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17/01/2023 | FRANCE | N°21PA02658

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 17 janvier 2023, 21PA02658


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de la décision du 30 août 2019 par laquelle le directeur du centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) a refusé de la réadmettre en résidence universitaire pour l'année scolaire 2019- 2020.

Par un jugement n°1920630/1-1 du 17 mars 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire, enregi

strée le 16 mai 2021, un mémoire ampliatif, enregistré le 17 juillet 2021 et un mémoire en rép...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de la décision du 30 août 2019 par laquelle le directeur du centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) a refusé de la réadmettre en résidence universitaire pour l'année scolaire 2019- 2020.

Par un jugement n°1920630/1-1 du 17 mars 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire, enregistrée le 16 mai 2021, un mémoire ampliatif, enregistré le 17 juillet 2021 et un mémoire en réplique, enregistré le 13 avril 2022, Mme C..., représentée par Me Lebrun, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 mars 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision mentionnée ci-dessus du 30 août 2019 ;

3°) d'enjoindre au CROUS à titre principal de la réadmettre en résidence universitaire et à titre subsidiaire de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge du CROUS la somme de 2 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, d'une part, car il n'est pas signé, d'autre part car il est entaché d'insuffisance de motivation ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- le principe du contradictoire a été méconnu ;

- les faits ne sont pas établis ;

-la sanction de non réadmission en résidence universitaire, qui est la troisième sur l'échelle des sanctions, est disproportionnée ;

- le directeur du CROUS a violé le principe d'égalité de traitement entre les résidents ;

- le directeur du CROUS a méconnu l'étendue de sa compétence, commis une erreur de droit et également un détournement de pouvoir ;

- le principe " non bis in idem " a été méconnu.

Par un mémoire, enregistré le 27 juillet 2021, le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche informe la Cour que le CROUS est seul compétent pour produire un mémoire en défense dans ce litige.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2022, le CROUS de Paris, représenté par Me Moreau, conclut au rejet de la requête et demande en outre qu'une somme de

2 000 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... sont infondés.

Par une ordonnance du 14 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au

14 avril 2022 à 12 heures.

Par une décision du 9 juin 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme C....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le règlement intérieur des résidences universitaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

-et les observations de Me Maskharachvili pour le centre régional des œuvres universitaires et scolaires de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., étudiante titulaire d'une bourse attribuée sur critères sociaux, a occupé un logement dans la résidence universitaire (PSEUDO)Forest Cavallotti (PSEUDO)depuis la rentrée universitaire 2015. Toutefois, à compter de septembre 2018, Mme C... a fait l'objet de mises en garde de la part des services administratifs de cette résidence, lui reprochant le non-respect de l'article 5 du règlement intérieur au motif qu'elle hébergeait des membres de sa famille dans son logement. Le centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Paris n'a pas mis fin au droit d'occupation de son logement en cours d'année 2018/2019,

Mme C... en ayant conservé le bénéfice jusqu'au 30 août 2019, mais, par une décision du

4 juillet 2019, le directeur du CROUS a refusé de la réadmettre pour l'année universitaire 2019/2020, confirmant une décision des services administratifs du CROUS du

30 avril 2019. Cette décision ayant été suspendue par le tribunal administratif de Paris le

16 juillet 2019 et la requérante s'étant désistée de son recours au fond, le 20 août 2019

Mme C... a été invitée à produire ses observations écrites. Par une décision du

30 août 2019, le CROUS de Paris a adopté une nouvelle décision de refus de la réadmettre pour l'année universitaire 2019/2020, décision dont la demande de suspension a été rejetée par le Tribunal administratif de Paris. Mme C... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de cette décision du 30 août 2019. Par

un jugement du 17 mars 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Mme C... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, Mme C... soutient que le jugement attaqué est irrégulier car il n'est pas signé. Toutefois, la minute du jugement est dûment signée, étant précisé que la copie de ce jugement transmise à la requérante ne devait pas obligatoirement être signée. Ce moyen doit donc être écarté comme manquant en fait.

3. En second lieu, les premiers juges ont répondu de façon circonstanciée à l'ensemble des moyens soulevés par Mme C.... Le tribunal a ainsi satisfait à l'obligation de motivation des jugements posée par l'article L. 9 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article 5 du règlement intérieur des résidences universitaires du CROUS de Paris : " Le droit d'occupation est strictement personnel et incessible [...]. Si le CROUS venait à constater des manquements permettant de déceler une situation de sous-location ou d'hébergement clandestin (présence de matelas supplémentaires, présence d'autres occupants inconnus du CROUS, (...),) l'occupant pourra être convoqué afin qu'il puisse formuler ses observations. Cet entretien permettra potentiellement d'infirmer ou de confirmer les soupçons émis [...] ". Aux termes de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'administration n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique. ". Au nombre des décisions mentionnées à l'article L. 211-2 figurent " les décisions qui (...) infligent une sanction ". Aux termes de l'article 18 du même règlement intérieur : " Tout manquement au présent règlement intérieur est susceptible d'entraîner, en tenant compte de la gravité du manquement et/ou de sa réitération, les sanctions graduées suivantes : (...) Non réadmission par la direction générale du CROUS ".

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 2° Infligent une sanction. (...) ". En vertu de l'article L. 211-5 du même code, la motivation doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision.

6. La décision attaquée vise les textes applicables du code de l'éducation, mentionne le règlement intérieur des résidences universitaires et cite l'article 5 de ce règlement dont le non-respect est reproché à la requérante. Par suite la décision attaquée, qui cite les textes dont il est fait application, est suffisamment motivée en droit. Par ailleurs, elle mentionne qu'il a été porté à la connaissance du directeur du CROUS que la requérante hébergeait certains membres de sa famille au sein de son logement et qu'elle avait elle-même mentionné leurs noms sur sa boîte aux lettres ; elle est donc également suffisamment motivée en fait. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la gestionnaire de la résidence universitaire, après avoir envoyé, le 4 octobre 2018, un courrier d'avertissement à la requérante lui signalant qu'elle contrevenait aux articles 3 et 5 du règlement intérieur, ce qui pouvait impliquer une sanction, a reçu en entretien Mme C... le 9 octobre 2018 pour évoquer sa situation, mais que celle-ci a nié catégoriquement les faits, soit la présence de membres de sa famille dans sa chambre de résidence universitaire. La requérante a, dès lors, bénéficié d'un entretien oral et préalable à la décision de sanction du 4 juillet 2019, au demeurant suspendue par le tribunal mais qui n'a pas été annulée et cet entretien lui reprochait les mêmes faits que ceux qui lui ont été reprochés préalablement à la sanction du 30 août 2019, laquelle était fondée sur les mêmes motifs juridiques. Par suite, la requérante, qui a présenté ses observations orales et ses observations écrites préalablement à la sanction, n'est pas fondée à soutenir que cette sanction est intervenue sans qu'elle ait été mise à même de présenter ses observations orales et que cette décision serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière.

8. En troisième lieu, Mme C... soutient que les faits reprochés seraient matériellement inexacts. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment des courriels et des témoignages de la directrice de la résidence universitaire et de son collaborateur, logé sur place pour des raisons de service, que la requérante vivait depuis la rentrée scolaire dans son logement type T 1 de 19 mètres carrés en présence de sa mère et d'une de ses sœurs, et que cette cohabitation engendrait des bruits et des cris stridents contraires à ses obligations d'occupation tranquille de son logement et de non hébergement d'autrui. L'employé du CROUS,

M. D..., qui vivait à proximité immédiate du logement de la requérante a produit une attestation en juillet 2019 en ce sens, attestant de troubles qui perduraient depuis plusieurs mois, et la mère de la requérante, qui a nié résider sur place, a néanmoins reconnu elle-même y cuisiner après interrogation de la directrice qui l'a croisée à plusieurs reprises dans la résidence.

Mme C... a expliqué à la directrice que sa mère et ses trois frères et sœurs avaient été expulsés de leur domicile parisien et se trouvaient en situation précaire. Si la requérante fait valoir que sa famille a obtenu un hébergement d'urgence en Seine-Saint-Denis, puis dans l'Oise et enfin de manière plus stable en janvier 2019 en Seine-et-Marne, cette solution d'hébergement n'a pas en l'occurrence fait cesser les faits reprochés. Dans ces circonstances, les attestations fournies par deux étudiants, amis de la requérante, n'étaient pas en l'espèce suffisantes pour remettre en cause la matérialité des faits qui résulte d'un ensemble d'éléments précis et concordants. Par suite, la matérialité des faits doit être regardée comme établie.

9. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'en hébergeant sa famille dans son logement, soit au moins deux personnes, la requérante a perturbé la tranquillité des lieux et les études des occupants par du bruit inévitable en cas de suroccupation et d'usage de ces lieux par des non étudiants, et contrevenu durablement au règlement intérieur. Elle a en outre refusé, à la suite de la convocation de la directrice de la résidence, de s'en expliquer en se bornant à dénier les faits qui ont perduré, ce qui a conduit la directrice de la résidence à envisager une sanction adaptée à ce comportement. Par suite, le directeur du CROUS, qui " avait temporisé " en n'expulsant pas Mme C... en cours d'année universitaire pour tenir compte de la situation précaire de sa famille, n'a pas adopté une sanction disproportionnée aux faits reprochés.

10. En cinquième lieu, si la requérante reproche à la direction du CROUS la violation du principe d'égalité de traitement entre résidents, elle ne l'établit pas par le simple fait que des occupants auraient obtenu du CROUS le droit de mentionner le nom d'une autre personne sur leur boite aux lettres.

11. En sixième lieu, la requérante invoque la violation du principe " non bis in idem " au motif que le CROUS lui a infligé un avertissement et l'a convoquée pour un entretien et qu'il l'a, par la suite, sanctionnée par une non-réadmission en résidence universitaire. Toutefois, la directrice de la résidence devait préalablement à l'adoption d'une sanction plus grave lui adresser un avertissement et pouvait, postérieurement, examiner si les faits perduraient et si la requérante y mettait fin. Ce n'est qu'en l'absence de modification de son comportement que le CROUS a adopté une sanction plus forte, proportionnée à la persistance des faits, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges. Par suite la requérante ne peut utilement invoquer la violation de ce principe.

12. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur du CROUS, qui agissait dans le cadre de sa mission de service public, aurait méconnu l'étendue de sa compétence ou entaché sa décision d'erreur de droit ou de détournement de pouvoir en la justifiant de manière surabondante par la circonstance qu'il ne pouvait laissait perdurer cette situation sous peine de risquer de voir s'étendre les occupations illégales de logement du CROUS, compromettant sa mission de service public.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées, ainsi que celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

14. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le CROUS au titre de ce dernier article.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du Centre régional des œuvres universitaires et scolaires au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au Centre régional des œuvres universitaires et scolaires.

Délibéré après l'audience du 3 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 janvier 2023.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

T. CELERIER

La greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherché en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA02658


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02658
Date de la décision : 17/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : LEBRUN

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-01-17;21pa02658 ?
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