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14/02/2023 | FRANCE | N°21PA03833

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 14 février 2023, 21PA03833


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) BMVirolle a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 22 novembre 2018 du ministre de l'économie et des comptes publics, en tant qu'elle ne fait que partiellement droit à sa demande de remise gracieuse de la majoration de 10 % pour retard de paiement appliquée à la sanction pécuniaire qui lui a été infligée le 15 décembre 2015 par l'Autorité de la concurrence, d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'action

et des comptes publics sur le recours gracieux qu'elle a formé le 5 février 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) BMVirolle a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 22 novembre 2018 du ministre de l'économie et des comptes publics, en tant qu'elle ne fait que partiellement droit à sa demande de remise gracieuse de la majoration de 10 % pour retard de paiement appliquée à la sanction pécuniaire qui lui a été infligée le 15 décembre 2015 par l'Autorité de la concurrence, d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'action et des comptes publics sur le recours gracieux qu'elle a formé le 5 février 2019 à l'encontre de la décision du 22 novembre 2018, ainsi que le refus implicite du ministre de lui communiquer les motifs de cette décision, et de la décharger de la somme de 100 000 euros maintenue à sa charge par la décision du 22 novembre 2018.

Par un jugement n° 1912060/2-1 du 1er juin 2021, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 22 novembre 2018 du ministre de l'économie et des comptes publics en tant qu'elle maintient à la charge de la société BMVirolle une somme de 100 000 euros, ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre sur le recours gracieux présenté par la société BMVirolle le 5 février 2018 et prononcé la décharge de la somme de 100 000 euros mise à la charge de la société BMVirolle par la décision du 22 novembre 2018.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 juillet 2021 et le 13 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1912060/2-1 du 1er juin 2021 du Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- le Tribunal a entaché son jugement d'irrégularité en écartant l'exception de non-lieu qu'il avait soulevée ;

- le Tribunal a entaché son jugement d'insuffisance de motivation en s'abstenant de répondre à l'argument tiré de ce que le signataire du courrier du 5 avril 2016 n'avait pas compétence pour prononcer une remise gracieuse supérieure à 100 000 euros ;

- le courrier du 5 avril 2016 n'emportait pas remise gracieuse de la majoration de 10 % et la décision attaquée ne retirait donc pas un acte créateur de droits.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 juillet et 9 novembre 2022, la SA BMVirolle conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 12 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Breillon, rapporteure publique,

- et les observations de Me Jovanovic, avocate de la société BMVirolle.

Une note en délibéré présentée pour la société BMVirolle a été enregistrée le 31 janvier 2023.

Considérant ce qui suit :

1. La SA BMVirolle exerce son activité dans le secteur de la messagerie et du fret

express. Par décision du 15 décembre 2015, l'Autorité de la Concurrence a prononcé une

sanction de 4 938 000 euros à son encontre à raison de pratiques anticoncurrentielles. La société ayant demandé un échelonnement du paiement réclamé par un titre de perception du 3 février 2016, le directeur des créances spéciales du Trésor a, par un courrier du 5 avril 2016, donné son accord à un échéancier proposé par la société, prévoyant un règlement de 1 000 000 euros à l'échéance fixée par le titre de perception au 15 avril 2016, suivi de treize règlements mensuels successifs de 281 285 euros chacun au quinze de chaque mois et d'un dernier versement de 281 295 euros au 15 juin 2017. Par un courrier du 20 juillet 2017, le service, constatant que l'échéancier avait été respecté jusqu'à son terme, a indiqué à la société que la majoration de 10 % pour retard de paiement, prévue par le B du III de l'article 55 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010, serait appliquée aux sommes versées après la date limite de paiement fixée au 15 avril 2016, soit une majoration de 393 800 euros. La société BMVirolle ayant contesté cette décision par un courrier du 2 août 2017, le ministre lui a accordé, par décision du 22 novembre 2018, une remise gracieuse de la majoration pour paiement tardif à hauteur de 293 800 euros, sous réserve que la somme de 100 000 euros maintenue à sa charge soit réglée avant le 30 novembre 2019. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance fait appel du jugement du 1er juin 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 22 novembre 2018 en tant qu'elle maintient à la charge de la société BMVirolle une somme de 100 000 euros, ainsi que la décision implicite de rejet sur son recours gracieux présenté le 5 février 2018, et a prononcé la décharge de la somme de 100 000 euros.

Sur le moyen retenu par le Tribunal administratif de Paris :

2. Il résulte de l'instruction que, par le courrier du 5 avril 2016, par lequel le directeur des créances spéciales du Trésor a donné son accord à l'échéancier proposé par la société pour régler l'amende infligée par l'Autorité de la concurrence, il était écrit à la société : " J'appelle votre attention sur le fait que la majoration de 10 %, qui est automatiquement liquidée sur le montant non réglé à l'échéance, ne sera pas mise en recouvrement tant que cet échéancier sera respecté ". Si la société intimée soutient que, ainsi, le directeur des créances spéciales du Trésor lui a accordé une remise gracieuse de la majoration de 10 % conditionnée à son respect de l'échéancier, l'existence d'une telle décision ne résulte pas de l'instruction, dès lors que le directeur, qui ne statuait pas sur une demande de remise gracieuse, et n'a pas indiqué accorder une telle remise, se prononçait seulement sur l'échéancier pour solde de tout compte à une date, antérieure à l'échéance du paiement, où la majoration n'était pas encore due, et se bornait au surplus à appeler l'attention de la société sur la perspective de cette majoration, qui serait nécessairement liquidée sur le montant non réglé le 15 avril 2016, en annonçant que son recouvrement ne serait néanmoins pas effectué tant que l'échéancier serait respecté, impliquant donc nécessairement qu'il serait, sauf défaut de paiement, reporté à son terme. Par suite, la décision attaquée du 22 novembre 2018 ne retirait pas un acte créateur de droits et ne pouvait être annulée pour ce motif, la majoration ne pouvant pas plus être déchargée par voie de conséquence.

3. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a retenu le moyen tiré de ce que la décision du 22 novembre 2018 avait illégalement retiré un acte créateur de droit pour annuler cette décision en tant qu'elle maintient à la charge de la société BMVirolle une somme de 100 000 euros, ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé par cette autorité sur le recours gracieux présenté par la société BMVirolle le 5 février 2018, et pour décharger la société BMVirolle de la somme de 100 000 euros mise à sa charge par la décision du 22 novembre 2018.

4. Il appartient toutefois à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société BMVirolle devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour.

Sur les autres moyens soulevés en première instance et devant la Cour par la société :

En ce qui concerne l'exception de non-lieu à statuer :

5. Dans son mémoire en défense enregistré le 5 février 2020 au greffe du Tribunal administratif de Paris, le ministre fait valoir qu'il a " annulé " la décision contestée du 22 novembre 2018. Toutefois, un tel retrait de la décision attaquée ne ressort pas des pièces du dossier. Par ailleurs, la seule circonstance que la société ne se soit pas acquittée, au terme du délai qui lui était imparti par la décision du 22 novembre 2018, de la somme de 100 000 euros mise à sa charge par l'administration n'a pas eu pour effet, contrairement à ce que soutient le ministre, de rendre " caduque " cette décision et de la faire ainsi disparaître de l'ordonnancement juridique. Par suite, l'exception de non-lieu à statuer opposée en défense devant le Tribunal administratif de Paris doit être écartée.

En ce qui concerne les conclusions à fins d'annulation :

6. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent.

A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; (...). " Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. "

7. En premier lieu, d'une part, il ressort du point 2 du présent arrêt que la décision du 22 novembre 2018 n'est pas constitutive d'une décision qui retire ou abroge une décision créatrice de droits et n'a donc pas à être motivée en application des dispositions précitées du 4° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. D'autre part, les décisions rendues par l'administration sur les demandes de remise gracieuse n'entrent dans aucune des catégories d'actes administratifs qui doivent être motivés. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision du 22 novembre 2018 est insuffisamment motivée doit être écarté comme inopérant.

8. En second lieu, dès lors que la décision du 22 novembre 2018 ne devait pas être motivée en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, le moyen tiré de ce que cette décision n'a irrégulièrement pas été soumise au respect d'une procédure contradictoire préalable en méconnaissance de l'article L. 122-1 du même code ne peut qu'être écarté comme inopérant.

9. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que la demande présentée par la société BMVirolle devant le Tribunal administratif de Paris doit être rejetée.

Sur les frais liés à l'instance :

10. L'Etat n'étant pas la partie perdante à l'instance, les conclusions de la société BMVirolle présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1912060/2-1 du 1er juin 2021 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société BMVirolle devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société BMVirolle sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société BMVirolle.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président,

- M. Segretain, premier conseiller,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2023.

Le rapporteur,

A. A...Le président,

C. JARDINLa greffière,

L. CHANA

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA03833 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03833
Date de la décision : 14/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Alexandre SEGRETAIN
Rapporteur public ?: Mme BREILLON
Avocat(s) : SELAS OSBORNE CLARKE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-02-14;21pa03833 ?
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