Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 31 juillet 2020 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale de Paris a autorisé son licenciement.
Par un jugement n° 2016063/3-3 du 26 octobre 2021, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 31 juillet 2020 de l'inspectrice du travail.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 20 décembre 2021, 29 avril et 24 juin 2022, M. C..., représenté par Me Pouillaude, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2016063/3-3 du 26 octobre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 31 juillet 2020 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale de Paris a autorisé son licenciement ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'appartient pas au juge administratif de contrôler le bien-fondé de l'octroi d'un mandat par un syndicat, le contrôle de la régularité de sa candidature à l'élection du comité social et économique relevant de la compétence du juge judiciaire ; or, sa candidature n'a pas été contestée dans le délai imparti par l'employeur ; en tout état de cause, à la date à laquelle il a présenté sa candidature, il n'était plus directeur général de la société Cameo et a ainsi pu être régulièrement mandaté par le syndicat national de l'encadrement des professions des études et du conseil (SNEPEC) ; dans ces conditions, la décision de l'inspectrice du travail n'est pas entachée d'incompétence matérielle ;
- la décision en litige a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article R. 2421-19 du code du travail a été méconnue ; la demande de licenciement de la société Cameo ne mentionnait pas que sa fonction de directeur général le rendait responsable de l'absence de tenue des élections nécessaires à la mise en place du comité social et économique et ce point n'a pas été discuté lors de l'enquête contradictoire menée par l'inspectrice du travail ; en outre, il n'a pas été mis en mesure de répondre sur la durée de l'illégalité retenue alors que l'inspectrice du travail a considéré que celle-ci avait perduré jusqu'au mois de février 2020 ; il a ainsi été privé d'une garantie ;
- la décision est insuffisamment motivée ;
- les faits reprochés ne sont pas matériellement établis ; il a accompli des démarches pour la mise en place du comité social et économique en octobre 2019 ;
- l'organisation des élections du comité social et économique n'entrait pas dans le cadre de ses fonctions de directeur général salarié de la société Cameo et, dans ces conditions, l'absence d'organisation de ces élections professionnelles ne peut lui être imputée ; à la date de la saisine du tribunal administratif, les élections ne s'étaient toujours pas tenues, ce qui démontre que la lenteur dans la mise en œuvre du processus électoral ne lui est pas imputable ; en tout état de cause, l'absence d'organisation des élections au comité social et économique n'a pas emporté de conséquences concrètes ;
- les faits reprochés étaient prescrits à la date de la mise en œuvre des poursuites disciplinaires du 11 mars 2020 en application de l'article L.1332-4 du code du travail, ces faits ne pouvant pas être regardés comme constituant un manquement continu ;
- ils ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; en outre, il avait délégué à la directrice des ressources humaines l'organisation des élections du comité social et économique ; aucun procès-verbal d'entrave n'a été dressé par l'inspection du travail au titre du retard dans l'organisation de ces élections professionnelles ;
- le lien entre la mesure de licenciement et son mandat syndical est établi du fait, d'une part, de la concomitance de l'engagement de la procédure de licenciement avec sa mise à pied le 11 mars 2020, alors qu'il a été désigné le 10 mars 2020 comme candidat aux élections professionnelles et, d'autre part, de la circonstance que sa mise à pied a permis à la nouvelle présidence de la société de ne plus l'associer, par la suite, à un certain nombre de réunions, l'empêchant ainsi de participer au processus électoral ;
- le caractère discriminatoire de la mesure de licenciement est également établi par la circonstance que son éviction a permis d'exercer un droit d'option sur ses actions à un prix dérisoire.
Par des mémoires enregistrés les 24 février, 31 mai et 7 septembre 2022, la société Cameo, représentée par Mes Teissier et Redon, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. C... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 août 2022, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du 26 octobre 2021 du Tribunal administratif de Paris et au rejet de la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- il revenait à l'inspectrice du travail, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement concernant un salarié dont le statut protecteur était établi et non contesté par l'employeur devant l'instance judiciaire, de se considérer comme matériellement compétente et de statuer sur le bien-fondé de la demande d'autorisation de licenciement ;
- il renvoie aux moyens soulevés en première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales ;
- le décret n° 2017-1819 du 29 décembre 2017 relatif au comité social et économique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Roux, représentant M. C..., et de Me Teissier, représentant la société Cameo.
Considérant ce qui suit :
1. La société Cameo, qui exerce son activité dans le secteur du conseil pour les affaires et autres conseils de gestion, a sollicité auprès de l'inspection du travail, le 15 mai 2020, l'autorisation de licencier pour faute M. C..., fondateur et ancien président de la société, qui exerçait les fonctions de directeur général depuis le 1er août 2012. M. C... avait par ailleurs présenté sa candidature aux élections organisées pour le comité social et économique, candidature dont son employeur avait été informé par un courrier du syndicat national de l'encadrement des professions des études et des conseils (SNEPEC) du 10 mars 2020. Par une décision du 31 juillet 2020, l'inspectrice du travail de l'unité départementale de Paris a fait droit à cette demande. M. C... a saisi le Tribunal administratif de Paris, lequel, par jugement du 26 octobre 2021, a annulé la décision du 31 juillet 2020 de l'inspectrice du travail de l'unité départementale de Paris comme entachée d'incompétence matérielle au motif qu'en sa qualité de directeur général de la société Cameo, M. C... ne pouvait pas légalement se présenter en qualité de candidat aux élections du comité social et économique, qu'ainsi, il ne pouvait pas bénéficier d'une protection en qualité de salarié protégé et que, dès lors, la société Cameo n'était pas tenue de solliciter de l'inspection du travail l'autorisation de procéder à son licenciement. Par la présente requête, M. C... relève appel de ce jugement et conclut à son annulation et à celle de la décision du 31 juillet 2020 autorisant son licenciement. Le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion demande à la Cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le motif d'annulation de la décision du 31 juillet 2020 retenu par le tribunal administratif :
2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Un agissement du salarié intervenu en dehors de l'exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat.
3. Le ministre chargé du travail soutient, par la voie de l'appel incident, qu'il revenait à l'inspectrice du travail, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement concernant un salarié dont le statut protecteur était établi et non contesté par l'employeur devant l'instance judiciaire, de se considérer comme matériellement compétente et de statuer sur le bien-fondé de la demande d'autorisation de licenciement.
4. Aux termes de l'article L. 2311-2 du code du travail : " Un comité social et économique est mis en place dans les entreprises d'au moins onze salariés. Sa mise en place n'est obligatoire que si l'effectif d'au moins onze salariés est atteint pendant douze mois consécutifs. (...) ". Aux termes de l'article L. 2314-1 du même code : " Le comité social et économique comprend l'employeur et une délégation du personnel comportant un nombre de membres déterminé par décret en Conseil d'Etat compte tenu du nombre des salariés. (...) ". L'article L. 2314-19 du même code dispose : " Sont éligibles les électeurs âgés de dix-huit ans révolus, et travaillant dans l'entreprise depuis un an au moins, à l'exception des conjoint, partenaire d'un pacte civil de solidarité, concubin, ascendants, descendants, frères, sœurs et alliés au même degré de l'employeur. Les salariés travaillant à temps partiel simultanément dans plusieurs entreprises ne sont éligibles que dans l'une de ces entreprises. Ils choisissent celle dans laquelle ils font acte de candidature ".
5. L'article L. 2411-7 du code du travail dispose que : " L'autorisation de licenciement est requise pendant six mois pour le candidat, au premier ou au deuxième tour, aux fonctions de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique, à partir de la publication des candidatures. La durée de six mois court à partir de l'envoi par lettre recommandée de la candidature à l'employeur. / Cette autorisation est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l'employeur la candidature aux fonctions de membre élu à la délégation du personnel du comité social et économique a été reçue par l'employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature avant que le candidat ait été convoqué à l'entretien préalable au licenciement ". Les candidats aux élections du comité social et économique et les salariés qui ont demandé qu'il y soit procédé bénéficient, pour une durée de six mois à compter de leur candidature ou de leur demande de mise en place de l'institution du comité social et économique, des mêmes garanties de protection que celles accordées aux élus du comité social et économique dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. C... exerçait, ainsi qu'il a déjà été dit, les fonctions de directeur général au sein de la société Cameo depuis 2012. Par un courrier du 10 mars 2020, le SNEPEC a informé la société Cameo qu'elle entendait mandater M. C... pour participer aux négociations du protocole d'accord préélectoral et que celui-ci serait ensuite présenté par le SNEPEC comme candidat aux élections du comité social et économique. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, ainsi qu'il le soutient, M. C... n'occupait plus les fonctions de directeur général de la société Cameo à la date du 10 mars 2020. Si un courriel du 21 février 2020 du président de la société, titré " lettre de mission de support au président de Cameo ", a pour objet de préciser à M. C... son rôle en lui indiquant qu'il a " un rôle de support du président et du comité de direction " et qu'il est " non exécutif et sans représentation de la société ", cette évolution ne peut avoir pris effet avant cette date. Or, il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation que les dispositions citées au point 4 de l'article L. 2314-19 du code du travail, qui déterminent les personnes éligibles aux élections des comités sociaux et économiques, impliquent que " ne peuvent exercer un mandat de représentation du personnel les salariés qui, soit disposent d'une délégation écrite particulière d'autorité leur permettant d'être assimilés au chef d'entreprise, soit représentent effectivement l'employeur devant les institutions représentatives du personnel " compte tenu de l'incidence que les attributions exercées ou les fonctions occupées seraient, par elles-mêmes, de nature à avoir sur le bon fonctionnement des comités sociaux et économiques. Il s'ensuit que du fait de l'exercice par M. C... des fonctions de directeur général de la société Cameo, celui-ci ne pouvait pas exercer un mandat de représentation du personnel. Cependant, il ressort des pièces du dossier que la société Cameo, qui avait pourtant informé le SNEPEC de l'impossibilité pour M. C... de représenter les salariés, n'a pas contesté devant le tribunal d'instance la candidature de M. C... à l'élection du comité social et économique. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'inspectrice du travail de l'unité départementale de Paris a estimé que M. C... bénéficiait de la protection accordée aux candidats à l'élection du comité social et économique. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de ce que M. C... ne pouvait pas bénéficier de la protection instituée par le code du travail et que la société Cameo n'était pas tenue de demander à l'administration l'autorisation de le licencier pour annuler la décision du 31 juillet 2020 de l'inspectrice du travail.
7. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par M. C... à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 31 juillet 2020 présentées tant devant le Tribunal administratif de Paris que devant la Cour.
En ce qui concerne les moyens soulevés par M. C... à l'encontre de la décision du 31 juillet 2020 de l'inspectrice du travail :
Sur le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure contradictoire :
8. Aux termes de l'article R. 2421-19 du code du travail : " L'inspecteur du travail met à même le salarié de lui présenter ses observations écrites, et sur sa demande, des observations orales. A cette occasion, le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. Sans préjudice des dispositions précédentes, l'inspecteur du travail peut en outre procéder à une enquête contradictoire telle que définie à l'alinéa 1er de l'article R. 2421-4. / Les dispositions du troisième alinéa de l'article R. 2421-4 et celles de l'article R. 2421-5 s'appliquent ".
9. M. C... soutient que l'inspectrice du travail ne l'a pas mis à même de présenter ses observations, d'une part, sur l'étendue des attributions qui lui étaient dévolues en sa qualité de directeur général de la société Cameo alors qu'elle a accordé l'autorisation de licenciement en retenant qu'il relevait de sa responsabilité exclusive en sa qualité de directeur général de la société d'organiser les élections professionnelles et que ce dernier point n'était pas mentionné dans la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société Cameo et, d'autre part, sur la circonstance que l'absence de mise en place du comité social et économique plaçait la société dans une situation illégale depuis plusieurs années. Toutefois, il ressort des termes de la demande d'autorisation de licenciement du 15 mai 2020 que la société Cameo s'est notamment fondée sur le fait que l'intéressé n'avait pas pris l'initiative d'enclencher le processus électoral en vue de mettre en place avant le 31 décembre 2019 le comité social et économique prévu par l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales alors que cette initiative lui appartenait en tant que directeur général de la société et seul dirigeant de la société à la date du 31 décembre 2019 et que la société disposait depuis 2016 d'un effectif de plus de onze salariés. M. C... ne soutient pas ne pas avoir reçu copie de la lettre de la demande d'autorisation de licenciement de la société Cameo. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'il a été entendu par l'inspectrice du travail le 12 juin 2020 dans les locaux de la société et le 20 juillet 2020 dans les locaux de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Enfin, par un courrier du 21 juillet 2020, M. C... a également fait part de ses observations à l'inspectrice du travail. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que celle-ci aurait méconnu les dispositions de l'article R. 2421-19 du code du travail doit être écarté.
Sur le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision en litige :
10. Aux termes de l'article R. 2421-12 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée (...) ".
11. La décision en litige vise les articles L. 2411-7, L. 2421-3, R 2421-8 à R. 2421-16 du code du travail ainsi que son article L. 2311-2. Elle mentionne la qualité de salarié protégé de M. C... et retient qu'en sa qualité de directeur général, la mise en œuvre des élections professionnelles en vue de la mise en place d'un comité social et économique relevait de sa seule responsabilité, qu'aucun processus électoral n'a été engagé au sein de l'entreprise avant février 2020 en méconnaissance des obligations légales, que cette absence d'organisation des élections est établie, qu'elle est directement imputable à M. C... et qu'elle est fautive. Elle mentionne également que ce manquement, qui a persisté plusieurs années et jusqu'en février 2020, a de fait un caractère continu, qu'il a privé les salariés de la société de représentants pendant plusieurs années et a fait courir un risque juridique à la société. Elle porte l'appréciation selon laquelle ce manquement fautif est à lui seul d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de M. C.... Enfin, elle indique qu'aucun lien n'a été relevé entre la demande d'autorisation de licenciement et l'imminence de la candidature de M. C... aux élections professionnelles. Dans ces conditions, la décision en litige comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée doit être écarté.
Sur la matérialité des faits reprochés à M. C... :
12. Il ressort des dispositions de l'article L. 2311-2 du code du travail dans leur rédaction issue de l'article 1er de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, citées au point 4, qu'un comité social et économique est mis en place dans les entreprises d'au moins onze salariés et que cette mise en place n'est obligatoire que si l'effectif d'au moins onze salariés est atteint pendant douze mois consécutifs. Aux termes de l'article 9 de l'ordonnance du 22 septembre 2017 : " I. Les dispositions de la présente ordonnance, autres que celles mentionnées à l'article 8, entrent en vigueur à la date d'entrée en vigueur des décrets pris pour leur application, et au plus tard le 1er janvier 2018, sous réserve des dispositions prévues par le présent article. / II. Le comité social et économique est mis en place au terme du mandat des délégués du personnel ou des membres élus du comité d'entreprise, de la délégation unique du personnel, de l'instance regroupée mise en place par accord du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, lors du renouvellement de l'une de ces institutions, et au plus tard le 31 décembre 2019 (...) ". Le décret du 29 décembre 2017 relatif au comité social et économique, pris pour l'application de l'article 1er de l'ordonnance du 22 septembre 2017, est entré en vigueur le 1er janvier 2018, en application de son article 6, sauf en ce qui concerne les dispositions relatives à l'habilitation des experts en qualité du travail et de l'emploi, lesquelles sont sans incidence en l'espèce. Il s'ensuit que les dispositions de l'article L. 2311-2 du code du travail prévoyant la mise en place du comité social et économique étant entrées en vigueur le 1er janvier 2018, le comité social et économique de la société devait avoir été mis en place au plus tard le 31 décembre 2019 si les conditions prévues étaient réunies.
13. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que la société Cameo avait un effectif supérieur à onze salariés depuis 2016. Dans ces conditions, ainsi qu'il a déjà été dit, le comité social et économique de la société Cameo aurait dû être mis en place au plus tard le 31 décembre 2019. Or, à cette date, aucun processus électoral n'avait été engagé au sein de la société Cameo et, par suite, le comité social et économique n'était pas mis en place en méconnaissance des dispositions citées ci-dessus.
14. Il ressort de l'article 2 du contrat de travail conclu le 30 juillet 2012 entre la société Cameo et M. C... que ce dernier avait pour activité, en sa qualité de directeur général de la société Cameo, " la coordination de l'ensemble des activités opérationnelles de la société tant commerciale, administrative que pour la production ". Il résulte de ces stipulations, quand bien même elles ne le prévoient pas expressément, qu'entrent dans le champ de ses attributions en sa qualité de directeur général, garant du respect des obligations légales incombant à la société, l'organisation des élections professionnelles. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 6, que ses attributions de directeur général n'ont été restreintes, après la nomination de M. A... en qualité de président de la société Cameo Energy, qu'à compter du 21 février 2020. Or, avant cette date, M. C... s'est borné à mettre en contact un cabinet d'avocats spécialisés en droit du travail et la directrice des ressources humaines de la société Cameo en vue de la mise en place d'un calendrier prévisionnel des élections professionnelles. Dans ces conditions, alors qu'il relevait de la compétence exclusive de M. C... de veiller à l'organisation de ces élections et à la mise en place du comité social et économique au plus tard le 31 décembre 2019, le moyen tiré de ce que la matérialité des faits qui lui sont reprochés ne serait pas établie doit être écarté.
S'agissant de la prescription :
15. L'article L. 1332-4 du code du travail dispose que : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ". Ces dispositions ne font pas légalement obstacle à ce que l'autorité administrative retienne, pour apprécier la gravité des fautes reprochées, des faits dont certains se seraient produits plus de deux mois avant la demande d'autorisation de licenciement dès lors que ce comportement fautif a revêtu un caractère continu.
16. Le comité social et économique de la société Cameo, ainsi qu'il a été dit, n'était pas mis en place au 31 décembre 2019. Il ressort des pièces du dossier que le 27 février 2020, les organisations syndicales représentatives ont été invitées à une réunion de négociation du protocole d'accord préélectoral. Ainsi, les élections professionnelles n'étaient toujours pas organisées quand, par un courrier du 11 mars 2020, la société Cameo a convoqué M. C... à un entretien préalable au licenciement. Dans ces conditions, c'est à juste titre que l'inspectrice du travail a estimé que la violation de l'obligation légale de mettre en place des instances représentatives du personnel présentait un caractère continu et que ces faits fautifs n'étaient pas prescrits à la date à laquelle la société Cameo a engagé la procédure de licenciement. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 1332-4 du code du travail doit être écarté.
S'agissant de la gravité des faits reprochés à M. C... :
17. L'absence d'organisation des élections professionnelles et, par voie de conséquence, de mise en place du comité social et économique avant le 31 décembre 2019, alors que depuis l'entrée en vigueur de l'article L. 2311-2 du code du travail, la société Cameo remplissait la condition tenant au nombre de salariés prévue par ces dispositions, a privé les salariés de représentants du personnel. Eu égard à la nature et à l'importance des attributions du comité social et économique pour les salariés, et alors que la société Cameo pouvait être poursuivie pour entrave à la constitution de cet organisme sur le fondement de l'article L. 2317-1 du code du travail, c'est à juste titre que l'inspectrice du travail a estimé que le manquement reproché à M. C... était à lui seul d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.
Sur le moyen tiré du lien entre le licenciement de M. C... et sa candidature à l'élection du comité social et économique :
18. M. C... soutient que la circonstance qu'il ait fait l'objet d'une mise à pied et d'une procédure de licenciement dès le 11 mars 2020, c'est-à-dire dès le lendemain de l'annonce par le SNEPEC qu'il était mandaté pour participer aux négociations du protocole d'accord préélectoral et serait présenté comme candidat à l'élection du comité social et économique et que sa candidature ait en outre été contestée par la société Cameo auprès du syndicat, atteste du lien entre la mesure de licenciement et cette candidature. Toutefois, alors même que la procédure de licenciement a été concomitante à la présentation de sa candidature, il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société Cameo était sans lien avec l'annonce de la participation de M. C... à la négociation du protocole d'accord préélectoral et à sa candidature aux élections professionnelles.
Sur le moyen tiré d'une discrimination liée à l'exercice d'une option d'achat des actions Cameo Energy détenues par M. C... :
19. Si M. C... soutient également que le licenciement décidé par la société Cameo est un prétexte pour que la société Galiena Capital, acquéreur en 2019 de la moitié du capital de la société Cameo, procède à l'exercice d'une promesse de vente des actions de la société Cameo Energy qu'il détient à un prix limité à 2 euros pour l'ensemble de ses actions, cette circonstance, au demeurant postérieure à la date de l'autorisation de licenciement et par voie de conséquence à celle de son licenciement, est insusceptible de mettre en cause la légalité de la procédure et de la décision d'autorisation de licenciement, à supposer que puisse être établi un lien entre la volonté de le licencier et celle de conduire à une opération financière désavantageuse pour M. C..., en l'absence de toute relation entre les motifs invoqués par la société pour demander l'autorisation de licenciement, sur lesquels a porté l'appréciation de l'administration, et cette vente.
20. Il résulte des points 8 à 19 que la décision du 31 juillet 2020 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale de Paris a autorisé son licenciement n'est pas entachée d'illégalité.
21. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que M. C... et le ministre chargé du travail sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 31 juillet 2020 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé le licenciement de M. C... et, d'autre part, que les conclusions de M. C... tendant à l'annulation de la décision du 31 juillet 2020 doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C... demande au titre des frais liés à l'instance. En revanche dans, les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. C... la somme de 2 000 euros à verser à la société Cameo au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2016063/3-3 du 26 octobre 2021 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande de M. C... présentée devant le Tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : M. C... versera à la société Cameo la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à la société Cameo et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- Mme Jayer, première conseillère,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 décembre 2022.
La rapporteure,
V. D... Le président,
R. LE GOFF
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA06504 2