Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 29 octobre 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2020091/5-1 du 10 juin 2021, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 29 octobre 2020 et enjoint au préfet de police de délivrer à Mme B... une carte de séjour " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2021, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2020091/5-1 du 10 juin 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant ce dernier.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- les autres moyens soulevés en première instance par Mme B... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2021, Mme B..., représentée par Me Balme Leygues, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 29 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Hamon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante marocaine, est entrée en France, selon ses déclarations, le 1er novembre 2017 avec sa fille et ses deux autres enfants. Le 22 octobre 2018, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en tant que parent d'un étranger mineur malade sur le fondement des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se prévalant de l'état de santé de sa fille. Par un arrêté du 29 octobre 2020, le préfet de police a rejeté cette demande au motif principal que son enfant pouvait bénéficier d'un traitement approprié au Maroc et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination. Le préfet de police relève appel du jugement du 10 juin 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.
Sur le bien fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
3. Pour annuler la décision de refus de séjour en litige ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, le Tribunal administratif de Paris a considéré qu'il ressortait des pièces produites par Mme B... que les traitements dont sa fille avait besoin n'étaient pas disponibles au Maroc et que cette dernière devait demeurer en France pour y être soignée, son bas âge et son handicap justifiant la présence de sa mère pendant les soins. Il est en effet constant que la fille de Mme B... souffre d'un polyhandicap important en ce qu'elle présente une rétinopathie bilatérale sévère et une surdité profonde bilatérale ainsi qu'une pathologie cardiaque, et il ressort des divers certificats médicaux produits que son état nécessite des soins hyperspécialisés et pluridisciplinaires en neurologie, psychomotricité et oto-rhino-laryngologie, qui sont en cours en France et qui n'ont pas leur équivalent au Maroc. Dans les circonstances de l'espèce, compte tenu en particulier du jeune âge de l'enfant et de l'importance pour elle d'une continuité des soins, le refus d'accorder un titre de séjour à sa mère porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant et doit être regardé comme contraire à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
4. Dans ces conditions le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris, a annulé son arrêté du 29 octobre 2020 et lui a enjoint de délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale " à Mme B....
Sur les frais liés au litige :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Balme Leygues renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Balme Leygues, une somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, au préfet de police, à Mme A... B... et à Me Balme Leygues.
Délibéré après l'audience du 1er mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente assesseure,
- Mme Jurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2022.
La rapporteure,
P. HAMONLe président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA03885