Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 2112297/3-2 du 16 septembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des pièces enregistrées le 29 janvier et le 22 avril 2022, M. A..., représenté par Me Da Costa, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2112297/3-2 du 16 septembre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2020 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que la somme de 2 000 euros à verser à Me Da Costa, conseil de M. A..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Da Costa renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- le préfet de police aurait dû saisir la commission du titre de séjour avant de prendre la décision contestée dès lors qu'il remplit les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision contestée méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à la durée de son séjour en France, à l'intensité de ses liens familiaux sur le territoire français, à son intégration à la société française et à la circonstance qu'il ne pourra pas poursuivre sa vie privée et familiale en Géorgie ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision de refus de séjour sur sa situation ;
S'agissant de la décision l'obligeant à quitter le territoire français :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- il ne peut pas faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès lors qu'il doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- la décision fixant le pays de destination est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 13 décembre 2021.
Par lettre du 10 octobre 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant n'a formé, en première instance, que des conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Si le requérant sollicite également, devant la cour, l'annulation de la décision fixant le pays de destination, ces conclusions sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant géorgien né le 16 mai 1996, entré en France le 10 avril 2012 selon ses déclarations, a sollicité du préfet de police, le 10 avril 2018, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable. Par des décisions du 3 décembre 2020, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 16 septembre 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français du préfet de police.
Sur la recevabilité des conclusions à fin d'annulation de la décision fixant le pays de destination :
2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. A... n'avait formé devant le tribunal administratif que des conclusions à fin d'annulation des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Si le requérant sollicite également, devant la Cour, l'annulation de la décision fixant le pays de destination, ces conclusions sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables. Dès lors, elles ne peuvent qu'être rejetées.
Sur le moyen commun aux décisions contestées :
3. L'arrêté contesté vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment ses articles L. 313-11 7° et L. 511-1. Il indique que M. A..., né le 16 mai 1996 à Balashikha, est de nationalité géorgienne, qu'il est entré en France le 10 avril 2012 selon ses déclarations et qu'il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il mentionne que l'intéressé, qui a déclaré séjourner en France de façon habituelle depuis plus de huit ans, est célibataire, sans charge de famille en France, que ses parents et son frère font également l'objet d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français et porte l'appréciation selon laquelle, eu égard aux liens personnels et familiaux en France appréciés au regard de leur intensité, leur ancienneté et leur stabilité, un refus de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, le préfet de police a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait fondant sa décision de refus de titre de séjour, et a respecté les exigences de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. En application du dixième alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les dispositions sont désormais codifiées à l'article L. 613-1 de ce code, la décision par laquelle le préfet de police a obligé M. A... à quitter le territoire français, qui vise ces dispositions, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation particulière, dès lors que la décision de refus de titre de séjour était elle-même suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
Sur la décision de refus de séjour :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est arrivé en France en 2012 à l'âge de 15 ans, accompagné de son frère et de ses parents afin de solliciter l'asile auprès des autorités françaises. M. A... a été scolarisé en filière professionnelle entre 2012 et 2017 soit pendant cinq ans. Toutefois, depuis la fin de sa scolarité en 2017, M. A... ne justifie ni de la poursuite de ses études ni d'une insertion professionnelle à la date de la décision contestée. S'il produit une attestation en date du 2 juillet 2021 émanant de la directrice d'une école privée selon laquelle il effectue à titre bénévole des travaux d'entretien et de surveillance au sein de cet établissement et un contrat de travail à durée déterminée pour un emploi d'agent polyvalent du 1er novembre 2021 au 30 novembre 2022, ces éléments, qui sont postérieurs à la décision de refus de séjour contestée, sont sans incidence sur la légalité de cette décision qui s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise. En outre, il n'est pas contesté que les parents et le frère de M. A... sont, à la date de la décision en litige, en situation irrégulière sur le territoire français. S'il ressort des pièces du dossier que le frère de M. A... a obtenu un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " le 24 septembre 2021, ce titre de séjour est postérieur à la décision contestée et est, dès lors, en tout état de cause, sans incidence sur sa légalité. Par ailleurs, M. A..., célibataire et sans charge de famille, ne justifie d'aucune attache personnelle en France. Dans ces circonstances, en refusant de lui délivrer un titre de séjour le préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis. Il suit de là que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Selon l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12 ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) ". En vertu de l'article R. 312-2 de ce code : " Le préfet (...) saisit pour avis la commission lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler l'un des titres mentionnés aux articles L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12 à l'étranger qui remplit effectivement les conditions qui président à leur délivrance. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles qu'elles visent et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions.
7. Il ressort du point 5 que M. A... ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le préfet de police n'était pas tenu de saisir pour avis la commission du titre de séjour avant de prendre la décision de refus de séjour en litige.
8. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision de refus de titre de séjour sur la situation de M. A....
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il ressort des points 3 à 8 que la décision de refus de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, M. A... ne saurait se prévaloir, par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision pour demander l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
10. En deuxième lieu, indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifié à l'article L. 611-3 du même code, des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement.
11. Le requérant soutient qu'il doit se voir attribuer un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, il ressort du point 5 que l'intéressé ne remplit pas les conditions pour obtenir un tel titre de séjour. Dans ces conditions, le préfet de police pouvait légalement prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français.
12. En troisième lieu et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle du requérant doivent être écartés.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Da Costa.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement,
- Mme Jayer, première conseillère,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2022.
La rapporteure,
V. B... Le président,
F. HO SI FAT
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA00419