Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels d'impôt sur le revenu et de prélèvement sociaux mis à sa charge au titre de l'année 2010.
Par un jugement n° 2005930/2-2 du 21 février 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 22 avril 2022, régularisée le 3 mai 2022, M. C..., représenté par Me François Morazin, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 21 février 2022 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration fiscale aurait dû fonder ses rectifications sur les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales et non sur celles de l'article L. 55 du même livre dès lors qu'elle a implicitement mais nécessairement suivi la procédure de l'abus de droit en requalifiant les opérations réalisées en une opération unique ;
- il ne peut être valablement soutenu que les opérations de rachat des titres et du remboursement du compte courant constituent une même opération ;
- le tribunal a commis une erreur en considérant que les capitaux propres de la SCI s'élevaient à la date de la cession à 2 284 694 euros, le report à nouveau ayant été affecté aux comptes courant d'associés ;
- le manquement délibéré n'est pas établi.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 5 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 28 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Prévot, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C... a cédé les parts qu'il détenait au capital de la société civile immobilière Nanterre La Garenne le 16 décembre 2010, après les avoir acquises le 7 juillet 2005. L'administration fiscale a mis à sa charge, du chef de la plus-value ainsi réalisée, un impôt sur le revenu au titre de l'année 2010 d'un montant de 203 069 euros et des prélèvements sociaux d'un montant de 153 571 euros. M. C... relève appel du jugement du 21 février 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.
Sur la régularité et le bien-fondé de l'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 56, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code général des impôts ou de l'article L. 2333-55-2 du code général des collectivités territoriales, les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A. / Cette procédure s'applique également lorsque l'administration effectue la reconstitution du montant déclaré du bénéfice industriel ou commercial, du bénéfice non commercial, du bénéfice agricole ou du chiffre d'affaires déterminé selon un mode réel d'imposition ". Aux termes de l'article L. 64 du même livre : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification. (...) ".
3. Aux termes de l'article 150 U du code général des impôts dans sa version alors en vigueur : " I.- Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices agricoles et aux bénéfices non commerciaux, les plus-values réalisées par les personnes physiques ou les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH. / Ces dispositions s'appliquent, sous réserve de celles prévues au 3° du I de l'article 35, aux plus-values réalisées lors de la cession d'un terrain divisé en lots destinés à être construits ". Aux termes de l'article 150 VA du même code : " I. - Le prix de cession à retenir est le prix réel tel qu'il est stipulé dans l'acte. Lorsqu'une dissimulation de prix est établie, le prix porté dans l'acte doit être majoré du montant de cette dissimulation. / Lorsqu'un bien est cédé contre une rente viagère, le prix de cession retenu pour ce bien est la valeur en capital de la rente, à l'exclusion des intérêts. / II. - Le prix de cession est majoré de toutes les charges et indemnités mentionnées au deuxième alinéa du I de l'article 683. Les indemnités d'assurance consécutives à un sinistre partiel ou total d'un immeuble ne sont pas prises en compte. / III. - Le prix de cession est réduit, sur justificatifs, du montant de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée et des frais, définis par décret, supportés par le vendeur à l'occasion de cette cession ".
4. Il résulte de l'instruction que si M. C... a estimé que le prix de cession de ses parts dans la société civile immobilière Nanterre La Garenne s'élevait à 490 euros, la valeur réelle de la participation de M. C... à la date de la cession, déterminée à partir du montant de l'actif réel et des engagements à l'égard des tiers, s'élevait à la somme de 1 119 500 euros. Cette somme correspond exactement à la part de M. C... dans le résultat de l'exercice clos en 2010 et dans le report à nouveau créditeur, dont le montant a été porté sur son compte courant, auparavant débiteur, en application du procès-verbal d'assemblée générale du 16 décembre 2010. Il suit de là que l'administration était fondée à constater que la plus-value effectivement réalisée par M. C... se devait de prendre en compte, pour la détermination du prix de cession, les sommes portées au moment de la cession sur son compte courant, sans autre motif que d'affecter à l'intéressé, à hauteur de sa participation, la valeur de la société, le prix d'acquisition étant, pour sa part déterminé à partir de la valeur d'acquisition unitaire de 1 euros corrigée, s'agissant de parts d'une société de personnes dont les résultats sont taxables selon le régime prévu à l'article 8 du code général des impôts, des effets de l'imputation sur les résultats de l'associé des bénéfices et des pertes de la société, de leur répartition et de leur comblement. Ce faisant, l'administration s'est bornée à déterminer, en application des dispositions précitées la valeur réelle de la plus-value réalisée, et n'a pas écarté un acte au motif qu'il était constitutif d'un abus de droit au sens des dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. Dès lors, M. C... ne saurait valablement soutenir que l'administration aurait implicitement mis en œuvre la procédure de répression des abus de droit en considérant que les opérations de rachat des titres et du remboursement du compte courant constituaient une même opération. Il n'est pas fondé, pour le même motif, à contester le montant de la plus-value ainsi déterminée.
Sur les pénalités :
5. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
6. M. C... n'a pas indiqué sur sa déclaration de l'année 2010 la plus-value effective de cession qu'il a réalisée en cédant la totalité de ses parts au capital de la société civile immobilière Nanterre La Garenne, alors qu'il ne pouvait, contrairement à ce qu'il soutient, au regard de son rôle d'associé et d'actionnaire au sein de cette SCI, et au montant des sommes mises à sa disposition, ignorer la valeur réelle de ses parts, ni leur caractère imposable, quelle que soit, au demeurant, sa spécialisation contentieuse en qualité d'avocat. Le caractère conflictuel des conditions du départ de M. C..., le fait qu'il aurait été contraint de céder ses parts, et la circonstance que ces parts auraient été sous-évaluées ne sont pas de nature à remettre en cause les constatations qui précèdent. Par suite, l'administration rapporte sur ce point la preuve d'un manquement délibéré justifiant l'application de la pénalité de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement d'une somme, au demeurant non précisée par le requérant, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 15 février 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Magnard, premier conseiller,
- M. Segretain, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er mars 2023.
Le rapporteur,
F. A...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA01854