Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) US Cars Technologie a demandé au tribunal administratif de Melun de lui accorder la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 et des amendes fiscales mises à sa charge.
Par un jugement n° 1705046 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 31 juillet 2021, la société US Cars Technologie, représentée par Me Dugas, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1705046 du 1er juillet 2021 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors qu'elle n'a pas pu bénéficier d'un débat oral et contradictoire ;
- l'administration n'apporte pas la preuve de l'absence de matérialité des prestations correspondant aux factures qu'elle a écartées à tort comme irrégulières ;
- l'amende pour défaut d'auto-liquidation de TVA est disproportionnée au regard des conséquences financières qu'elle subit ;
- l'amende pour défaut de souscription de déclarations d'échanges de biens n'est pas fondée, les déclarations ayant été régularisées ;
- la pénalité de 40 % est dénuée de tout fondement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la société US Cars Technologie n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... ;
- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société US Cars Technologie, qui exerce une activité de vente de véhicules automobiles, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, à l'issue de laquelle elle a été rendue destinataire, les 23 décembre 2014 et 31 juillet 2015, de deux propositions de rectification par lesquelles l'administration fiscale a mis à sa charge, notamment, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités. La société US Cars Technologie relève appel du jugement du 1er juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande de décharge de ces impositions.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une société commerciale a été effectuée, comme il est de règle, dans ses propres locaux, ou, si son dirigeant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.
3. Il résulte de l'instruction, et en particulier des mentions non contestées des propositions de rectification adressées à la société US Cars Technologie, que les opérations de contrôle se sont déroulées dans ses propres locaux. L'intervention introductive, initialement prévue le 21 juillet 2014, a finalement eu lieu le 29 juillet 2014, à la demande de M. A..., gérant et associé, en présence de celui-ci et de M. B..., associé. Des réunions de synthèse se sont tenues le 2 décembre 2014 au titre de l'année 2011 et le 30 juin 2015 au titre des années 2012 et 2013. En se bornant à faire valoir qu'il n'y a eu qu'une seule intervention avant la tenue des réunions de synthèse, la société US Cars Technologie n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, qu'elle n'aurait pas eu la possibilité d'un débat contradictoire sur les constatations opérées et les redressements envisagés. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
4. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. - 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable (...) ". L'article 269-2 du code précise que : " La taxe est exigible / (...) c. pour les prestations de service (...) lors de l'encaissement des acomptes du prix, de la rémunération, ou, sur option du redevable, d'après les débits ". Aux termes de l'article 272 du même code : " (...) 2. La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture. (...) ". Aux termes de l'article 283 du même code : " (...) 4. Lorsque la facture ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée (...) ".
5. En vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations, la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de service. Dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance et que le contribuable le savait ou ne pouvait l'ignorer. Si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération, sans qu'il puisse être exigé de lui des vérifications qui ne lui incombent pas.
6. Au titre de l'année 2011, la société Eco Cars Technologie, dont l'un des associés est le gérant de la société requérante, a facturé à cette dernière des prestations de services d'homologation, lavage et stockage de véhicules pour un montant mensuel toute taxe comprise de 11 960 euros. Pour démontrer que ces prestations n'ont pas été effectivement réalisées et remettre en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée portée sur ces factures, le service a relevé, dans la proposition de rectification du 23 décembre 2014, que le gérant associé de la société US Cars Technologie détient 49 % des parts sociales de la société Eco Cars Technologie qui a émis les factures en cause, et que ces deux sociétés sont localisées à la même adresse. Il a relevé en outre que les écritures comptables de la société US Cars Technologie ne font pas état du règlement des factures litigieuses et qu'aucun contrat n'a été conclu entre les deux sociétés quant à la réalisation d'éventuelles prestations de services. Il a également précisé que le détail par véhicule des prestations ne figure pas sur les factures et n'a pas été fourni par la société. Il a, en outre, relevé que des prestations de stockage et d'homologation étaient déjà réglées au profit d'autres sociétés, faisant ainsi double emploi avec celles facturées par la société Eco Cars Technologie, sur lesquelles la société n'a pas donné d'explications satisfaisantes. Enfin, le vérificateur a noté des contradictions dans le nombre de véhicules qui auraient été concernés par les prestations en cause.
7. Compte tenu des indices, sérieux et concordants, ainsi apportés par l'administration, qui tendent à établir que les factures ne correspondent pas à des opérations réelles, il appartient à la société US Cars Technologie de justifier que les factures établies à son nom par la société Eco Cars Technologie correspondaient effectivement à des prestations réellement exécutées. En se bornant à faire valoir, sans apporter de justifications, que les factures litigieuses, qu'elle n'a pas produit au dossier de l'instance, étaient régulières, que " la circonstance que les dépenses soient forfaitisées sur l'année ne laisse en rien préjuger par ailleurs d'une quelconque absence de matérialité de ces prestations, de même que l'absence d'un contrat encadrant ces prestations " et " qu'un coût de 400 euros minimum par mois est loin d'être anormal et excessif ", la société requérante n'apporte, alors qu'elle est la seule à pouvoir le faire, aucun élément pertinent permettant d'établir que les prestations en cause, dont l'administration a rejeté la déductibilité, ont été réellement exécutées.
8. En tout état de cause, l'administration soutient sans être contestée que les factures en cause n'ont pas été payées par la société US Cars Technologie et qu'en conséquence, en application des dispositions citées au point 2 des articles 269-2 et 271 du code général des impôts, elle ne bénéficiait d'aucun droit à déduction.
Sur les majorations pour manquement délibéré :
9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".
10. La société US Cars Technologie se borne à soutenir que les rappels de TVA étant dépourvus de fondement, la pénalité qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts l'est également. Il résulte de ce qui précède que ce moyen doit être écarté.
Sur les amendes infligées sur le fondement de l'article 1788 A du code général des impôts :
11. Aux termes de l'article 1788 A du code général des impôts : " 1. Entraîne l'application d'une amende de 750 € : / a. Le défaut de production dans les délais des états prévus à l'article 289 B [..] 4. Lorsqu'au titre d'une opération donnée, le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est autorisé à la déduire, le défaut de mention de la taxe exigible sur la déclaration prévue au 1 de l'article 287, qui doit être déposée au titre de la période concernée, entraîne l'application d'une amende égale à 5 % de la somme déductible [...] ". Et selon l'article 96K de l'annexe III au code général des impôts, dans sa version alors en vigueur : " I.- La déclaration mentionnée à l'article 289 C du code général des impôts est produite auprès de l'administration des douanes sur support papier ou par voie informatique, au plus tard le dixième jour ouvrable qui suit : [...] / b) Pour les acquisitions intracommunautaires de biens, le mois au cours duquel la taxe est devenue exigible ; [...] ".
12. En premier lieu, il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté que, pour les périodes du 1er janvier au 31 décembre 2011 et du 1er janvier au 31 décembre 2012, la société US Cars Technologie n'a pas souscrit, dans le délai légal prévu au b) de l'article 96K de l'annexe III au code général des impôts, les déclarations d'échanges de biens auxquelles elle était tenue, eu égard au montant de ses acquisitions. Elle ne peut pas utilement se prévaloir, à ce titre, de ce qu'elle a souscrit les déclarations en cause au cours de l'année 2015.
13. En second lieu, il résulte également de l'instruction et n'est pas davantage contesté que les acquisitions intracommunautaires de biens auprès d'opérateurs établis dans l'Union européenne réalisées par la société US Cars Technologie durant l'année 2011 n'ont pas été portées sur les déclarations mensuelles de taxe sur la valeur ajoutée souscrites par la société du 1er janvier au 31 décembre 2011. Dès lors, c'est par une exacte application des dispositions précitées du 4 de l'article 1788 A du code général des impôts que l'administration a assorti les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période correspondante d'une amende égale à 5 % du montant des sommes déductibles, la circonstance que la société aurait été de bonne foi et a souscrit les déclarations manquantes en 2015, après réception de la proposition de rectification faisant état du défaut d'auto-liquidation de taxe sur la valeur ajoutée constaté au cours des opérations de contrôle sur place, étant à cet égard sans incidence sur le bien-fondé de l'amende appliquée. Si la société soutient que l'amende qui lui a été infligée serait disproportionnée, elle n'apporte aucune précision à l'appui de cette allégation, alors que les dispositions de l'article 1788 A du code général des impôts, qui sanctionnent le manquement à l'obligation de déclarer la taxe sur la valeur ajoutée exigible au titre d'une opération relevant du régime de l'auto-liquidation d'une amende fiscale égale à 5 % de la somme que le redevable est en droit de déduire, ont essentiellement pour objet, dans un cas où la taxe non déclarée est elle-même immédiatement déductible, de dissuader les redevables de la taxe d'omettre de s'acquitter avec exactitude de leurs obligations déclaratives et, ce faisant, de lutter contre la fraude fiscale.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la société US Cars technologie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'annulation et de décharge, ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société US Cars Technologie est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL US Cars Technologie et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 16 février 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 17 mars 2023.
La rapporteure,
C. C...La présidente,
H. VINOT
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA0440802