Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire français dans un délai de soixante-douze heures à destination de l'Espagne, pays dans lequel l'intéressé est titulaire d'une carte de résident longue durée.
Par un jugement n° 2018195/6-1 du 23 avril 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 mai 2021, M. B..., représenté par Me Assor-Doukhan, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2018195/6-1 du 23 avril 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2020 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou à titre subsidiaire, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à titre infiniment subsidiaire, d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- le préfet de police n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- le préfet de police s'est estimé à tort lié par l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ;
- la décision de la DIRECCTE est illégale dès lors que, d'une part, il est déloyal de lui opposer son absence de titre de séjour alors que la demande d'autorisation auprès de la DIRECCTE vise à obtenir in fine la délivrance d'un titre de séjour et, d'autre part, c'est à tort que celle-ci a considéré que les conditions de rémunération de son emploi étaient inférieures au SMIC ;
- le préfet de police a méconnu les dispositions du 5° de l'article L. 313-4-1 et de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 septembre 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Collet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant sénégalais né le 20 août 1970, entré en France le 7 janvier 2017 sous couvert d'une carte de résident longue durée délivrée par l'Espagne, a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions du 5° de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-10 du même code. Par un arrêté du
22 octobre 2020, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et l'a invité à rejoindre l'Espagne dans un délai de soixante-douze heures, pays dans lequel l'intéressé est titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Par jugement n° 2018195/6-1 du 23 avril 2021, dont M. B... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, M. B... soutient que l'arrêté du 22 octobre 2020 du préfet de police est insuffisamment motivé et que le préfet de police se serait considéré à tort comme étant en situation de compétence liée par la décision de rejet de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE). Toutefois l'intéressé n'apporte en cause d'appel aucun élément nouveau ou déterminant au soutien de ces moyens. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 2 et 3 du jugement, de les écarter.
3. En deuxième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de l'arrêté contesté que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B....
4. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : (...) / 3° le respect par l'employeur, l'utilisateur mentionné à l'article L. 1251-1 ou l'entreprise d'accueil de la législation relative au travail et à la protection sociale ; (...) / 6° Le salaire proposé à l'étranger qui, même en cas d'emploi à temps partiel, est au moins équivalent à la rémunération minimale mensuelle mentionnée à l'article L. 3232-1 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ".
5. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser l'autorisation de travail demandée par l'employeur du requérant, la DIRECCTE s'est fondée d'une part sur le fait que la E... avait employé M. B... en méconnaissance de la législation relative au travail, l'intéressé ne disposant d'aucun titre de séjour l'autorisant à travailler en France, la carte de séjour délivrée par les autorités espagnoles dont il est titulaire ne l'autorisant à travailler qu'en Espagne. D'autre part, elle lui a opposé le fait que le montant du salaire brut mensuel que l'employeur s'engage à verser pour le poste d'aide-soudeur pour lequel une autorisation de travail est sollicitée est égal, pour un temps complet, à 1 498,50 euros alors que le niveau de rémunération pour un salarié mensualisé, référence au 1er janvier 2020, doit être au moins égal à 1 539,42 euros brut sur la base de 35 heures. Si M. B... soutient que la DIRECCTE aurait manqué à son devoir de loyauté en lui opposant, pour lui refuser la délivrance d'une autorisation de travail, une absence de titre de séjour l'autorisant à travailler alors que la détention d'une autorisation de la DIRECCTE est une condition à la délivrance d'un titre de séjour, il ressort des termes mêmes des dispositions des articles R. 5221-20 et L. 8251-1 du code du travail que la DIRECCTE pouvait lui refuser la délivrance d'une autorisation de travail au seul motif que l'F... l'employait sans y être autorisée dès lors que cette circonstance caractérise une méconnaissance de la législation du travail. Dans ces conditions, et même s'il ressort des bulletins de salaire produits par M. B... que la rémunération réelle de l'intéressé était supérieure au montant du SMIC brut, il est constant qu'en l'employant sans que celui ne dispose d'un titre de séjour l'autorisant à travailler en France, la société Macev ne respectait pas la législation relative au travail ainsi qu'il lui a été reproché. Par suite, quand bien même une erreur a été commise par l'administration dans l'appréciation de la rémunération de l'intéressé, elle est sans incidence sur la légalité de sa décision qui pouvait être fondée uniquement sur l'autre motif de sorte que doivent être écartés les moyens tirés de ce que la décision de la DIRECCTE serait entachée d'erreur de droit et de ce qu'elle aurait manqué à son obligation de loyauté.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, repris à l'article L. 426-11 de ce code à compter du 1er mai 2021 : " L'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée-UE définie par les dispositions communautaires applicables en cette matière et accordée dans un autre Etat membre de l'Union européenne qui justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille ainsi que d'une assurance maladie obtient, sous réserve qu'il en fasse la demande dans les trois mois qui suivent son entrée en France et sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée : (...) / 5° Une carte de séjour temporaire portant la mention de l'activité professionnelle pour laquelle il a obtenu l'autorisation préalable requise, dans les conditions définies, selon le cas, aux 1°, 2° ou 3° de l'article L. 313-10. ". Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et de l'asile, dont la substance est reprise à l'article L. 421-1 de ce code à compter du 1er mai 2021 : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ". / La carte de séjour est prolongée d'un an si l'étranger se trouve involontairement privé d'emploi. Lors du renouvellement suivant, s'il est toujours privé d'emploi, il est statué sur son droit au séjour pour une durée équivalente à celle des droits qu'il a acquis à l'allocation d'assurance mentionnée à l'article L. 5422-1 du code du travail. ". Enfin, aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ".
7. D'une part, il est constant que M. B..., qui est entré pour la dernière fois sur le territoire français en 2017, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour dans le délai de trois mois qui suivait son entrée en France et qu'il ne pouvait ainsi plus bénéficier des dispositions de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, il est également constant que l'intéressé, qui ne disposait pas d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, ne remplissait pas les conditions pour permettre la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement de l'article L. 313-10 du même code. En outre, si le requérant fait valoir que le préfet de police, saisi d'une demande d'autorisation de travail présentée pour un étranger déjà présent sur le territoire national, ne peut refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au seul motif que l'étranger ne dispose pas d'une autorisation de travail ou d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes sans avoir fait instruire au préalable la demande d'autorisation de travail par ses services, il ressort des pièces que la demande d'autorisation de travail déposée par l'employeur de M. B... a été instruite par les services de la DIRECCTE et qu'elle a fait l'objet d'un rejet par une décision du 21 juillet 2020. Dans ces conditions, et alors que le rejet de la demande d'autorisation de travail sur le motif de l'emploi illégal d'un salarié dépourvu de titre l'autorisant à travailler en France n'est pas de nature à caractériser un défaut d'instruction de la demande d'autorisation de travail ni un manquement des services préfectoraux à leur obligation de loyauté, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 313-4-1 5° et
L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; (...) ".
9. M. B..., entré en France au plus tôt à l'âge de 43 ans, se prévaut d'une résidence ininterrompue sur le territoire français depuis cinq années et d'avoir tissé de nombreux liens en France, notamment en raison de la stabilité de sa situation professionnelle. Il ressort des pièces du dossier que si M. B..., entré pour la dernière fois en France en janvier 2017 sous couvert d'une carte de résident longue durée délivrée par l'Espagne, justifie d'une expérience professionnelle en qualité d'aide-serrurier depuis le 16 juillet 2018, il ressort également du certificat de congés établi pour la période du 1er avril 2020 au 29 juillet 2020 que l'intéressé a quitté définitivement son entreprise le 29 septembre 2020 en raison d'un licenciement. En outre, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est célibataire et sans charge de famille en France alors que ses trois enfants mineurs résident au Sénégal. De même, la seule production d'une attestation établie le 24 août 2020 par M. C... A... et indiquant qu'il connaît depuis 2015 M. B... n'est pas suffisante pour établir la réalité des liens personnels dont l'intéressé se prévaut en France. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et aurait ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne pour la sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
10. En sixième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5, 7 et 9 du présent arrêt, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2022.
La rapporteure,
A. COLLET Le président,
R. LE GOFF
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA02757