Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête enregistrée sous le n° 2001794 Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2020 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait susceptible d'être éloigné.
Par un jugement n° 2001794 du 19 février 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 5 et 22 juin 2021, Mme A... B..., représentée par Me Ondzé, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2001794 du 19 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de
Seine-et-Marne du 20 janvier 2020 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant son pays de renvoi ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale faute pour le préfet d'avoir saisi la commission du titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre ;
- elle méconnaît le 4° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été transmise au préfet de Seine-et-Marne qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Boizot a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante marocaine entrée en France, selon ses dires, en 2009, a sollicité le 18 mars 2019 la régularisation de sa situation administrative. Par arrêté du 20 janvier 2020, le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée. Mme A... B... fait régulièrement appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
2. En premier lieu, Mme A... B... reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant refus de séjour. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption de motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 2 de leur jugement.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".
4. Mme A... B... produit de nombreuses pièces qui attestent de sa présence habituelle sur le territoire français entre janvier 2013 et la date de l'arrêté attaqué, soit le 20 janvier 2020. En revanche, au titre des années 2010 à 2012, l'intéressée produit seulement, au titre de l'année 2010, deux courriers de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) en date des 25 août et 29 octobre 2010 l'informant d'une part, du refus de sa demande d'aide médicale pour l'Etat (AME) et, d'autre part, du rejet du recours contre la décision précitée, un courrier du préfet de
Seine-et-Marne accusant réception du recours formé par l'intéressée contre la décision de refus d'attribution de l'AME en date du 22 septembre 2010 et un avis d'imposition sur les revenus de l'année 2010 mentionnant un montant de revenus de 0 euros. Pour l'année 2011, elle produit un avis d'imposition sur les revenus de l'année 2011 mentionnant un montant de revenus de 0 euros, une attestation d'immatriculation auprès du consulat général du royaume du Maroc en date du 6 juillet 2011, une ordonnance en date du 16 novembre 2011 lui prescrivant une mammographie des résultats d'examens médicaux en date du 25 novembre 2011 et une feuille de soins en date du 25 novembre 2011. Enfin, pour l'année 2012, elle produit un avis d'imposition sur les revenus de l'année 2012 mentionnant un montant de revenus de 0 euros, deux courriers solidarité transport datés des 26 avril et 26 mai, dont le premier comporte des mentions remplies par la requérante, deux ordonnances avec le cachet de la pharmacie en date des 25 juillet et 1er août, des résultats d'analyse médicale en date du 26 juillet, une prescription médicale pour un bilan sanguin en date du 1er août, et un courrier de la CPAM en date du 17 décembre 2012 relatif au renouvellement de ses droits à l'AME. Ces divers documents, eu égard à leur caractère espacé et ponctuel, ne permettent pas d'attester d'une résidence habituelle de Mme A... B... au cours de la période considérée. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet de Seine-et-Marne était tenu de saisir la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avant de rejeter sa demande.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". Aux termes de l'article 3 du même accord : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) ". Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".
6. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
7. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que Mme A... B... ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre de sa demande d'admission au séjour en France en qualité de salariée. Mme A... B... ne dispose, par ailleurs, ni d'un contrat de travail visé par l'autorité compétente ni d'un visa de long séjour. Par suite, sa demande ne remplit pas les conditions prévues par l'article 3 de l'accord franco-marocain précité.
8. Si Mme A... B... soutient qu'elle réside en France de manière ininterrompue depuis 2009 et qu'elle exerce une activité professionnelle depuis mars 2018, elle n'établit pas le caractère ininterrompu de sa présence, ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt, et, célibataire et sans charges de famille en France, n'établit ni même n'allègue, en outre, être dépourvue d'attaches familiales au Maroc où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de 48 ans, nonobstant la circonstance que sa sœur réside en France. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'elle fait l'objet en 2015 d'une décision l'obligeant à quitter le territoire, devenue définitive après confirmation par jugement du tribunal administratif de Melun n° 1600195 du 10 février 2017. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... B... fasse état de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires justifiant son admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale. Ces circonstances ne suffisent pas non plus à établir que le préfet de Seine-et-Marne, en refusant de lui délivrer un titre de séjour " salarié ", aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
9. En premier lieu, Mme A... B... reprend en appel, dans des termes similaires et sans critique utile du jugement, le moyen invoqué en première instance tiré du défaut de motivation. Elle n'apporte aucun élément de droit ou de fait nouveau à l'appui de ce moyen auquel le tribunal a pertinemment répondu. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 2 de leur jugement.
10. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que Mme A... B.... n'est pas fondée à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire.
11. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... B... aurait séjourné régulièrement sur le territoire français depuis qu'elle y est entrée. En tout état de cause, ainsi qu'il est dit au point 4, elle ne justifie pas avoir résidé en France depuis plus de dix ans. Il suit de là que Mme A... B... ne figure pas parmi les ressortissants étrangers insusceptibles de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 251-2 de ce code, qui n'ont ainsi pas été méconnues.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
12. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que la décision fixant le pays de renvoi n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de Mme A... B....
13. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme A... B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E
Article 1er : La requête de Mme A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président de chambre,
- M. Soyez, président assesseur,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 28 mars 2022.
Le rapporteur,
S. BOIZOTLe président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA03039