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30/12/2022 | FRANCE | N°22PA00809

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 30 décembre 2022, 22PA00809


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2019 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de regroupement familial présentée au bénéfice de son épouse, ainsi que la décision implicite par laquelle la même autorité a rejeté son recours gracieux réceptionné le 12 décembre 2019.

Par un jugement n° 2004305 du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requê

te enregistrée le 21 février 2021, M. B... F..., représenté par Me Le Mercier, demande à la Cour :

1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2019 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de regroupement familial présentée au bénéfice de son épouse, ainsi que la décision implicite par laquelle la même autorité a rejeté son recours gracieux réceptionné le 12 décembre 2019.

Par un jugement n° 2004305 du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 février 2021, M. B... F..., représenté par Me Le Mercier, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de police d'autoriser le regroupement familial sollicité, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que les dépens de l'instance.

Il soutient que :

- sa fille issue d'une précédente union ne doit pas être prise en compte pour le calcul de la superficie du logement dès lors qu'elle ne réside pas avec lui ;

- le préfet a méconnu l'article L. 411-4 du code des relations entre le public et l'administration dès lors qu'il disposait de son nouveau logement à la date de son recours gracieux, ce dont le préfet était informé à la date de la décision rejetant ce recours ;

- le préfet a également méconnu l'article L. 411-4 précité ainsi que la jurisprudence au regard des conditions de ressources exigées dès lors que sa rémunération dépassait le montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) à la date de son recours gracieux, ce dont le préfet était également informé à la date de la décision rejetant ce recours ;

- le préfet a méconnu l'article R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'a pas pris en compte les ressources de son épouse, dont il pouvait justifier même pour la première fois au contentieux ;

- en prenant en compte les revenus locatifs de son épouse, il disposait de revenus supérieurs au SMIC ;

- les décisions attaquées sont entachées d'un défaut d'examen de l'ensemble de sa situation personnelle ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des deux époux ;

- la décision du 11 octobre 2019 est insuffisamment motivée ;

- le préfet s'est considéré lié par les deux motifs tirés de l'insuffisance des ressources et de l'inadéquation de la superficie du logement ;

- le préfet a méconnu l'article R. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants algériens, dès lors que son épouse séjournait régulièrement en France à la date de la demande de regroupement familial ainsi qu'à la date de son mariage ; ainsi, le motif tiré de l'exclusion de la possibilité du regroupement familial sur place est entaché d'illégalité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 31 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... F..., ressortissant algérien né en 1982, entré en France en 2010 selon ses déclarations, a sollicité, le 16 octobre 2018, le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse, Mme E... C..., avec laquelle il a contracté mariage le 17 mars 2018 à Paris 12ème. Par arrêté du 11 octobre 2019, le préfet de police a rejeté cette demande. Par courrier du 8 décembre 2019, réceptionné le 12 décembre 2019 par le préfet de police, M. F... a formé un recours gracieux contre cet arrêté. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par le préfet de police sur ce recours. M. F... relève appel du jugement du 26 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien : " Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. / Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1. Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. (...) L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance ; / 2. Le demandeur ne dispose ou ne disposera à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France. / Peut être exclu de regroupement familial : (...) 2 - un membre de la famille séjournant à un autre titre ou irrégulièrement sur le territoire français. (...) ". Aux termes de l'article R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont le champ d'application inclut les ressortissants algériens et désormais codifié à l'article R. 434-4: " (...) les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période (...) ". Aux termes de l'article R. 421-4 du même code, alors en vigueur : " A l'appui de sa demande de regroupement, le ressortissant étranger (...) joint les copies des pièces énumérées aux 2° à 4° des pièces suivantes : (...) 3° Les justificatifs des ressources du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, tels que le contrat de travail dont il est titulaire ou, à défaut, une attestation d'activité de son employeur, les bulletins de paie afférents à la période des douze mois précédant le dépôt de sa demande, ainsi que le dernier avis d'imposition sur le revenu en sa possession, dès lors que sa durée de présence en France lui permet de produire un tel document, et sa dernière déclaration de revenus. La preuve des revenus non salariaux est établie par tous moyens ". L'article R. 411-5 du même code, également applicable aux ressortissants algériens et désormais codifié à l'article R. 434-5, dispose : " Pour l'application du 2° de l'article L. 411-5, est considéré comme normal un logement qui : / 1° Présente une superficie habitable totale au moins égale à : / - en zones A bis et A : 22 m² pour un ménage sans enfant ou deux personnes, augmentée de 10 m² par personne jusqu'à huit personnes et de 5 m2 par personne supplémentaire au-delà de huit personnes ; (...) ".

3. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le caractère suffisant du niveau de ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) au cours de cette même période, même s'il est toujours possible, pour le préfet, lorsque ce seuil n'est pas atteint au cours de la période considérée, de prendre une décision favorable en tenant compte de l'évolution des ressources du demandeur, y compris après le dépôt de la demande.

En ce qui concerne l'arrêté du préfet de police du 11 octobre 2019 :

4. En premier lieu, l'arrêté en litige vise, notamment, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il mentionne en outre les raisons pour lesquelles il ne peut être fait droit à la demande de regroupement familial de M. F... au bénéfice de son épouse. Ainsi, l'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

5. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas examiné l'ensemble des éléments de la situation personnelle de M. F... avant de prendre cet arrêté.

6. En troisième lieu, le préfet de police a rejeté la demande de M. F... au motif que la superficie de son logement, soit 23 m², était insuffisante pour accueillir trois personnes, les services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ayant relevé, dans le cadre de leur " enquête logement ", que le requérant avait un enfant né en 2012, déclaré " à charge " sur son avis d'imposition de l'année 2018. Si M. F... fait valoir que sa fille ne réside pas avec lui et que donc, il n'y a pas lieu de la prendre en compte dans le calcul de la superficie du logement, il ne soutient ni même n'allègue avoir renoncé à son droit de visite et d'hébergement tel qu'il résulte du jugement de divorce qu'il a produit. Par suite, c'est à bon droit que le préfet a intégré la fille de M. F... née d'une précédente union dans ce calcul et, en conséquence, lui a opposé l'absence de conformité de son logement pour refuser le regroupement familial sollicité.

7. En quatrième lieu, le préfet de police a rejeté la demande de M. F... au motif que la moyenne mensuelle de ses ressources, qui ont été appréciées au titre de la période allant du 15 octobre 2017 au 15 octobre 2018, est inférieure au SMIC mensuel brut en vigueur qui était de 1 498,47 euros au 1er janvier 2018. A cet égard, M. F... soutient que le préfet aurait dû prendre en compte les ressources de son conjoint tirées de la location d'un appartement en Algérie pour un montant de 60 000 dinars mensuels, soit, selon lui, " environ 460 euros nets ", ainsi que le prévoient les dispositions de l'article R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, d'une part, M. F... ne justifie pas, à défaut de production de relevés bancaires ou d'avis d'imposition, la réalité de ces revenus, la seule production d'un contrat de location en date du 25 juin 2018 et de quittances de loyer étant insuffisants à cet égard, alors notamment que M. F... n'a déclaré à l'OFII, lors de l'instruction de sa demande, aucun revenu en faveur de son conjoint sur la période de référence précitée. D'autre part, à supposer même justifiés par M. F... les revenus non salariaux perçus par son épouse, il ne ressort pas des pièces du dossier que le surplus de revenus du couple, qui ne concernerait au demeurant que la période allant du 1er juillet 2018 au 15 octobre 2018, serait de nature à leur permettre d'atteindre la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance sur l'ensemble de la période de référence mentionnée ci-dessus. Enfin et en tout état de cause, M. F... ayant fait état de ces revenus supplémentaires pour la première fois dans son recours gracieux en date du 8 décembre 2019, cette déclaration, postérieure à l'arrêté attaqué, est sans incidence sur sa légalité. Par suite, le préfet de police a pu légalement retenir l'insuffisance des ressources de M. F... pour refuser le regroupement familial sollicité.

8. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment pas de l'arrêté litigieux, que le préfet de police, pour refuser le regroupement familial sollicité, se serait cru lié par le fait que la superficie du logement de M. F... n'était pas conforme et que ses ressources n'étaient pas égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance.

9. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable et désormais codifié à l'article L. 434-2 : "Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins un an, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans". Aux termes de l'article L. 411-6 du même code, alors applicable et désormais codifié à l'article L. 434-6 : " Peut être exclu du regroupement familial : (...) 3° Un membre de la famille résidant en France ". Aux termes de l'article R. 411-6 de ce code, alors applicable et désormais codifié à l'article R. 434-6 : " Le bénéfice du regroupement familial ne peut être refusé à un ou plusieurs membres de la famille résidant sur le territoire français dans le cas où l'étranger qui réside régulièrement en France dans les conditions prévues aux articles R. 411-1 et R. 411-2 contracte mariage avec une personne de nationalité étrangère régulièrement autorisée à séjourner sur le territoire national sous couvert d'une carte de séjour temporaire d'une durée de validité d'un an. Le bénéfice du droit au regroupement familial est alors accordé sans recours à la procédure d'introduction. Peuvent en bénéficier le conjoint et, le cas échéant, les enfants de moins de dix-huit ans de celui-ci résidant en France, sauf si l'un des motifs de refus ou d'exclusion mentionnés aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-5 leur est opposé ".

10. La portée des stipulations de l'accord franco-algérien mentionnées au point 2 est équivalente à celle des dispositions des articles L. 411-1 à L. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, relatives au regroupement familial. Par suite, sont applicables aux ressortissants algériens les dispositions susvisées de l'article R. 411-6 de ce code aux termes desquelles le bénéfice du regroupement familial ne peut être refusé à un ou plusieurs membres de la famille résidant sur le territoire français dans le cas où l'étranger qui réside régulièrement en France dans les conditions prévues aux articles R. 411-1 et R. 411-2 contracte mariage avec une personne de nationalité étrangère régulièrement autorisée à séjourner sur le territoire national sous couvert d'une carte de séjour temporaire d'une durée de validité d'un an.

11. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions et stipulations que lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, le préfet est en droit de rejeter la demande dans le cas où l'intéressé ne justifierait pas remplir l'une ou l'autre des conditions légalement requises, notamment en cas de présence illégale sur le territoire français du membre de la famille bénéficiaire de la demande. Il dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu par ces dispositions et stipulations, notamment dans le cas où il est porté une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale tel qu'il est protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Il ressort des pièces du dossier que, d'une part, l'épouse de M. F... a séjourné sur le territoire français sous couvert d'un visa de court séjour à entrées multiples valable du 2 août 2017 au 1er août 2019, puis s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français à l'expiration de la durée de validité de son visa. Mme C... n'était donc pas régulièrement autorisée à séjourner sur le territoire national sous couvert d'une carte de séjour temporaire d'une durée de validité d'un an. Par suite, M. F... ne peut se prévaloir des dispositions de l'article R. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant de dispenser de la procédure d'introduction l'épouse algérienne, en situation régulière, d'un algérien. D'autre part, pour opposer un refus à la demande présentée par M. F..., le préfet de police a pris en compte, comme il pouvait légalement le faire en application de l'article 4 de l'accord franco-algérien et de l'article L. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le caractère irrégulier de la présence en France de son épouse.

13. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

14. M. F... fait valoir que du fait de l'arrêté portant refus d'admission au séjour de son épouse au titre du regroupement familial, il se trouve privé de la possibilité de vivre avec elle en France alors qu'elle est enceinte. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, M. F... ne pouvait se prévaloir d'une vie familiale inscrite dans la durée avec Mme C..., dont la dernière entrée en France, le 9 septembre 2018 ainsi qu'il résulte de l'examen de son passeport, était très récente. Dans ces conditions, eu égard au caractère récent de la vie familiale de M. F... en France et de son mariage, il n'établit pas que l'arrêté attaqué aurait porté à son droit de mener une vie familiale normale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. En conséquence, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni entaché l'arrêté litigieux d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.

En ce qui concerne la décision implicite de rejet du recours gracieux :

15. Aux termes de l'article L. 411-4 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration se prononce sur le recours formé à l'encontre d'une décision créatrice de droits sur le fondement de la situation de fait et de droit prévalant à la date de cette décision. En cas de recours formé contre une décision non créatrice de droits, elle se fonde sur la situation de fait et de droit prévalant à la date à laquelle elle statue sur le recours. ".

16. Il ressort des pièces produites au dossier par M. F... que par avenant du 21 novembre 2019, élément porté à la connaissance du préfet de police dans le cadre du recours gracieux présenté le 12 décembre 2019, sa rémunération mensuelle brute a été fixée à 1 732,94 euros, soit un montant supérieur au seuil de référence précité de 1 498,47 euros, devenu 1 521,22 euros au 1er janvier 2019. Par ce même recours, le requérant a également informé le préfet des revenus locatifs de son conjoint perçus au titre de la période de référence. Enfin, M. F... a également porté à la connaissance du préfet qu'il avait signé, le 1er décembre 2019, un contrat de location d'un appartement de 37 m², répondant aux conditions d'accueil d'une famille de trois personnes. M. F... soutient que le préfet n'a pas tenu compte de ces éléments nouveaux contenus dans son recours gracieux, en méconnaissance des dispositions susvisées de l'article L. 411-4 du code des relations entre le public et l'administration. Or le préfet de police, qui a soutenu en défense de première instance qu'il ne lui appartenait pas d'étudier les pièces nouvelles produites par le requérant postérieurement à sa décision initiale du 11 octobre 2019, n'établit pas davantage en appel qu'il se serait fondé, pour opposer au recours de M. F... une décision implicite de rejet, sur les éléments de fait et de droit nouveaux contenus dans ce recours. Dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir que le préfet, faute d'avoir pris en considération la situation de fait et de droit prévalant à la date à laquelle il a statué sur son recours gracieux et, ainsi, d'avoir examiné la possibilité, toujours ouverte à l'administration, de prendre une décision favorable compte tenu de l'évolution de sa situation, a méconnu ces dispositions et entaché d'illégalité la décision implicite de rejet attaquée.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... est seulement fondé à demander l'annulation de la décision rendue sur recours gracieux reçu le 12 décembre 2019 par le préfet de police.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

18. Eu égard au motif d'annulation retenu ci-dessus, le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans la situation de l'intéressé, que le préfet de police procède au réexamen du recours de M. F.... Il y a lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de police d'y procéder, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

19. Il ressort des pièces du dossier que M. F... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui doit être regardé comme la partie perdante dans la présente instance, le versement à Me Le Mercier de la somme de 1 000 euros, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

D E C I D E :

Article 1er : La décision implicite rejetant le recours gracieux formé le 12 décembre 2019 par M. B... F... contre la décision du 11 octobre 2019 par laquelle le préfet de police a refusé le bénéfice du regroupement familial en faveur de son épouse est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer, sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit, le recours de M. F... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Le Mercier, avocat de M. F..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Le Mercier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente,

- M. D'Haëm, président-assesseur,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

Le rapporteur,

P. C...

La présidente,

M. A...

La greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA00809 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00809
Date de la décision : 30/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: Mme SAINT-MACARY
Avocat(s) : LE MERCIER

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-30;22pa00809 ?
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