Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 mars 2021 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2106772/6-2 du 9 juin 2021, la magistrate désignée du Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 16 mars 2021, a enjoint au préfet de police de statuer à nouveau sur le cas de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de le munir, pendant ce réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour et a condamné l'État à verser la somme 1 000 euros à son conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 juillet 2021, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 2 à 4 du jugement n° 2106772/6-2 du 9 juin 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la requête de M. C....
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a fait droit au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les autres moyens soulevés par M. C... en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 9 mars 2022, M. C..., représenté par Me Delorme, conclut au rejet de la requête du préfet de police et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que la preuve de la lecture publique de la décision rendue par la Cour Nationale du Droit d'Asile n'est pas apportée et l'affichage en ligne n'a pas valeur de lecture publique.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 24 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991,
- le décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Mme A... a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant ivoirien né le 5 août 1990, a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, par une décision du 2 juillet 2020, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 4 mars 2021. Par arrêté du 16 mars 2021, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2106772/6-2 du 9 juin 2021, dont le préfet de police relève appel, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 16 mars 2021, a enjoint audit préfet de statuer à nouveau sur le cas de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de le munir, pendant ce réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour et a condamné l'État à verser la somme 1 000 euros à son conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code, dans sa version applicable : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le recours présenté par M. C... aux fins d'annulation de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 2 juillet 2020 a été rejeté par une décision de la Cour nationale du droit d'asile lue en audience publique le 4 mars 2021. M. C... bénéficiait donc, en application de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à cette date, et non jusqu'à celle de la notification de la décision. Dès lors la circonstance que cette notification soit mentionnée " en attente " dans la fiche " Telemofpra " produite par le préfet est sans incidence sur la légalité de la décision contestée. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge, estimant que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaissait les dispositions précitées de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a annulé l'arrêté litigieux.
4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le Tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens invoqués par M. C... en première instance :
5. En premier lieu, l'arrêté contesté vise les dispositions applicables, en particulier le 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il indique que la demande d'asile de M. C... a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile. Il précise également que la mesure prise ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et que M. C... n'établit pas être exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de renvoi dans son pays d'origine. Par suite, l'arrêté contesté comporte les considérations de droit et de fait qui le fondent et est suffisamment motivé.
6. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas, avant de prendre l'arrêté attaqué, procédé à un examen particulier et suffisamment approfondi de la situation de M. C.... Par suite, ce deuxième moyen doit être écarté.
7. En troisième lieu, si aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux États membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
8. Lorsqu'il présente une demande d'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche, qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande d'asile, il pourra faire l'objet d'un refus de titre de séjour et, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été définitivement refusé, d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, tant au cours de l'instruction de sa demande, qu'après que l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont statué sur sa demande d'asile, de faire valoir auprès de l'administration toute information complémentaire utile.
9. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. C... a été entendu par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile et pouvait faire valoir à tout moment auprès de la préfecture les éléments pertinents relatifs à sa situation personnelle. En outre, l'intéressé n'établit, ni même n'allègue qu'il aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ou qu'il aurait été empêché de présenter ses observations avant que ne soit prise la mesure d'éloignement litigieuse. Ainsi, le préfet de police, qui n'était pas tenu d'inviter M. C... à formuler des observations avant l'édiction de cette mesure, ne l'a pas privé de son droit à être entendu. Par suite, ce troisième moyen doit être écarté.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa numérotation alors applicable : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Le droit de toute personne à la vie est protégée par la loi ". L'article 3 de la même convention stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
11. M. C... soutient qu'il a fui son pays d'origine, la Côte d'Ivoire, afin d'échapper à des persécutions liées au fait qu'il a entretenu une relation amoureuse avec une jeune femme avec laquelle il a eu un enfant en dehors de toute relation maritale et qu'il a été rejeté par l'ensemble de sa famille. Il fait valoir qu'étant particulièrement isolé, il a été contraint de quitter son pays d'origine sans apporter aucune pièce à l'appui de ses allégations permettant d'en apprécier le bien-fondé. Toutefois, ces circonstances ne permettent pas de considérer comme établi le risque actuel et personnel auquel il serait exposé en cas de retour en Côte d'Ivoire de subir des traitements inhumains et dégradants au sens des dispositions et stipulations des articles précités alors, au demeurant, que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 16 mars 2021. Dès lors, il y a lieu d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Paris, ainsi que les conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, l'Etat n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2106772/6-2 du 9 juin 2021 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel présentées devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement,
- Mme Jayer, première conseillère,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 novembre 2022.
La rapporteure,
A. A... Le président,
F. HO SI FAT
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA03756