Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... épouse B... a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la délibération du 10 avril 2019 par laquelle le jury du concours interne pour l'accès à l'emploi de secrétaire de chancellerie au titre de l'année 2019 a proclamé la liste des candidats reçus et les décisions individuelles de nomination en résultant, et d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 340 000 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts au taux légal.
Par un jugement n° 1919548/5-3 du 16 juin 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 juillet 2021, Mme A... épouse B..., représentée par Me de Prittwitz, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1919548/5-3 du 16 juin 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la délibération du 10 avril 2019 par laquelle le jury du concours interne pour l'accès à l'emploi de secrétaire de chancellerie au titre de l'année 2019 a proclamé la liste des candidats reçus et les décisions individuelles de nomination en résultant ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 320 000 euros en réparation du préjudice financier et la somme de 40 000 euros au titre du préjudice moral subis du fait de l'illégalité de la délibération du 10 avril 2019, assortie des intérêts au taux légal ;
4°) d'ordonner la publicité de l'arrêt à intervenir sur la première page du site internet du ministère de l'Europe et des affaires étrangères pendant quinze jours ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice.
Elle soutient que :
- la délibération du jury est entachée d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que la note de 3/20 qui lui a été attribuée par le jury à l'issue de l'épreuve orale d'entretien et de reconnaissance des acquis de l'expérience professionnelle n'est pas justifiée au regard notamment de son parcours universitaire, de son parcours professionnel et des notes obtenues aux autres épreuves du concours ;
- elle est entachée de partialité comme le révèlent les questions qui lui ont été posées par le jury lors de l'entretien de reconnaissance des acquis de l'expérience professionnelle ;
- elle a été victime de discrimination à raison de ses origines ;
- la délibération du jury est entachée d'erreur de droit dès lors qu'elle méconnait le principe d'égal accès à la fonction publique ;
- ses conclusions indemnitaires sont recevables ;
- du fait de l'illégalité de la délibération du jury, elle a subi un préjudice financier évalué à 320 000 euros et un préjudice moral évalué à 40 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 avril 2022, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- l'arrêté du 29 février 2012 fixant les règles générales d'organisation, la nature et le programme des épreuves des concours externe et interne de secrétaire de chancellerie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- les observations de Me De Prittwitz, avocat de Mme A... épouse B...,
- et les observations de la représentante de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., adjointe administrative principale de 2ème classe de chancellerie, s'est présentée au concours interne de secrétaire de chancellerie au titre de l'année 2019. Ayant été déclarée admissible à l'issue des épreuves écrites, elle a pris part aux épreuves orales qui se sont déroulées du 11 mars au 29 mars 2019. Par une délibération du 10 avril 2019, le jury du concours interne pour l'accès à l'emploi de secrétaire de chancellerie au titre de l'année 2019 a proclamé la liste des candidats déclarés admis parmi lesquels ne figurait pas Mme B.... Par un message électronique du 15 avril 2019 et par un courrier du 20 mai 2019 reçu le 21 mai suivant, Mme B... a formé un recours contre la délibération du 10 avril 2019 auprès du directeur des ressources humaines du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Le silence gardé sur ces demandes a fait naître des décisions implicites de rejet. Le 10 septembre 2019, Mme B... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de la délibération du 10 avril 2019 du jury du concours interne pour l'accès à l'emploi de secrétaire de chancellerie au titre de l'année 2019 et des décisions individuelles de nomination en résultant, et d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 340 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de cette délibération. Par un jugement du 16 juin 2021, dont Mme B... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes du deuxième alinéa de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dans sa rédaction applicable à la date de la délibération contestée : " Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de (...) leur origine, (...) ".
3. Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 29 février 2012 fixant les règles générales d'organisation, la nature et le programme des épreuves des concours externe et interne de secrétaire de chancellerie : " Les épreuves orales d'admission du concours interne pour l'accès à l'emploi de secrétaire de chancellerie sont les suivantes : Epreuve n° 1 : entretien avec le jury visant à apprécier les aptitudes, la personnalité et les motivations du candidat ainsi que sa capacité à appréhender une situation concrète, le cas échéant sous forme de mise en situation professionnelle, ainsi qu'à reconnaître les acquis de son expérience professionnelle. Pour conduire cet entretien, qui a pour point de départ un exposé du candidat sur son expérience professionnelle, le jury dispose du dossier constitué par le candidat en vue de la reconnaissance des acquis de l'expérience professionnelle. Au cours de cet entretien, le candidat peut être interrogé sur des questions relatives à son environnement professionnel et sur ses connaissances administratives générales ou propres à l'administration ou le service dans lequel il exerce. (Durée : trente minutes, dont dix minutes au plus d'exposé ; coefficient 6.) Seul l'entretien avec le jury donne lieu à une notation. Le dossier de reconnaissance des acquis de l'expérience professionnelle n'est pas noté. En vue de cette épreuve, le candidat établit un dossier de reconnaissance des acquis de son expérience professionnelle annexé au présent arrêté, qu'il remet au service organisateur à une date fixée dans l'arrêté d'ouverture du concours. (...) Epreuve n° 2 : épreuve d'anglais consistant en une interrogation orale à partir de la lecture, de la traduction et du commentaire d'un texte rédigé en anglais. (Préparation : vingt minutes ; durée : vingt minutes ; coefficient 2 ; toute note inférieure à 10 sur 20 est éliminatoire.) Epreuve n° 3 : épreuve orale facultative de langue choisie lors de l'inscription au concours parmi les langues suivantes : allemand, arabe littéral, chinois (mandarin), espagnol, italien, japonais, portugais, russe, turc. L'épreuve consiste en une interrogation orale à partir de la lecture, de la traduction et du commentaire d'un texte rédigé dans cette langue. (Préparation : vingt minutes ; durée : vingt minutes ; coefficient 1.) Seuls comptent, en vue de l'admission, les points au-dessus de 10 sur 20 ". Aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Les épreuves sont notées de 0 à 20. (...) A l'issue des épreuves d'admission, le jury établit, par ordre de mérite, la liste des candidats admis. Le cas échéant, une liste complémentaire d'admission est établie. (...) ".
4. S'il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir de contrôler l'appréciation faite par un jury de la valeur des candidats, il lui appartient en revanche de vérifier que le jury a formé cette appréciation sans méconnaître les normes qui s'imposent à lui.
5. En premier lieu, il ressort du relevé de notes versé au dossier que Mme B... a obtenu les notes de 17/20 pour la note administrative et de 12/20 pour l'épreuve écrite d'anglais et aux épreuves orales, la note de 3/20 à l'issue de l'entretien de reconnaissance des acquis de l'expérience professionnelle avec le jury et les notes de 11,50/20 et de 11/20 aux épreuves d'anglais et d'espagnol. Mme B... soutient que la note de 3/20 qui lui a été attribuée à la suite de l'entretien avec le jury n'est pas justifiée au regard notamment des notes obtenues dans les autres épreuves, en particulier la note obtenue à la note administrative, de son cursus universitaire et de son parcours professionnel. Toutefois, comme il a été dit au point précédent, il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir de contrôler l'appréciation faite par un jury de la valeur et de l'aptitude des candidats. Il s'ensuit que Mme B... ne saurait utilement soutenir que l'appréciation portée par le jury sur sa valeur et son aptitude à l'issue de l'entretien de reconnaissance des acquis de l'expérience professionnelle serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
6. En deuxième lieu, si la requérante soutient que la délibération du jury est entachée d'erreur de fait, elle ne précise pas quelle serait cette erreur de fait. Dans ces conditions, elle ne permet pas à la Cour d'apprécier le bien-fondé de ce moyen. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
7. En troisième et dernier lieu, Mme B... soutient qu'elle a été victime de discrimination à raison de ses origines. A l'appui de son moyen, elle se prévaut de la note anormalement basse de 3/20 obtenue lors de l'entretien avec le jury alors que l'épreuve consiste en un exposé de l'expérience professionnelle s'appuyant sur un dossier de reconnaissance des acquis professionnel suivi de questions posées par les membres du jury, de la disparité entre cette note et les notes obtenues dans les autres épreuves tant écrites qu'orales, de ses évaluations professionnelles, des courriers de remerciements reçus, de la comparabilité de son parcours professionnel avec celui de la major du concours et des questions qui lui ont été posées lors de cet entretien concernant uniquement ses précédentes affectations les plus courtes qui auraient été destinées à la mettre en difficulté. Toutefois, de telles questions sont au nombre de celles susceptibles d'être posées par un jury lors d'un entretien afin d'apprécier les aptitudes, la personnalité et les motivations du candidat conformément aux dispositions de l'article 5 de l'arrêté du 29 février 2012 citées au point 3. En outre, elles ne sauraient faire présumer l'existence d'une discrimination et n'attestent aucunement d'une animosité particulière à l'égard de la requérante. Par ailleurs, à supposer même que les parcours professionnels de la requérante et de la major du concours interne soient comparables, cette circonstance ne saurait faire présumer l'existence d'une discrimination dès lors que l'entretien avec le jury ne vise pas à sélectionner des candidats selon leur seul précédent parcours professionnel mais à apprécier les aptitudes d'un candidat à exercer de nouvelles fonctions de secrétaire de chancellerie. Ainsi, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la seule existence d'un parcours professionnel comparable ne saurait établir que les mérites de Mme B... étaient identiques à ceux de la major et, ainsi, à présumer l'existence d'une discrimination. Les comptes rendus professionnels relatifs aux fonctions d'adjointe administrative principale de Mme B..., et même si celui au titre de 2018 comporte un avis très favorable de son supérieur hiérarchique quant à sa demande de formation à la préparation du concours de secrétaire de chancellerie, et les lettres de remerciements obtenus dans le cadre de ses fonctions versés au dossier ne sont pas de nature à établir une présomption de discrimination dès lors que le jury est amené, ainsi qu'il a déjà été indiqué, à se prononcer sur les aptitudes de la requérante à exercer les nouvelles fonctions de secrétaire de chancellerie et non des fonctions d'adjointe administrative principale. La seule circonstance que Mme B... a obtenu un 3/20 à l'entretien avec le jury alors qu'elle s'est vue attribuer de bonnes notes à l'ensemble des autres épreuves n'est pas davantage de nature à faire présumer, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, l'existence d'une discrimination à raison de ses origines. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour fixer la note attribuée à Mme B... à l'épreuve orale d'entretien et de reconnaissance des acquis de l'expérience professionnelle, le jury aurait fondé son appréciation sur des motifs autres que ceux tirés de l'examen des mérites de l'intéressée tels qu'ils ressortaient de l'épreuve orale. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que Mme B... n'apporte aucun élément de nature à faire présumer l'existence d'une discrimination ou à établir que le jury n'ait pas présenté les garanties d'impartialité ou d'indépendance nécessaires. Par suite, les moyens tirés d'une discrimination à raison de l'origine de Mme B..., de la méconnaissance du principe d'égal accès à la fonction publique et de la méconnaissance du principe d'impartialité du jury doivent être écartés.
Sur les conclusions indemnitaires :
8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se prévaloir de fautes de nature à engager la responsabilité de l'administration. Par suite, ses conclusions indemnitaires ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquences, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B... et à la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement,
- Mme Collet, première conseillère,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2022.
La rapporteure,
V. D... Le président,
F. HO SI FAT
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne à la ministre de l'Europe et des affaires étrangères en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA04099