Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B..., épouse C..., a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 2006064 du 8 avril 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 mai 2021, et des mémoires aux fins de production de pièces enregistrés les 24 et 29 juin 2021, Mme C..., représentée par Me Savignat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2006064 du 8 avril 2021 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2020 du préfet du Val-de-Marne ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer une carte de séjour mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision fixant le pays de renvoi ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
- il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un rapport a été établi, à destination du collège des médecins de l'OFII, dans les termes prescrits par l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure en raison du temps anormalement long qui s'est écoulé entre la communication de son dossier médical le 8 novembre 2019, l'examen de celui-ci par le collège de médecins de l'OFII le 9 mars 2020 et la date à laquelle l'administration a statué sur sa demande le 8 juillet suivant, ce qui est incompatible avec une appréciation complète et sérieuse de sa situation médicale ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier et complet de sa situation ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 6 alinéa 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et est entachée d'une erreur de fait ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 6 alinéa 5 de l'accord franco-algérien susvisé et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- sa situation médicale, l'absence de traitements équivalents et des conditions de prise en charge égales à celles dont elle dispose en France où elle doit être suivie jusqu'en 2023 au moins et de la pandémie en cours en Algérie font obstacle à son retour dans son pays d'origine.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé M. Perroy, rapporteur public désigné en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., née le 2 février 1970 à Beni-Yenni (Algérie), entrée pour la dernière fois en France le 4 janvier 2018, sous couvert d'un visa multi-entrées valable du 10 juin 2015 au 9 juin 2018, a sollicité, après l'expiration de la période de validité de son visa, la régularisation de sa situation administrative. Sa demande a été rejetée, une première fois, par un arrêté du 5 février 2019 du préfet du Val-de-Marne. Cet arrêté a été annulé par le tribunal administratif de Melun, par un jugement du 3 octobre 2019, enjoignant au préfet de procéder au réexamen de la situation de l'intéressée. Mme C... relève appel du jugement du 8 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juillet 2020 du préfet du Val-de-Marne portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'issue de ce délai.
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux demandes de certificats de résidence présentées par des ressortissants algériens : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. ". L'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise en son article 2 que " Le certificat médical, dûment renseigné et accompagné de tous les documents utiles, est transmis sans délai, par le demandeur, par tout moyen permettant d'assurer la confidentialité de son contenu, au service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'adresse a été préalablement communiquée au demandeur. " et, en son article 3 qu'" au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté. ".
3. Pour refuser de délivrer à Mme C... un titre de séjour, le préfet du Val-de-Marne a pris en compte l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), rendu le 9 mars 2020, et a relevé que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale et que le défaut de celle-ci pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que l'avis du 9 mars 2020, qui a été produit par le préfet du Val-de-Marne en première instance, a été signé par les trois médecins composant le collège au nombre desquels ne figurait pas le médecin ayant établi le rapport médical. Si Mme C... fait valoir que ce rapport ne lui a pas été transmis, elle n'établit pas ni même n'allègue en avoir fait la demande auprès de l'OFII. Par ailleurs, la circonstance que les cases relatives aux rubriques qui figurent sous l'intitulé " Au stade de l'élaboration du rapport " n'ont pas été cochées, si elle témoigne de ce que Mme C... n'a pas été convoquée par le médecin rapporteur et que celui-ci n'a pas jugé nécessaire d'ordonner un examen complémentaire ou d'inviter Mme C... à justifier de son identité, ne permet pas de remettre en cause l'existence du rapport médical soumis au collège des médecins de l'OFII. Par ailleurs, si Mme C... soutient qu'un délai trop important s'est écoulé entre la communication de son dossier médical le 8 novembre 2019, l'examen de celui-ci par le collège de médecins de l'OFII le 9 mars 2020 et la date à laquelle l'administration a statué sur sa demande le 8 juillet suivant, d'une part, ni les dispositions des articles 2 et 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 précitées, ni aucun autre texte applicable au litige, ne fixent de délai dans lequel le collège de médecins de l'OFII et par la suite, le préfet, seraient tenus respectivement de rendre cet avis et de statuer sur la demande de l'étranger concerné et, d'autre part, il n'est pas établi ni même allégué que l'intéressée aurait transmis à l'administration, avant l'édiction de la mesure contestée, la lettre de l'Institut Marie Curie du 20 avril 2020 dont elle se prévaut, qui lui proposait la réalisation d'un test génétique, ou toute autre élément concernant une évolution de son traitement à l'issue de ces tests. Par suite, les moyens tirés d'un vice de procédure et de ce que le collège de médecins de l'OFII aurait rendu son avis sans connaître la réalité de sa situation médicale et que le préfet aurait, en se fondant sur cet avis, commis un défaut d'examen particulier de sa situation, doivent être écarté.
5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que Mme C... souffre d'un cancer du sein bilatéral de stade II ayant nécessité une opération chirurgicale et des traitements par chimio- et radiothérapie post-opératoire en 2018 avec un traitement médicamenteux hormonal par tamoxifène (taxotère), qui a été remplacé en novembre 2018, suite à une nouvelle extension ganglionnaire, par des agonistes de la LH-RH et une anti-aromatase, soit, selon les derniers certificats en date du médecin oncologue qui la suit, en date du 31 octobre 2019, par de l'énantone (leuproréline acétate) et de la létrozole. L'avis de l'OFII du 9 mars 2020 indique que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de son pays d'origine elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et enfin que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Les différents certificats médicaux dont se prévaut Mme C..., établis par les oncologues qui l'ont suivi ou la suivent, et qui indiquent que les traitements qui lui ont été ou lui sont administrés, notamment le dernier en date, ne sont pas disponibles dans son pays d'origine, sans autre précision, ne sont pas suffisants pour remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'OFII et l'appréciation portée par le préfet du Val-de-Marne dans l'arrêté contesté, alors qu'il ressort de la nomenclature des médicaments en Algérie au 31 décembre 2019 et au 15 juin 2021, publiée sur internet, qu'en particulier, l'énantone et le letrozole sont effectivement disponibles dans ce pays. Si Mme C... indique que des pénuries de médicaments existent en Algérie, ni l'article du journal El Watan qu'elle produit au dossier, qui fait état de difficultés d'approvisionnement en méthotrexate et en acide folinique, ni le certificat établi le 6 mai 2021 par une pharmacienne à Alger, au demeurant postérieur à la décision attaquée, qui mentionne des pénuries régulières d'enantone et de letrozole " sans aucune solution de substitution ", ne permettent d'établir qu'à la date de la décision attaquée, Mme C... ne pouvait pas avoir effectivement accès en Algérie aux médicaments dont elle a besoin, le cas échéant en milieu hospitalier. Enfin, il ne ressort pas de pièces du dossier que les tests génétiques actuellement réalisés à l'Institut Curie présenteraient une utilité au regard de sa pathologie et du traitement nécessaire pour y remédier ni, en tout état de cause, que ces tests ne pourraient pas être réalisés en Algérie. Dans ces conditions, en refusant de délivrer à Mme C... un certificat de résident algérien, le préfet du Val-de-Marne n'a pas méconnu les stipulations de l'article 6 alinéa 7 de l'accord-franco-algérien susvisé ni entaché sa décision d'une erreur de fait.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... est arrivée en France en janvier 2018 pour y subir une opération chirurgicale dans le cadre de la pathologie évoquée, accompagnée de sa fille née en Algérie en 2013. L'intéressée se prévaut de la présence en France de nombreux membres de sa famille et belle-famille, notamment des frères et sœurs, neveux et nièces, de nationalité française ou titulaires d'un certificat de résidence algérien, et de ce que son époux, compatriote, est titulaire d'un visa de circulation lui permettant de séjourner dans l'espace Schengen pour des séjours n'excédant pas 90 jours sur une période de 180 jours valable entre octobre 2018 et octobre 2020, afin de parfaire sa formation de médecin. Elle fait également valoir la présence de sa fille, qui serait régulièrement scolarisée depuis 2018. Toutefois, son époux qui réside habituellement en Algérie, n'a pas vocation à rester sur le territoire français à l'issue de l'expiration de son visa de circulation et il n'est justifié par aucune des pièces versées au débat tant de la présence que de l'intégration par la scolarisation régulière de sa fille, âgée de sept ans à la date de la décision attaquée. Dans ces conditions, eu égard au caractère récent du séjour de Mme C..., qui ne conteste pas ne pas être dépourvue d'attaches familiales en Algérie où résident encore sa mère et deux autres de ses sœurs, et où elle a vécu la majeure partie de sa vie, le préfet du Val-de-Marne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 6 alinéa 5 de l'accord franco-algérien.
8. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7 ci-dessus, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à ses conséquences sur la situation de Mme C....
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement :
9. Si Mme C... se prévaut de sa situation médicale, de l'absence de traitements équivalents et des conditions de prise en charge égales à celles dont elle dispose en France où elle doit être suivie jusqu'en 2023 et de la pandémie en cours en Algérie, il résulte de ce qui précède que ces circonstances ne font pas obstacle à ce que l'Algérie soit fixée comme pays de renvoi.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation doivent être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., épouse C..., et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 14 décembre 2022.
La rapporteure,
C. D...La présidente,
H. VINOT
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA02544 2