l'évolution de son état de santé postérieure à sa demande en formant une nouvelle demande de révision de sa pension militaire d'invalidité auprès de la ministre des armées.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que soit annulée la décision du 17 février 2014 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de révision de pension militaire d'invalidité pour les infirmités " inflexion scoliotique lombaire droite secondaire au raccourcissement de la cuisse droite. Névralgie sciatique (...) " et " gonarthrose droite ". Par voie de conséquence, le surplus des conclusions de la requête de M. D..., y compris celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doit être rejeté.
Sur les frais d'expertise :
10. M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale le 8 décembre 2021. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais de l'expertise ordonnée par le Tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris dans son arrêt avant-dire droit du 14 décembre 2018 à la charge définitive de l'Etat.
DÉCIDE :
Article 1er : Les conclusions de la requête de M. D... tendant à l'annulation de la décision du 17 février 2014 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de révision de pension militaire d'invalidité pour les infirmités " inflexion scoliotique lombaire droite secondaire au raccourcissement de la cuisse droite. Névralgie sciatique (...) " et " gonarthrose droite " sont rejetées.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.
Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée par la Cour régionale des pensions militaires de Paris sont mis à la charge définitive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Bernard D... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2021.
La rapporteure,
A. COLLET Le président,
R. LE GOFF
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03669