Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 20 novembre 2018 par laquelle la consule générale de France à Amsterdam a prononcé sa révocation de ses fonctions de consul honoraire d'Utrecht, ainsi que la décision du
3 septembre 2018 par laquelle il a été suspendu de ses fonctions.
Par un jugement n° 1900756/5-1 du 7 janvier 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 février 2021, M. C..., représenté par Me Roze, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 7 janvier 2021 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions de la consule générale de France à Amsterdam du 3 septembre 2018 et du 20 novembre 2018 mentionnées ci-dessus ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement du tribunal administratif n'a pas visé le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 et n'a pas répondu à ce moyen ;
- il n'a pas répondu au moyen selon lequel il a été irrégulièrement privé de la possibilité de se faire assister par un avocat lors de l'entretien du 27 septembre 2018 ;
- les pièces produites devant le tribunal ne permettent pas de considérer que le ministre de l'Europe et des affaires étrangères aurait, ainsi que l'exige le second alinéa de l'article 7 du décret du 16 juin 1976, autorisé sa révocation, prononcée par la décision du 20 novembre 2018 ;
- cette décision a été prise en méconnaissance des articles L. 122-1 et L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, puisqu'il s'est vu refuser la possibilité d'accéder à son dossier et de se faire assister par un avocat lors de l'entretien du 27 septembre 2018 ;
- elle a, pour les mêmes raisons, été prise en violation du principe général des droits de la défense, et en violation de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ;
- les décisions du 3 septembre 2018 et du 20 novembre 2018 sont entachées d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2021, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 4 avril 2022, M. C... conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens.
Par une ordonnance du 25 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au
15 avril 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi du 22 avril 1905 ;
- le décret n° 76-548 du 16 juin 1976 relatif aux consuls généraux, consuls et vice-consuls honoraires et aux agents consulaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Mach, rapporteure publique,
- et les observations de Me Roze, pour M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., dirigeant d'une entreprise de conseil, a, le 30 décembre 2014, été nommé consul honoraire de France dans la province d'Utrecht aux Pays-Bas. Par courrier du
3 septembre 2018, il a été suspendu de ses fonctions. Par courrier du 20 novembre 2018, il a été révoqué de ses fonctions. Il fait appel du jugement du 7 janvier 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Aux termes de l'article R. 741-2 du même code, la décision contient " l'analyse des conclusions et mémoires ". Dans son jugement, le tribunal administratif a visé les moyens par lesquels M. C... avait soutenu n'avoir pas eu accès à son dossier administratif et n'avoir pu faire appel à un avocat, et a expressément écarté la méconnaissance du principe général des droits de la défense. Ainsi, même s'il n'a pas expressément visé l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, il a suffisamment répondu à ces moyens.
Sur la décision de révocation du 20 novembre 2018 :
3. Aux termes de l'article L.211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) Infligent une sanction (...) ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ". Aux termes de l'article L. 122-2 de ce code : " Les mesures mentionnées à l'article L. 121-1 à caractère de sanction ne peuvent intervenir qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant ".
4. Il ressort de la décision attaquée du 20 novembre 2018 que la mesure de révocation a été prise après que M. C... avait été, à plusieurs reprises, mis en garde sur l'importance d'éviter toute confusion entre son activité professionnelle et la fonction de consul honoraire. Cette décision énonce qu'il lui est " reproché " d'avoir approché lors de la réception du 14 juillet, à laquelle il était convié en qualité de consul honoraire, un responsable d'une société française dans le cadre d'un contrat particulièrement sensible alors que l'ambassadeur de France aux Pays-Bas l'avait invité à éviter toute initiative non coordonnée avec l'ambassade et à rester à l'écart de cette négociation.
Elle mentionne expressément qu'il a au cours d'un entretien au consulat le 27 septembre 2018, refusé de répondre sur le fond aux " griefs formulés à (son) égard ". Compte tenu de ces motifs, tirés d'un manquement à ses obligations en qualité de consul honoraire, tenant à l'utilisation de sa fonction à des fins personnelles et au non-respect des consignes de l'ambassadeur, cette décision doit être regardée comme infligeant à M. C... une sanction, au sens des dispositions citées ci-dessus. Or, il est constant que M. C... n'a pas eu communication de son dossier administratif ainsi qu'il l'avait pourtant demandé le 10 septembre 2018, le compte rendu de l'entretien du 27 septembre 2018 rédigé par la consule générale indiquant expressément qu'elle n'avait pas à lui communiquer les documents demandés. Il est également constant que la consule générale a, le 11 septembre 2018, expressément refusé de faire droit à sa demande tendant à bénéficier de l'assistance d'un avocat. M. C... est donc fondé à soutenir que la décision de révocation du 20 novembre 2018 a été prise en méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 122-1 et L 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, et à en demander l'annulation, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens concernant cette décision.
Sur la décision de suspension du 3 septembre 2018 :
5. Les moyens tirés d'erreurs de fait et d'une erreur d'appréciation, soulevés à l'encontre de la décision de suspension du 3 septembre 2018, doivent être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
6. Il résulte de ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de révocation du 20 novembre 2018.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision de la consule générale de France à Amsterdam du 20 novembre 2018 prononçant la révocation de M. C... de ses fonctions de consul honoraire d'Utrecht, est annulée.
Article 2 : Le jugement n°1900756/5-1 du Tribunal administratif de Paris du 7 janvier 2021 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. C... tendant à l'annulation de la décision mentionnée à l'article 1er.
Article 3 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Délibéré après l'audience du 21 juin 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juillet 2022.
Le rapporteur,
J-C. B...Le président,
T. CELERIER
La greffière,
Z. SAADAOUI
La République mande et ordonne au ministre de l'Europe et des affaires étrangères, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA00766