Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 2111931 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2022, M. B..., représenté par Me Baisse, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2111931 du 2 décembre 2021 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis et d'enjoindre à ce dernier de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, et d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- la décision attaquée est entachée d'erreur de fait et d'erreur de droit en ce qui concerne la menace à l'ordre public ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale dès lors qu'il pouvait se prévaloir d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012 ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé, sur sa proposition, Mme Lorin, rapporteure publique désignée en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Vrignon-Villalba a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 27 janvier 1973 à Bouake (Côte d'Ivoire), et entré en France en septembre 2011 selon ses déclarations, a sollicité le 5 février 2021 son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 27 juillet 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a fait interdiction de revenir sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 2 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, reprenant à compter du 1er mai 2021 les mêmes dispositions que l'ancien article L. 313-14 du même code: " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
3. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
4. Si M. B... justifie suffisamment résider habituellement en France depuis l'année 2011, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans charge de famille en France, où il ne se prévaut pas de liens d'une particulière intensité, et qu'il ne conteste pas avoir deux enfants en Côte d'Ivoire. S'il est inséré professionnellement, occupant depuis le mois de février 2019 un emploi d'agent logistique-accueil pour lequel il fournit des bulletins de salaire, et qu'il soutient, sans toutefois l'établir, que son employeur a introduit une demande d'autorisation de travail, cette insertion datait de deux ans et demi environ à la date de la décision attaquée et concerne un emploi qui ne requiert pas de qualifications professionnelles particulière. Ainsi, alors même que le comportement de M. B..., qui a été interpellé, notamment, le 7 octobre 2015, pour conduite d'un véhicule sans permis ainsi que pour la prise d'un nom d'un tiers pour déterminer des poursuites pénales contre lui ne pourrait pas être regardé comme présentant une menace pour l'ordre public, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu, sans erreur de fait, erreur de droit ni erreur manifeste d'appréciation, estimer que sa situation ne relevait pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels d'admission au séjour et refuser de lui délivrer une carte de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Si M. B... se prévaut de ce qu'il vit en France depuis l'année 2011 et qu'il est intégré socialement et professionnellement, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans charges de famille en France et qu'il n'établit l'existence d'aucun lien particulier qu'il y aurait noués. Par ailleurs, il n'établit pas ni même n'allègue être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-huit ans et où il ne conteste pas que résident ses deux enfants, avec leur mère. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. B..., le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'il a poursuivis. Il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. En troisième lieu, dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir.
8. En quatrième et dernier lieu, et compte tenu notamment de ce qui a été indiqué aux point 4 et 6 sur la situation personnelle de M. B..., celui-ci n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis a fait une appréciation manifestement erronée des conséquences du refus de titre de séjour sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que M. B... pouvait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit au titre de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012 et qu'il ne pouvait dès lors pas faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français doit, en tout état de cause, être écarté.
10. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux repris aux points 6 et 8 du présent arrêt, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste dans appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
11. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " [...] Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
12. En premier lieu, la décision attaquée, qui vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et relève que M. B... n'établit pas être exposé à des peines et traitements contraires à ces stipulations en cas de retour dans son pays d'origine, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est, par suite, suffisamment motivée.
13. En second lieu, si M. B... soutient qu'il serait soumis à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Côte d'Ivoire, d'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait fait état de ces risques dans sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, d'autre part, il ne donne aucune précision ni n'apporte aucun élément de preuve s'agissant tant des raisons pour lesquelles il indique avoir obtenu le statut de réfugié en Italie en 2007 ni, surtout, de celles pour lesquelles il serait toujours, près de quinze ans après son départ, personnellement exposé à des risques graves dans ce pays.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
14. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
15. Il ne ressort pas des pièces du dossier, au regard en particulier des circonstances qui ont été exposées au point 6, qu'en faisant interdiction à M. B..., qui ne conteste pas s'être soustrait à l'exécution de trois précédentes mesure d'éloignement, de retourner en France pour une durée de deux ans, le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait entaché la décision attaquée d'une erreur d'appréciation.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Aggiouri, premier conseiller,
- M. Perroy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mars 2023.
L'assesseur le plus ancien
K. AGGIOURILa présidente rapporteure
C. VRIGNON-VILLALBA
La greffière,
A. MAIGNAN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA00221 2