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04/02/2022 | FRANCE | N°20PA02258

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 04 février 2022, 20PA02258


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos au cours des années 2007 à 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1900506/1-1 du 17 juin 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejet

é sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos au cours des années 2007 à 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1900506/1-1 du 17 juin 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 12 août 2020, le 17 mai 2021 et le 18 mai 2021, C..., représentée par Me Biagini, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1900506/1-1 du 17 juin 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors qu'elle est fondée sur la mise en œuvre des dispositions combinées des articles L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales, lesquelles sont exclusives l'une de l'autre quant à leur champ d'application ;

- la procédure d'imposition est également irrégulière en ce que le service, en méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et des droits de la défense, ne lui a pas communiqué l'intégralité des procès-verbaux d'audition obtenus dans l'exercice de son droit de communication ;

- les rehaussements d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ne sont pas fondés en ce qui concerne les sommes portées sur les factures de publicité et d'apport d'affaires, dès lors que celles-ci étaient seulement surévaluées de 10 % et non fictives ;

- les rehaussements d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ne sont pas fondés en ce qui concerne les sommes portées sur les factures de travaux, dès lors que ces factures ne sont pas fictives, les travaux en cause ayant été réalisés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 mai 2021, le 10 mai 2021 et le 28 mai 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne[HP1] ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le nom de C... est apparu dans une enquête menée par la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale sur un réseau de fraude et de blanchiment d'espèces, laquelle a donné lieu à l'ouverture d'une information judiciaire le 13 avril 2012. Après que l'administration fiscale a exercé son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, C... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces au titre des exercices clos entre 2007 et 2011, à l'issue duquel elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos entre les années 2007 à 2011 et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2011, assortis de pénalités pour manœuvres frauduleuses. C... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions, en droits et pénalités.

Sur la régularité de la procédure d'imposition

2. Aux termes de l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales : " A l'occasion de toute procédure judiciaire, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances. / Cette dernière porte à la connaissance du ministère public, spontanément dans un délai de six mois après leur transmission ou à sa demande, l'état d'avancement des recherches de nature fiscale auxquelles elle a procédé à la suite de la communication de ces dossiers. / Le résultat du traitement définitif de ces dossiers par l'administration des finances fait l'objet d'une communication au ministère public. ". L'article L. 101 du même livre dispose que : " "L'autorité judiciaire doit communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle recueille, à l'occasion de toute procédure judiciaire, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manœuvre quelconque ayant eu pour objet ou pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt./L'administration des finances porte à la connaissance du juge d'instruction ou du procureur de la République, spontanément dans un délai de six mois après leur transmission ou à sa demande, l'état d'avancement des recherches de nature fiscale auxquelles elle a procédé à la suite de la communication des indications effectuée en application du premier alinéa. /Le résultat du traitement définitif de ces dossiers par l'administration des finances fait l'objet d'une communication au ministère public. "

3. L'article L. 76 B du livre des procédures fiscales dispose par ailleurs que : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. "

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a obtenu communication d'éléments relatifs à la requérante transmis le 10 juillet 2013 par le ministère public en application de l'article L. 82 C précité du livre des procédures fiscales, puis d'éléments supplémentaires transmis le 24 janvier 2014 par le juge d'instruction du Tribunal judiciaire de Paris chargé de l'affaire, en application de celles de l'article L. 101 du même livre. Aucune disposition ni aucun principe ne faisant obstacle à la mise en œuvre successive de ces deux procédures, qui ne sont pas exclusives l'une de l'autre, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition serait irrégulière au motif que la proposition de rectification qui lui a été adressée le 8 juin 2015 vise la mise en œuvre de ces deux textes.

5. En second lieu, s'agissant du respect des droits de la défense invoqués dans un litige fiscal portant sur une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, dans son arrêt C-189/18 Glencore Agriculture Hungary du 16 octobre 2019, que, dans un tel litige, le respect des droits de la défense n'impose pas à l'administration fiscale une obligation générale de fournir un accès intégral au dossier dont elle dispose, mais exige que l'assujetti ait la possibilité de se voir communiquer, à sa demande, les informations et les documents se trouvant dans le dossier administratif et pris en considération par cette administration en vue d'adopter sa décision, lesquels incluent en principe non seulement l'ensemble des éléments du dossier sur lesquels l'administration fiscale entend fonder sa décision mais aussi ceux qui, sans fonder directement sa décision, peuvent être utiles à l'exercice des droits de la défense. Au nombre de ces derniers figurent en particulier les éléments que cette administration a pu rassembler et qui seraient susceptibles de faire douter de la participation du contribuable, en connaissance de cause, à des opérations impliquées dans une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée mais qu'elle a regardés comme non probants.

6. La requérante soutient que l'administration fiscale a méconnu ces droits de la défense, ainsi que les dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, en ne lui communicant pas l'intégralité des procès-verbaux des auditions de son gérant de fait et de l'un de ses associés, ex gérant de droit, réalisées dans le cadre de la procédure pénale, et dont certains comportaient des rétractations pouvant faire douter de sa participation à une fraude, mais seulement les procès-verbaux des auditions dans lesquelles ces deux personnes ont reconnu les faits de fraude. Il résulte toutefois de l'instruction que si, dans ses observations du 5 août 2015, la requérante a demandé la communication des copies intégrales des procès-verbaux d'audition dressés en octobre 2012 et dont des extraits étaient mentionnés dans la proposition de rectification du 8 juin 2015, lesquelles lui ont été communiquées dans la réponse à ses observations en date du 16 octobre 2015, en revanche elle n'établit, ni même n'invoque, avoir demandé communication de la copie des procès-verbaux d'audition dressés en avril 2015, dans lesquels son gérant et son associé se sont en partie rétractés. Dans ces conditions, le moyen doit en tout état de cause être écarté.

Sur le bien fondé des impositions :

7. En vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts et de l'article 230 de l'annexe II à ce code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services. Dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agit d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance. Si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération.

8. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : "Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...)". En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

9. En premier lieu, il résulte de l'instruction et n'est pas contesté par la SARL requérante que les factures de prestations de publicité et d'apport d'affaires émises par les sociétés Zyg et Actu Media sur la période contrôlée étaient affectées d'une majoration de 10 % ne correspondant à aucune prestation, que cette majoration était payée par la SARL en espèces et que le montant de cette majoration était ensuite partagé à parts égales entre M. B..., gérant de fait de la SARL et M. A..., associé et ancien gérant de droit de celle-ci. La SARL ne contestant pas que, comme l'ont exactement relevé les premiers juges, les rehaussements d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à ces factures ont pour base cette seule majoration de 10%, elle ne peut utilement se prévaloir de ce qu'une partie des prestations aurait été effectivement réalisée pour demander la décharge de ces impositions.

10. En deuxième lieu, il résulte également de l'instruction, et notamment des procès-verbaux des auditions, réalisées en octobre 2012 dans le cadre de l'instance pénale, de M. B... et de M. A... que ceux-ci ont à plusieurs reprises reconnu que C... avait payé en espèces, entre 2007 et 2011, des factures de travaux qu'elle savait entièrement fictives, émises par 5 sociétés sous-traitantes. Si MM. A... et B... ont entendu se rétracter au cours d'auditions ultérieures, leurs déclarations précises et circonstanciées ont été corroborées par l'audition de tiers ayant participé au même réseau de fraude et de blanchiment d'espèces. Pas plus en appel qu'en première instance, en se bornant à soutenir que la réalité des travaux aurait été établie par les constatations des services de police ainsi que par l'un de ses clients, et en produisant des extraits de sa comptabilité, elle ne rapporte la preuve que ces charges ont eu pour elle-même une quelconque contrepartie, ni que la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur les factures est déductible, alors qu'elle ne conteste pas que les impositions en litige n'ont pas pour base la totalité des factures émanant de ces sociétés sous-traitantes, mais seulement celles ayant donné lieu à un paiement en espèces.

11. Il résulte de tout ce qui précède que C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- Mme Jurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2022.

La rapporteure,

P. HAMONLe président,

C. JARDIN

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

[HP1]Si on considère qu'elle est invoquée ... '

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N° 20PA02258


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02258
Date de la décision : 04/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués. - Notion de revenus distribués. - Imposition de la personne morale distributrice.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : BIAGINI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-02-04;20pa02258 ?
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