Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a saisi le Tribunal administratif de Montreuil de deux demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 15 novembre 2018 par laquelle le directeur départemental des finances publiques de Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie déclarée le 23 août 2018, d'autre part, à l'annulation des décisions du 15 mars 2019 et du 2 avril 2019 par lesquelles le directeur départemental des finances publiques de Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la même pathologie.
Par un jugement n° 1900395, 1905190 du 5 février 2021, le Tribunal administratif de Montreuil, premièrement, a décidé qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 1905190 tendant à l'annulation de la décision du 15 mars 2019, deuxièmement, a annulé la décision du 15 novembre 2018, troisièmement, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, enfin, a rejeté les surplus des conclusions de ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 31 mars 2021, et un mémoire, enregistré le 7 avril 2022, M. B..., représenté par le cabinet Athon-Perez, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 février 2021 du Tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 2 avril 2019 ;
2°) d'annuler la décision mentionnée ci-dessus du 2 avril 2019 ;
3°) d'enjoindre au directeur départemental des finances publiques de Seine-Saint-Denis de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les sommes de 3 000 euros et 2 000 euros respectivement au titre de la première instance et de l'appel.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont pris en compte l'expertise du 8 octobre 2019 postérieure à la décision attaquée ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur d'appréciation ;
- elle est entachée d'erreur de droit et, contrairement à ce qui a été jugé par le tribunal, cette erreur de droit ne peut pas faire l'objet d'une neutralisation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... sont infondés.
Par une ordonnance du 11 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au
11 avril 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 janvier 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2019-122 du 21 février 2019 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Mach, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., agent administratif principal des finances publiques de 1ère classe, est affecté depuis novembre 2013 au pôle de contrôle et d'expertise de Bobigny. Il a été placé en congé de maladie du 16 juillet 2018 au 15 septembre 2018, continument renouvelé jusqu'au 31 janvier 2019. Il a rempli, le 23 août 2018, une déclaration de maladie professionnelle et l'a transmise à son administration. Par une décision du 15 novembre 2018, le directeur départemental des finances publiques de Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie. Sous le n°1900395, M. B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil l'annulation de cette décision. Par ailleurs,
M. B... a formé un recours hiérarchique à l'encontre de cette même décision, par un courrier du 11 janvier 2019, à la suite duquel l'administration a procédé à une nouvelle instruction et a de nouveau rejeté sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie, par une décision du 15 mars 2019, puis par une décision intervenue le 2 avril 2019, qui " annule et remplace " la précédente. Sous le n° 1905190, M. B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil l'annulation de ces deux décisions.
2. Par un jugement du 5 février 2021, le Tribunal administratif de Montreuil, premièrement, a décidé qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête
n° 1905190 tendant à l'annulation de la décision du 15 mars 2019, deuxièmement, a annulé la décision du 15 novembre 2018 pour vice de procédure, troisièmement, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, enfin, a rejeté les surplus des conclusions de ses demandes. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 2 avril 2019.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. A supposer que M. B... entende se prévaloir de l'irrégularité du jugement, la circonstance que les premiers juges se soient fondés sur une expertise du 8 octobre 2019, d'ailleurs produite par le requérant lui-même, postérieure à la décision litigieuse ne rend pas en tout état de cause le jugement attaqué irrégulier.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. L'article 21 bis introduit, dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, par l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017, qui n'est entré en vigueur qu'avec l'intervention de son décret d'application n° 2019-122 du 21 février 2019, n'étant pas applicable à la situation de M. B..., lors de sa déclaration de maladie professionnelle le
23 aout 2018, celle-ci était régie par l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction antérieure. Aux termes de cet article : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ".
5. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
6. M. B... a déclaré, le 23 août 2018, sa maladie psychique, caractérisée, selon les deux rapports d'expertise établis respectivement le 2 octobre 2018 et le 8 octobre 2019 par deux médecins psychiatres différents, par " une certaine psychorigidité ", la présence de " troubles relationnels antérieurs ", une " sthénicité psychique ", une " revendication narcissique d'une reconnaissance de ses compétences ", une " tendance à être procédurier ", une " conviction inébranlable d'un acharnement ", une " asthénie et une aboulie ". Contrairement à ce que soutient le requérant, le rapport d'expertise du 8 octobre 2019 n'a pas lieu d'être écarté des débats dès lors qu'il a été produit à sa demande et qu'il ne résulte pas de l'instruction une évolution de l'état psychologique de l'intéressé entre la date de la décision litigieuse et celle de ladite expertise.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été affecté en novembre 2013 au service de contrôle de la redevance audiovisuelle, relevant de la direction départementale des finances publiques de la Seine-Saint-Denis. A la suite d'une restructuration, ce service a été intégré au pôle de contrôle et d'expertise de Bobigny. M. B... fait valoir, qu'à compter de 2016, il s'est vu attribuer certaines des missions de l'agent de catégorie A, qui n'a pas été transféré avec le service dans lequel il était jusqu'alors affecté. Il soutient qu'en raison d'une surcharge de travail, il s'en est suivi une dégradation de ses conditions de travail, due, entre autres, au refus de sa hiérarchie de régulariser la situation en modifiant sa fiche de poste. Il fait également état de comportements de plus en plus agressifs de sa hiérarchie à son égard, en vue de lui faire accepter la situation, qu'il juge anormale. Il communique en particulier un courriel d'un représentant syndical rapportant les conditions dans lesquelles un entretien s'est tenu le 8 janvier 2018 entre le responsable de service et M. B..., qu'il accompagnait, faisant mention d'échanges virulents. Le requérant verse également au dossier des arrêts maladie faisant mention de " harcèlement " et " d'atteintes à la dignité de la personne ".
8. Toutefois, en dépit de ces quelques indications, peu détaillées et peu circonstanciées hormis celles relatives à l'entretien du 8 janvier 2018, aucune précision n'est apportée en vue de mesurer la charge de travail que M. B... était amené à réaliser, ni en vue d'établir que des missions relevant normalement d'un agent de catégorie A lui auraient été effectivement confiées, et selon quelle fréquence, comme l'ont souligné à juste titre les premiers juges. Or, M. B..., hormis des attestations de collègues ou d'anciens collègues, insuffisamment probantes, ne fournit pas plus en appel d'éléments justifiant qu'il aurait exercé des tâches d'un grade bien supérieur au sien. Comme l'a relevé le tribunal, il ressort en revanche d'un tableau chronologique, que le requérant verse au dossier, dont l'auteur n'est pas identifié, que la candidature présentée par M. B... pour la liste d'aptitude de C en B n'a pas été retenue en 2017, que l'intéressé a régulièrement refusé de réaliser certaines tâches, telles les " mises en recouvrement " et les " 3926 " et qu'il exigeait qu'une fiche de poste précisant l'ensemble de ses missions soit établie. Il ressort également de ce tableau que M. B... a refusé de signer, en 2018, son compte rendu d'évaluation.
9. Ainsi, alors que les rapports d'expertise psychologique soulignent en particulier la psychorigidité de M. B..., de même que sa tendance à être procédurier, ni les écritures du requérant, ni les différentes pièces versées au dossier par les parties ne permettent de caractériser que les conditions de travail qu'a connues M. B... auraient été de nature à susciter ou aggraver le développement de sa maladie psychologique. Le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie le directeur départemental des finances publiques de la Seine-Saint-Denis aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation. Un tel moyen doit par suite être écarté.
10. En second lieu, pour fonder sa décision de refus, le directeur départemental des finances publiques de la Seine-Saint-Denis s'est approprié les motifs de l'avis rendu par la commission de réforme qui s'est tenue le 12 mars 2019, selon lesquels il n'y avait pas de relation " directe unique et certaine " entre la pathologie M. B... et ses conditions de travail. En exigeant que soit établi un lien non seulement direct mais aussi exclusif entre l'état pathologique de l'agent et sa maladie, le directeur départemental des finances publiques de la
Seine-Saint-Denis a commis une erreur de droit. Toutefois le ministre de l'économie, des finances et de la relance doit être regardé, par ses observations en défense, comme demandant la substitution à ce motif erroné du motif, non entaché d'erreur d'appréciation comme il a été dit ci-dessus, tiré de l'absence de relation directe et certaine entre la maladie de M. B... et le service. Il y a lieu de faire droit à cette substitution de motifs qui ne prive l'intéressé d'aucune garantie.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 avril 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. D'une part, contrairement à ce que soutient M. B..., le tribunal a mis à la charge de l'Etat une somme, soit 1 000 euros, au titre de la requête pour laquelle il était partie gagnante, ne rejetant ses conclusions que pour l'autre requête pour lequel il était pour l'essentiel partie perdante. Il n'y a pas lieu en l'espèce de majorer cette somme de 1000 euros. D'autre part, s'agissant de la présente requête d'appel, les dispositions susvisées font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 21 juin 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juillet 2022.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
T. CELERIER
La greffière,
Z. SAADAOUI
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA01685