Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au Tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris puis au Tribunal administratif de Paris auquel a été transféré son recours d'annuler la décision de la ministre des armées du 25 février 2019 rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité pour les infirmités " Séquelle de traumatisme sonore : perte auditive moyenne oreille droite 26,25 décibels, perte auditive moyenne oreille gauche 25 décibels ", " Nouvelle baisse auditive bilatérale : perte auditive moyenne oreille droite 42,5 décibels, perte auditive moyenne oreille gauche 35 décibels ", et " Acouphènes bilatéraux permanents gênant la vie quotidienne ".
Par jugement n° 1923844/5-3 du 30 juin 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 3 septembre 2021, M. A..., représenté par Me Gozlan, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1923844/5-3 du 30 juin 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision de la ministre des armées du 25 février 2019 ;
3°) de lui allouer une pension militaire d'invalidité pour les infirmités " Séquelles de traumatisme sonore : hypoacousie bilatérale au taux de 10% d'invalidité " et " Acouphènes : au taux de 10 % d'invalidité " ;
4°) d'ordonner, à titre subsidiaire, une expertise médicale judiciaire confiée à un médecin oto-rhino-laryngologiste qui déterminera la nature des infirmités, leur taux d'invalidité et leur imputabilité au service.
Il soutient que :
- s'agissant de l'infirmité " Séquelles de traumatisme sonore ", la baisse auditive qu'il a subie est liée au traumatisme sonore du 14 août 1986 qui s'est aggravé ; cette infirmité est unique et ne peut être scindée en deux infirmités distinctes à savoir " Séquelle de traumatisme sonore : perte auditive moyenne oreille droite 26,25 décibels, perte auditive moyenne oreille gauche 25 décibels ", " Nouvelle baisse auditive bilatérale : perte auditive moyenne oreille droite 42,5 décibels, perte auditive moyenne oreille gauche 35 décibels " comme l'a considéré à tort la ministre des armées ; l'aggravation de son hypoacousie bilatérale a été constatée après son retour des différentes opérations extérieures ;
- s'agissant de l'infirmité " acouphènes ", ses acouphènes n'ont jamais disparu, ils sont en lien certain direct et déterminant avec le service et doivent être évalués au taux de 20 % d'invalidité ;
- l'expert judiciaire devra déterminer si l'infirmité " séquelles de traumatisme sonore et hypoacousie bilatérale " est imputable au traumatisme sonore de 1986 et en évaluer le taux d'infirmité et se prononcer aussi sur l'existence des acouphènes, leur imputabilité au service et leur taux d'invalidité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2022, la ministre des armées conclut au rejet de l'appel de M. A... et à la confirmation du jugement n° 1923844/5-3 du 30 juin 2021 du Tribunal administratif de Paris.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 29 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Gozlan, avocate de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., né le 29 mars 1960, a servi dans l'armée de terre du 1er décembre 1978 au 31 décembre 2016, date à laquelle il a été rayé des contrôles. Par demande enregistrée le
9 janvier 2017, il a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité et un refus lui a été opposé par la ministre des armées par décision du 25 février 2019. Elle a considéré que pour l'infirmité " Séquelle de traumatisme sonore : perte auditive moyenne oreille droite 26,25 décibels, perte auditive moyenne oreille gauche 25 décibels ", le taux imputable au traumatisme du
14 août 1986 est évalué à 0 %. S'agissant de l'infirmité " Nouvelle baisse auditive bilatérale (...) ", elle a considéré que dès lors que les connaissances médicales généralement admises reconnaissent le caractère stationnaire voire régressif des hypoacousies d'origine sonotraumatique lorsque le sujet n'est plus soumis à des agressions sonores répétées, l'aggravation de cette infirmité doit faire l'objet d'une description et d'une évaluation séparées et cette infirmité, apparue postérieurement à la sortie de service, n'est pas imputable au service. Enfin s'agissant de l'infirmité " Acouphènes bilatéraux permanents gênant la vie quotidienne ", la ministre des armées a considéré que la preuve d'imputabilité n'est pas établie, en l'absence de toute mention d'acouphènes au dossier et que la présomption d'imputabilité ne peut s'appliquer dès lors que l'infirmité invoquée n'a pas été constatée pendant une période ouvrant droit à ce bénéfice. Par jugement n° 1923844/5-3 du 30 juin 2021, dont M. A... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : (...) 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service (...). ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Est présumée imputable au service :1° Toute blessure constatée par suite d'un accident, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ; 2° Toute blessure constatée durant les services accomplis par un militaire en temps de guerre, au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, d'une opération extérieure mentionnée à l'article L. 4123-4 du code de la défense ou pendant la durée légale du service national et avant la date de retour sur le lieu d'affectation habituelle ou la date de renvoi dans ses foyers ; 3° Toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1, L. 461-2 et L. 461-3 du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le militaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ces tableaux ; 4° Toute maladie constatée au cours d'une guerre, d'une expédition déclarée campagne de guerre, d'une opération extérieure mentionnée à l'article L. 4123-4 du code de la défense ou pendant la durée légale du service national, à compter du quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant la date de retour sur le lieu d'affectation habituelle ou la date de renvoi du militaire dans ses foyers. En cas d'interruption de service d'une durée supérieure à quatre-vingt-dix jours, la présomption ne joue qu'à compter du quatre-vingt-dixième jour suivant la reprise du service actif. ". Il résulte de ces dispositions que lorsque la présomption légale d'imputabilité ne peut être invoquée, l'intéressé doit apporter la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre l'infirmité et un fait précis ou des circonstances particulières de service. Cette relation de causalité est requise aussi bien en cas d'infirmité trouvant sa cause exclusive dans le service qu'en cas d'aggravation par le service d'une infirmité pré-existante ou concomitante au service et vaut pour toutes les affections y compris celles de nature psychologique. Enfin, l'existence d'une telle relation ne peut résulter de la seule circonstance que l'infirmité ou l'aggravation ait été révélée durant le service, ni d'une vraisemblance ou d'une hypothèse, ni des conditions générales du service.
S'agissant de l'infirmité " Séquelles de traumatisme sonore " :
3. Il résulte de l'instruction et notamment de l'extrait du registre des constatations n°16/1986 que M. A... a été victime le 14 août 1986 d'un traumatisme sonore à l'occasion d'une séance de tir famas. L'audiométrie de contrôle réalisée le 10 septembre 1986 a permis de constater une perte auditive moyenne de 26,25 décibels pour l'oreille droite et de 25 décibels pour l'oreille gauche correspondant, toutefois, selon le guide-barème en vigueur à un taux d'invalidité de 0 %. Ce taux d'invalidité a, d'ailleurs, ensuite été confirmé par les audiogrammes réalisés lors de la visite périodique du 11 mars 2011 et des 6 juin 2012 et 24 avril 2013 après le retour d'opérations extérieures et de la visite de fin de service du 2 décembre 2016.
4. M. A... se prévaut de l'expertise médicale réalisée le 10 août 2018 par le docteur D... qui relève qu'il a été victime du traumatisme sonore précité du 14 août 1986 et que depuis cette période il déclare souffrir de surdité et d'acouphènes permanents invalidants. L'expert mentionne " recherche d'un état antérieur : néant ", " audiométrie (AC40) : surdité de perception oreille droite = 42,5 décibels, oreille gauche = 35 décibels " et il précise " imputabilité au service de l'hypoacousie (...) : oui " entrainant un taux d'invalidité de 10 %. Toutefois, cette seule affirmation de l'expert ne suffit pas à établir le lien de causalité qui existerait entre le traumatisme sonore subi le 14 août 1986 et l'aggravation de l'hypoacousie dont M. A... se prévaut à l'appui de sa demande de pension militaire d'invalidité enregistrée le 9 janvier 2017 alors que les examens audiométriques réalisés entre 1986 et 2016 ont montré une stabilité de cette hypoacousie post traumatique. Il s'ensuit que sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, M. A... ne peut prétendre au bénéfice d'une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " Séquelle de traumatisme sonore : perte auditive moyenne oreille droite 26,25 décibels, perte auditive moyenne oreille gauche 25 décibels " qui entraine un taux d'invalidité de 0 % et que la ministre des armées a dissocié à juste titre dans les circonstances de l'espèce de l'aggravation de l'hypoacousie dont il se prévaut.
S'agissant de l'infirmité " Nouvelle baisse auditive bilatérale " :
5. S'il ressort de l'expertise précitée du docteur D... que M. A... souffrait à la date de sa demande de pension militaire d'invalidité d'une perte auditive moyenne oreille droite 42,5 décibels, oreille gauche 35 décibels correspondant à un taux d'invalidité de 10 %, il résulte de l'instruction que lors de la visite de fin de service intervenue le 2 décembre 2016 la perte auditive moyenne pour chacune des oreilles correspondait selon le guide-barème en vigueur à un taux d'invalidité de 0 %. Par suite, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, en se bornant à soutenir que l'aggravation de son hypoacousie bilatérale est liée au traumatisme sonore du
14 août 1986 et a été constatée après son retour des différentes opérations extérieures alors que le
31 décembre 2016, date à laquelle il a été rayé des contrôles, son hypoacousie bilatérale entrainait une perte auditive moyenne par oreille à l'origine d'un taux d'invalidité nul, M. A... n'apporte pas la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre cette infirmité et un fait précis ou des circonstances particulières de service. Par ailleurs, les conditions de la présomption d'imputabilité fixées par l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ne sont pas davantage réunies. Sa demande de bénéfice de pension militaire d'invalidité au titre de cette infirmité ne peut ainsi qu'être rejetée.
S'agissant de l'infirmité " Acouphènes bilatéraux permanents gênant la vie quotidienne " :
6. Il résulte de l'instruction que les acouphènes bilatéraux permanents dont se plaint M. A... sont mentionnés dans l'extrait du registre des constatations n°16/1986 faisant état le 14 août 1986 du traumatisme sonore subi suite à une séance de tir famas, dans son livret médical à la date du 9 septembre 1986 et dans le certificat médical de fin de service du 2 décembre 2016. Toutefois, aucune mention de ces acouphènes bilatéraux ne figure dans le dossier médical de M. A... entre le 10 septembre 1986 et le 1er décembre 2016. Dans son expertise médicale réalisée le 10 août 2018, le docteur D... relève un acouphène bilatéral et permanent qu'il considère comme imputable au service entrainant un taux d'invalidité de 20 %. M. A... se borne à soutenir que ses acouphènes n'ont jamais disparu, qu'ils sont en lien direct et certain avec le service et qu'il n'a pas formulé de doléances les concernant pendant des années pour ne pas nuire à sa carrière. Toutefois, cette absence de mention des acouphènes bilatéraux dans le dossier médical de M. A... entre le 10 septembre 1986 et le 1er décembre 2016 ne permet pas de considérer que cette pathologie pourrait être rattachée à un fait précis qui aurait pu être le traumatisme sonore subi le 14 août 1986. Par ailleurs, la réapparition de cette infirmité dans le compte-rendu de visite de fin de service du 2 décembre 2016 sans que soit mentionnée dans ce dernier ou dans tout autre document médical ou au registre des constatations la survenue d'un fait précis ou de circonstances particulières de service qui en serait l'origine ne permet pas de regarder M. A... comme apportant la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre les acouphènes bilatéraux permanents dont il se prévaut et ses fonctions militaires. Enfin, dès lors que cette pathologie a été évoquée pour la première fois, dans le livret médical de M. A... le 9 septembre 1986 suite au traumatisme sonore du 14 août 1986 date à laquelle il n'était pas en opération extérieure au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, la présomption légale d'imputabilité n'est pas non plus applicable. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise s'agissant de l'infirmité " Acouphènes bilatéraux permanents gênant la vie quotidienne ", M. A... ne peut prétendre au bénéfice d'une pension militaire d'invalidité au titre de cette infirmité.
7. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter les conclusions de M. A... tendant à l'annulation du jugement n° 1923844/5-3 du 30 juin 2021 du Tribunal administratif de Paris et de la décision de la ministre des armées du 25 février 2019, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 2 juin 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement,
- Mme Collet, première conseillère,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022.
La rapporteure,
A. B... Le président,
F. HO SI FAT
La greffière,
N. COUTY
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA04945