Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête enregistrée sous le n° 2103935, M. B... A... a demandé au magistrat désigné du tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 8 mars 2021 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit, et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2103935 du 15 juin 2021, la magistrate désignée du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant le Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Nourredine, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2003935 du 15 juin 2021 par lequel la magistrate désignée du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 mars 2021 du préfet du Val-de-Marne lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant son pays de renvoi et l'interdisant de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
La requête a été transmise à la préfète du Val-de-Marne qui n'a produit aucune observation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Boizot a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien, né le 3 février 1979, entré en France le 21 juillet 2012 selon ses déclarations, a fait l'objet le 8 mars 2021 d'un arrêté du préfet du Val-de-Marne portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit, et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans prise. M. A... fait régulièrement appel du jugement par lequel la magistrate désignée du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, visée ci-dessus : " Dans les cas d'urgence (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président (...) ".
3. M. A..., déjà représenté par un avocat, ne justifie pas du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle compétent et n'a pas joint à son appel une telle demande. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
4. En premier lieu, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire et du défaut d'examen réel et sérieux de la situation de M. A..., qui sont repris en appel en des termes identiques et sans élément nouveau, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge au point 3 du jugement attaqué.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. M. A... fait valoir qu'il exerce une activité professionnelle depuis plus de trois ans et que le centre de ses intérêts privés et familiaux se situe désormais en France compte tenu de son temps de présence dans ce pays. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est célibataire et sans enfant et qu'il ne démontre pas qu'il ait tissé en France des relations continues et durables. En outre, l'intéressé n'exerce pas légalement une activité professionnelle et s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement en date du 3 juin 2019. Dans ces conditions, compte tenu des conditions de séjour de M. A..., célibataire et sans enfant, la décision portant obligation de quitter le territoire n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, la préfète du Val-de-Marne n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cette autorité administrative n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant.
7. En troisième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
8. D'une part, il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
9. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Par ailleurs, elle doit faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
10. La décision prononçant l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an à l'encontre de M. A... vise les dispositions alors applicables du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort également des termes de cette décision que la préfète du Val-de-Marne a, pour fixer la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, relevé que l'intéressé s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement notifiée le 3 juin 2019 et qu'il ne ressort pas de l'examen de sa situation qu'il a été porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, et alors même que la décision attaquée ne comporte pas de motif tiré de l'atteinte à l'ordre public, la décision en litige comporte l'énoncé suffisant des considérations de fait et de droit qui la fonde. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
11. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
12. M. A... se prévaut de l'ancienneté de son séjour en France, de son insertion professionnelle et de l'intensité des liens personnels qu'il y a tissés. Toutefois, M. A... est célibataire et sans charge de famille en France et il ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 33 ans. Par suite, en lui opposant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, la préfète du
Val-de-Marne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte contraire aux stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de l'intéressé aux fins d'annulation doivent être rejetées, de même que ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte, et celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : M. A... n'est pas est admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Article 2 : La requête de M. A... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 7 février 2022 , à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président de chambre,
- Mme Boizot, première conseillère,
- Mme Fullana, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 11 mars 2022.
La rapporteure,
S. BOIZOTLe président,
S. CARRERE
La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA04042