Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales, ainsi que des majorations et des intérêts de retard correspondants auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 à 2011.
Par un jugement n° 1900521/1-1 du 17 juin 2020 le Tribunal administratif de Paris, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements accordés en matière de contributions sociales, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 12 août 2020, le 13 août 2020 et le 17 mai 2021, M. B..., représenté par Me Biagini, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement n°1900521/1-1 du 17 juin 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
2°) de prononcer la décharge des impositions laissées à sa charge.
Il soutient que :
- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors qu'elle est fondée sur la mise en œuvre des dispositions combinées des articles L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales, lesquelles sont exclusives l'une de l'autre quant à leur champ d'application ;
- la procédure d'imposition est également irrégulière en ce que le service, en méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, ne lui a pas communiqué l'intégralité des procès-verbaux d'audition obtenus dans l'exercice de son droit de communication ;
- les rehaussements d'impôt sur le revenu en litige ne sont pas fondés en ce qui concerne les revenus distribués provenant des sommes portées sur les factures de publicité et d'apport d'affaires payées par D..., dès lors que celles-ci étaient seulement surévaluées de 10 % et non fictives ;
- les rehaussements d'impôt sur le revenu en litige ne sont pas fondés en ce qui concerne les revenus distribués provenant des sommes portées sur les factures de travaux payées par D..., dès lors que les factures ne sont pas fictives, les travaux en cause ayant été réalisés.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 mai 2021, le 10 mai 2021 et le 28 mai 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le nom de D... est apparu dans une enquête menée par la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale sur un réseau de fraude et de blanchiment d'espèces, laquelle a donné lieu à l'ouverture d'une information judiciaire le 13 avril 2012. Après que l'administration fiscale a exercé son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, D... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces au titre des exercices clos entre 2007 et 2011, à l'issue duquel elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos entre les années 2007 à 2011 et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2011, assortis de pénalités pour manœuvres frauduleuses. Le service a par ailleurs considéré que les sommes ainsi réintégrées dans les bases de l'impôt sur les sociétés n'étaient pas demeurées investies dans D... et avaient été appréhendées par M. B..., son associé et ex-gérant, lequel s'est vu notifier sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 et de l'article 110 du code général des impôts des rehaussements d'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. M. B... fait appel du jugement du 17 juin 2020 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions, en droits et pénalités, dans leur montant restant à sa charge.
Sur la régularité de la procédure d'imposition
2. Aux termes de l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales : " A l'occasion de toute procédure judiciaire, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances. / Cette dernière porte à la connaissance du ministère public, spontanément dans un délai de six mois après leur transmission ou à sa demande, l'état d'avancement des recherches de nature fiscale auxquelles elle a procédé à la suite de la communication de ces dossiers. / Le résultat du traitement définitif de ces dossiers par l'administration des finances fait l'objet d'une communication au ministère public. ". L'article L. 101 du même livre dispose que : " "L'autorité judiciaire doit communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle recueille, à l'occasion de toute procédure judiciaire, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manœuvre quelconque ayant eu pour objet ou pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt./L'administration des finances porte à la connaissance du juge d'instruction ou du procureur de la République, spontanément dans un délai de six mois après leur transmission ou à sa demande, l'état d'avancement des recherches de nature fiscale auxquelles elle a procédé à la suite de la communication des indications effectuée en application du premier alinéa. /Le résultat du traitement définitif de ces dossiers par l'administration des finances fait l'objet d'une communication au ministère public. "
3. L'article L. 76 B du livre des procédures fiscales dispose par ailleurs que : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. "
4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a obtenu communication d'éléments relatifs à D... transmis le 10 juillet 2013 par le ministère public en application de l'article L. 82 C précité du livre des procédures fiscales, puis d'éléments supplémentaires transmis le 24 janvier 2014 par le juge d'instruction du Tribunal judiciaire de Paris chargé de l'affaire, en application de celles de l'article L. 101 du même livre. Aucune disposition ni aucun principe ne faisant obstacle à la mise en œuvre successive de ces deux procédures, qui ne sont pas exclusives l'une de l'autre, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la procédure d'imposition serait irrégulière au motif que la proposition de rectification qui lui a été adressée le 8 juin 2015 vise la mise en œuvre de ces deux textes.
5. En second lieu, s'agissant du respect des droits de la défense invoqués dans un litige fiscal portant sur une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, dans son arrêt C-189/18 Glencore Agriculture Hungary du 16 octobre 2019, que, dans un tel litige, le respect des droits de la défense n'impose pas à l'administration fiscale une obligation générale de fournir un accès intégral au dossier dont elle dispose, mais exige que l'assujetti ait la possibilité de se voir communiquer, à sa demande, les informations et les documents se trouvant dans le dossier administratif et pris en considération par cette administration en vue d'adopter sa décision, lesquels incluent en principe non seulement l'ensemble des éléments du dossier sur lesquels l'administration fiscale entend fonder sa décision mais aussi ceux qui, sans fonder directement sa décision, peuvent être utiles à l'exercice des droits de la défense. Au nombre de ces derniers figurent en particulier les éléments que cette administration a pu rassembler et qui seraient susceptibles de faire douter de la participation du contribuable, en connaissance de cause, à des opérations impliquées dans une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée mais qu'elle a regardés comme non probants.
6. Le requérant soutient que l'administration fiscale a méconnu ces droits de la défense, ainsi que les dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, en ne lui communicant pas l'intégralité des procès-verbaux de ses auditions et de celles de M. C..., gérant de fait de la SARL, réalisées dans le cadre de la procédure pénale, et dont certains comportaient des rétractations pouvant faire douter de leur participation à une fraude, mais seulement les procès-verbaux des auditions dans lesquelles ils ont reconnu les faits de fraude. Il résulte toutefois de l'instruction que si, dans ses observations du 5 août 2015, le requérant a demandé la communication des copies intégrales des procès-verbaux d'audition dressés en octobre 2012 et dont des extraits étaient mentionnés dans la proposition de rectification du 8 juin 2015, lesquelles lui ont été communiquées dans la réponse à ses observations en date du 16 octobre 2015, en revanche il n'établit, ni même n'invoque, avoir demandé communication de la copie des procès-verbaux d'audition dressés en avril 2015, dans lesquels lui-même et M. C... se sont en partie rétractés. Dans ces conditions, le moyen doit en tout état de cause être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
7. L'administration fiscale a considéré que le requérant avait bénéficié de revenus distribués par D... sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 et de l'article 110 du code général des impôts au titre des exercices clos en 2007, 2008, 2009 et 2010 et pour 2011 au titre du 2° du 1 de l'article 109 du même code.
8. En premier lieu, il résulte de l'instruction et n'est pas contesté par le requérant que les factures de prestations de publicité et d'apport d'affaires payées par la SARL aux sociétés Zyg et Actu Media sur la période contrôlée étaient affectées d'une majoration de 10 % ne correspondant à aucune prestation, que cette majoration était versée par la SARL en espèces et que le montant de cette majoration était ensuite partagé à parts égales entre lui-même et M. C.... Le requérant ne contestant pas que les revenus réputés lui être distribués à raison de ces factures ont été déterminés sur la base de cette seule majoration de 10 %, il ne peut utilement se borner à se prévaloir de ce qu'une partie des prestations aurait été effectivement réalisée pour demander la décharge de ces impositions.
9. En deuxième lieu, il résulte également de l'instruction, et notamment des procès-verbaux des auditions de M. B..., réalisées en octobre 2012 dans le cadre de l'instance pénale, que celui-ci a à plusieurs reprises reconnu que D... avait payé en espèces, entre 2007 et 2011, des factures de travaux qu'elle savait entièrement fictives, émises par 5 sociétés sous-traitantes, et que 90 % de ces paiements lui étaient reversés ainsi qu'à M. C..., à parts égales. Si M. B... a entendu se rétracter au cours d'auditions ultérieures, ses déclarations précises et circonstanciées ont été corroborées par les auditions non seulement de M. C..., mais également de tiers ayant participé au même réseau de fraude et de blanchiment d'espèces. Pas plus en appel qu'en première instance, en se bornant à soutenir que la réalité des travaux ainsi facturés aurait été établie par les constatations des services de police ainsi que par l'un des clients de la SARL, le requérant ne rapporte la preuve qu'il n'a pas appréhendé les sommes en litige, alors qu'il ne conteste pas que, comme l'ont relevé les premiers juges, les revenus ainsi réputés distribués ne correspondent pas à la totalité des factures émanant de ces sociétés sous-traitantes, mais seulement à celles ayant donné lieu à un paiement en espèces.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales.
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente assesseure,
- Mme Jurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2022.
La rapporteure,
P. HAMONLe président,
C. JARDIN
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02269