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17/06/2022 | FRANCE | N°21PA01823

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 17 juin 2022, 21PA01823


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... G... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2020 A... lequel le préfet du Doubs l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée d'un an et l'a informé d'un signalement aux fins de non-admission à son encontre dans le système d'information Schengen.

A... un jugement n° 2014954 du 10 mars 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté

sa demande.

Procédure devant la Cour :

A... une requête, enregistrée le 9 avril 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... G... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2020 A... lequel le préfet du Doubs l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée d'un an et l'a informé d'un signalement aux fins de non-admission à son encontre dans le système d'information Schengen.

A... un jugement n° 2014954 du 10 mars 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

A... une requête, enregistrée le 9 avril 2021, M. G..., représenté A... Me Bentahar, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale compétente de lui délivrer sans délai un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros A... jour de retard à compter de la date de notification de la décision à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros A... jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce qu'il remplissait les conditions pour obtenir un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé en raison de l'absence de prise en compte de sa situation personnelle ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il remplit les conditions posées A... la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour ;

- il est menacé dans son pays d'origine en raison de son activisme politique ;

- il remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

A... un mémoire, enregistré le 7 octobre 2021, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique, le rapport de M. D... et les observations de Me Mahdar pour M. G....

Considérant ce qui suit :

1. M. G..., ressortissant gabonais né le 26 mars 1984, entré en France le 4 juillet 2015 selon ses déclarations, a été interpellé le 17 décembre 2020 A... les autorités suisses et remis le même jour à la police aux frontières du poste de Pontarlier (Doubs). A... un arrêté du 18 décembre 2020, le préfet du Doubs l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, en fixant le pays de destination. M. G... relève appel du jugement du 10 mars 2021 A... lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des écritures de M. G... en première instance que celui-ci, sous l'intitulé " Sur la demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du CESEDA (code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) ", avait invoqué la circonstance selon laquelle le préfet du Doubs aurait porté, A... l'arrêté attaqué, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et qu'il remplissait l'ensemble des conditions pour obtenir un titre de séjour mention " vie privée et familiale ". A... ces écritures, M. G... devait être regardé, en premier lieu, comme invoquant le moyen tiré de ce que, indépendamment de l'énumération donnée A... l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifié à l'article L. 611-3 du même code, des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour et que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement. En second lieu, M. G... devait être regardé comme soutenant qu'il était en situation de se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifié à l'article L. 423-23 du même code. Le tribunal, qui s'est borné à répondre que " le requérant ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et apatrides qui n'existe pas ", ne peut être regardé comme ayant répondu au moyen précité. Cette omission à statuer sur un moyen qui n'était pas inopérant a entaché d'irrégularité le jugement du tribunal administratif de Montreuil qui doit, en conséquence, être annulé.

3. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée A... M. G... devant le tribunal administratif.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée A... le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

5. L'arrêté en litige vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 511-1. Il précise, d'une part, les éléments de fait propres à la situation personnelle et familiale du requérant et indique, d'autre part, que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il mentionne en outre les raisons pour lesquelles le moyen tiré des risques encourus A... M. G... en cas de retour dans son pays d'origine ne peut être accueilli. Enfin, il explicite les raisons permettant de conclure à l'existence d'un risque que celui-ci se soustraie à la mesure d'éloignement et celles qui permettent de prononcer à son encontre une interdiction de retour d'un an sur le territoire français. Les décisions attaquées comportent ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. A... suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué doit être écarté.

6. Indépendamment de l'énumération donnée A... l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifié à l'article L. 611-3 du même code, des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement.

7. En second lieu, M. G... ne peut utilement, pour la première fois en appel, se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, désormais codifiées à l'article L. 435-1 du même code, à l'encontre de la mesure d'éloignement qui le frappe, dès lors que ces dispositions ne prescrivent pas l'attribution de plein droit d'un titre de séjour. Pour les mêmes motifs, le requérant ne peut davantage utilement se prévaloir des orientations générales contenues dans la circulaire du 28 novembre 2012 que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation, dont les dispositions sont en tout état de cause dépourvues de caractère impératif et ne constituent pas des lignes directrices.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige, et désormais codifié à l'article L. 423-23 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ".

9. M. G... soutient qu'il réside sur le territoire français depuis juillet 2015 et qu'il y a établi le centre de ses intérêts personnels et familiaux. Il fait valoir notamment qu'il a deux enfants résidant en France, Eden, Mary-Elisa Mayombo-Koumba, née le 12 mars 2019 à Vendôme (Loir-et-Cher) et Kesiah, Fély, Eunice G..., née le 29 septembre 2020 à Vendôme, qu'il a eus avec Mme B..., Prisca Nse F..., compatriote en situation régulière. Toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier que le requérant n'a, sauf à des périodes très ponctuelles, jamais résidé avec ses enfants et leur mère, lesquels habitent à Vendôme alors qu'il réside à Saint-Denis (Seine-saint-Denis). Il n'établit au demeurant A... aucune pièce que Mme F... résiderait en situation régulière sur le territoire français. D'autre part, s'il établit avoir contribué, à la date de l'arrêté attaqué, à l'entretien de ses enfants A... des versements réguliers à Mme F..., il n'établit toutefois pas entretenir avec eux une relation d'une intensité particulière, les billets de train produits sur le trajet Paris-Vendôme, à les supposer même authentiques, étant insuffisants à cet égard. De plus, M. G... n'établit aucune insertion particulière dans la société française, la circonstance qu'il soit titulaire d'un contrat à durée déterminée avec la société Sim Transports en qualité de manutentionnaire depuis le 9 décembre 2020, soit depuis quelques jours avant la date de la décision attaquée, ne permettant pas de caractériser une telle insertion. Enfin, l'intéressé n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 31 ans. Dans ces conditions, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France de M. G..., ce dernier n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté prescrivant son éloignement porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris et qu'un titre de séjour doit donc lui être délivré de plein droit sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue A... la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

13. M. G... invoque les stipulations qui précèdent en soutenant qu'il est un activiste contre le régime en place au Gabon et qu'il est menacé de mort dans ce pays. Il produit à cet égard en appel plusieurs attestations de compatriotes qui indiquent que le requérant est membre et cofondateur de l'association Mobilisation-241, créée en France en 2018, et est un membre actif de la résistance gabonaise en France au régime précité. Toutefois, l'intéressé ne produit aucun élément de nature à établir qu'il serait exposé à des risques actuels, personnels et réels de peines ou traitements inhumains ou dégradants au sens de ces stipulations en cas de retour au Gabon. Il ne ressort d'ailleurs d'aucune pièce du dossier que M. G... ait formé une demande d'asile depuis son arrivée en France. A... suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Doubs aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. Enfin, si M. G... doit être regardé comme dirigeant également ses conclusions à fin d'annulation contre la décision prononçant à son encontre une interdiction de retour d'un an sur le territoire français, il n'invoque aucun moyen précis à l'encontre de cette décision.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 18 décembre 2020 A... lequel le préfet du Doubs l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. A... voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1 : Le jugement n° 2014954 du tribunal administratif de Montreuil du 10 mars 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée A... M. G... devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... G... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente,

- Mme Briançon, présidente-assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public A... mise à disposition au greffe, le 17 juin 2022.

Le rapporteur,

P. D...La présidente

M. C...La greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA01823 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01823
Date de la décision : 17/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : BENTAHAR

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-17;21pa01823 ?
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