Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 14 novembre 2019 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société XL Airways à procéder à son licenciement pour motif économique.
Par jugement n° 2000383 du 28 mars 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 24 mai, 12 septembre et 9 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Rilov, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2000383 du 28 mars 2022 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler la décision du 14 novembre 2019 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société XL Airways à procéder à son licenciement pour motif économique ;
3°) de rejeter les demandes de la SELAFA MJA et la SELARL Bally MJ ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision du 14 novembre 2019 est insuffisamment motivée dès lors que ne sont pas visés les articles L. 1233-2, L. 1233-4, L. 1233-4-1 et L. 1233-5 du code du travail et que ne sont pas exposées les raisons de fait conduisant à considérer que l'obligation de reclassement individuel a été respectée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation en raison de l'absence de contrôle du motif économique invoqué ;
- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation s'agissant du contrôle de l'obligation de reclassement interne ;
- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où la demande de licenciement n'est pas dénuée de lien avec son mandat syndical.
Par des mémoires en défense enregistrés les 11 août et 28 octobre 2022, la SELAFA MJA et la SELARL Bally MJ, respectivement prises en la personne de Me Chuine et de Me Bally, en leur qualité de liquidateurs judiciaires de la société anonyme (SA) XL Airways, représentées par Me de Frémont, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
La procédure a été communiquée au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion qui n'a pas produit d'observations.
Par ordonnance du 6 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 novembre 2022 à 12h.
Un mémoire a été enregistré le 25 novembre 2022 pour la SELAFA MJA et la SELARL Bally MJ, après la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce,
- le code du travail,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Rilov avocat de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. La société XL Airways France, qui exerçait une activité de transport aérien de personnes et de marchandises en France et à l'étranger avec pour base principale l'aéroport Paris-Charles-de-Gaulle, faisait partie du groupe Dreamjet. Son capital était détenu à 100 % par les sociétés Dreamjet Participations SA (DJP) et Dreamjet Participations Holding (DJPH). Elle détenait elle-même 100 % du capital des sociétés Crystal To, XLF Training Center et AirtoB et elle avait au sein du groupe une société sœur, Dreamjet SAS. Par un jugement du 23 septembre 2019, le Tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société XL Airways avant de mettre fin à la poursuite d'activité, de rejeter les offres de cession et de prononcer la liquidation judiciaire de la société par un jugement du 4 octobre 2019. À cette date, la société employait 569 salariés en contrat à durée indéterminée et 83 salariés en contrat temporaire. A la demande de la SELAFA MJA, prise en la personne de Me Chuine, co-liquidateur de la société XL Airways France, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de la région d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société XL Airways France par une décision du 21 octobre 2019. Par une seconde décision du 24 octobre 2019, la DIRECCTE de la région d'Ile-de-France a retiré la décision du 21 octobre 2019 et homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société XL Airways France. Par jugement n°s 2003969, 2003972 du 9 juillet 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'article 2 de la décision du 24 octobre 2019 en se fondant sur l'insuffisance de sa motivation. Le 22 juillet 2020, l'autorité administrative a pris, en application de l'article L. 1235-16 du code du travail, une nouvelle décision d'homologation du document unilatéral. Par jugement n° 2009375 du 4 décembre 2020, confirmé par l'arrêt de la Cour n° 21PA00502 du 25 mars 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté le recours formé par le syndicat national du personnel navigant commercial contre cette décision du 22 juillet 2020.
2. Par courrier du 29 octobre 2019, le mandataire judiciaire de la société XL Airways a sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de procéder au licenciement pour motif économique de M. A..., qui était représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et délégué du personnel suppléant au sein de la société. L'inspecteur du travail a fait droit à cette demande d'autorisation de licenciement par une décision du 14 novembre 2019. Par jugement n° 2000383 du 28 mars 2022, dont M. A... relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la légalité de la décision d'autorisation de licenciement du 14 novembre 2019 :
S'agissant de la légalité externe :
3. Aux termes de l'article R. 2421-5 du code du travail, " La décision de l'inspecteur du travail est motivée (...) ".
4. Il ressort de la décision d'autorisation de licenciement contestée que l'inspecteur du travail a visé les articles L. 2411-1 et L. 2411-13 et suivants du code du travail dans leur version alors applicable ainsi que l'article L. 1233-61 du même code, le jugement du 4 octobre 2019 par lequel le Tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire sans maintien d'activité ainsi que la décision d'homologation du 21 octobre 2019 du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et qu'il a examiné les différents éléments qu'il lui appartenait d'analyser avant de se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique dont il était saisi. Il a ainsi développé dans sa décision les éléments qu'il a pris en compte s'agissant de la réalité du motif économique, des conséquences en terme de suppression d'emplois, du respect de l'obligation de recherche de reclassement en mentionnant " qu'aucune solution n'a pu être identifiée et par voie de conséquence proposée " et de l'absence de lien avec les fonctions représentatives exercées ou l'appartenance syndicale de M. A..., ce qui, par suite, lui a permis de connaître les motifs ayant conduit à l'autorisation de licenciement. La circonstance que ne soient pas mentionnées les raisons de fait conduisant à considérer que l'obligation de reclassement individuel a été respectée n'est pas de nature à caractériser une insuffisance de motivation. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision d'autorisation de licenciement ne peut qu'être écarté.
S'agissant du contrôle du motif économique du licenciement :
5. Aux termes de l'article L 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : / (...) / 4° A la cessation d'activité de l'entreprise. / La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise. / Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude. / Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. / Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché. / Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées au présent article, à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d'un commun accord dans le cadre d'un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants ".
6. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation économique de l'entreprise ou des entreprises du même groupe œuvrant dans le même secteur d'activité justifie le licenciement du salarié en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière. A ce titre, lorsque la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, il appartient à l'autorité administrative de contrôler que cette cessation d'activité est totale et définitive. Il ne lui appartient pas, en revanche, de contrôler si cette cessation d'activité est justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise. Il incombe ainsi à l'autorité administrative de tenir compte, à la date à laquelle elle se prononce, de tous les éléments de droit ou de fait recueillis lors de son enquête qui sont susceptibles de remettre en cause le caractère total et définitif de la cessation d'activité. Il lui incombe également de tenir compte de toute autre circonstance qui serait de nature à faire obstacle au licenciement envisagé, notamment celle tenant à une reprise, même partielle, de l'activité de l'entreprise impliquant un transfert du contrat de travail du salarié à un nouvel employeur en application de l'article L. 1224-1 du code du travail. Lorsque l'entreprise appartient à un groupe, la seule circonstance que d'autres entreprises du groupe aient poursuivi une activité de même nature ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que la cessation d'activité de l'entreprise soit regardée comme totale et définitive.
7. Il ressort de la décision d'autorisation de licenciement en litige qu'elle mentionne que par jugement du 4 octobre 2019, le Tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la conversion de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'encontre de la société XL Airways en liquidation judiciaire sans maintien d'activité, situation permettant à l'employeur de solliciter une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé pour motif économique en application du 4° de l'article L 1233-3 du code du travail. Par suite, l'inspecteur du travail a, sans entacher sa décision d'une erreur de droit, sérieusement contrôlé le caractère réel et sérieux du motif économique invoqué par l'employeur lié à la cessation définitive de l'activité de la société XL Airways, permettant à elle seule de caractériser le paramètre économique justifiant la demande d'autorisation de licenciement dont il a été saisi. Aucun élément du dossier ne vient à l'appui de l'allégation selon laquelle l'inspecteur du travail n'aurait pas réellement cessé son activité définitivement. Enfin, il ne lui appartient pas de rechercher les causes de nature à expliquer la cessation définitive d'activité ou les conditions dans lesquelles les sociétés du groupe dont fait partie la société XL Airways ni de rechercher si la cessation d'activité fait suite à des fautes de gestion. Il suit de là que le moyen tiré de ce que la décision d'autorisation de licenciement serait entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation en raison de l'absence de contrôle du motif économique du licenciement doit être écarté.
S'agissant de l'obligation de reclassement interne :
8. D'une part, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 641-4 du code de commerce : " Les licenciements auxquels procède le liquidateur en application de la décision ouvrant ou prononçant la liquidation, le cas échéant au terme du maintien provisoire de l'activité autorisé par le tribunal, sont soumis aux dispositions de l'article L. 1233-58 du code du travail. (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-58 du code du travail : " I. En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, qui envisage des licenciements économiques, met en œuvre un plan de licenciement dans les conditions prévues aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4. / (...) / II. Pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés, l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 est validé et le document mentionné à l'article L. 1233-24-4, élaboré par l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, est homologué dans les conditions fixées aux articles L. 1233-57-1 à L. 1233-57-3, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 1233-57-4 et à l'article L. 1233-57-7. / (...). / Les délais prévus au premier alinéa de l'article L. 1233-57-4 sont ramenés, à compter de la dernière réunion du comité d'entreprise, à huit jours en cas de redressement judiciaire et à quatre jours en cas de liquidation judiciaire. / L'employeur, l'administrateur ou le liquidateur ne peut procéder, sous peine d'irrégularité, à la rupture des contrats de travail avant la notification de la décision favorable de validation ou d'homologation, ou l'expiration des délais mentionnés au deuxième alinéa du présent II. (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-57-3 du même code : " En l'absence d'accord collectif (...), l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de l'instance de coordination mentionnée à l'article L. 4616-1, le respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail dans sa version alors applicable : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. / Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement sur le territoire national des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile. (...) ".
9. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa version alors applicable : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient (...) ".
10. Enfin, aux termes de l'article L. 1235-16 du code du travail : " (...) En cas d'annulation d'une décision de validation mentionnée à l'article L. 1233-57-2 ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-3 en raison d'une insuffisance de motivation, l'autorité administrative prend une nouvelle décision suffisamment motivée dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à l'administration. Cette décision est portée par l'employeur à la connaissance des salariés licenciés à la suite de la première décision de validation ou d'homologation, par tout moyen permettant de conférer une date certaine à cette information. / Dès lors que l'autorité administrative a édicté cette nouvelle décision, l'annulation pour le seul motif d'insuffisance de motivation de la première décision de l'autorité administrative est sans incidence sur la validité du licenciement et ne donne lieu ni à réintégration, ni au versement d'une indemnité à la charge de l'employeur ".
11. Il résulte des dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail que, pour apprécier si l'employeur ou le liquidateur judiciaire a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique d'un salarié protégé doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. En revanche, il ne lui appartient pas de vérifier le respect par l'employeur de son obligation de reclassement externe. Lorsque le licenciement projeté est inclus dans un licenciement collectif qui requiert l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, lequel comprend, en application de l'article L. 1233-61 du code du travail, un plan de reclassement, et que ce plan est adopté par un document unilatéral, l'autorité administrative, si elle doit s'assurer de l'existence, à la date à laquelle elle statue sur cette demande, d'une décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, à défaut de laquelle l'autorisation de licenciement ne peut légalement être accordée, ne peut ni apprécier la validité du plan de sauvegarde de l'emploi ni, plus généralement, procéder aux contrôles mentionnés à l'article L. 1233-57-3 du code du travail qui n'incombent qu'au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi compétemment saisi de la demande d'homologation du plan. Il ne lui appartient pas davantage, dans cette hypothèse, de remettre en cause le périmètre du groupe de reclassement qui a été déterminé par le plan de sauvegarde de l'emploi pour apprécier s'il a été procédé à une recherche sérieuse de reclassement du salarié protégé. Par ailleurs, il résulte de la combinaison des dispositions précitées aux points 5 et 6 que dans l'hypothèse de l'annulation de la décision d'homologation pour insuffisance de motivation puis d'édiction d'une nouvelle décision dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à l'administration, le périmètre du groupe de reclassement qui a été déterminé par le plan de sauvegarde de l'emploi ne peut davantage être remis en cause.
12. Il ressort des pièces du dossier que la société XL Airways France faisait partie du groupe Dreamjet et que son capital était détenu à 100 % par les sociétés Dreamjet Participations SA (DJP) société mère et Dreamjet Participations Holding (DJPH) société grand-mère, et qu'elle détenait elle-même 100 % du capital de ses filiales les sociétés Crystal To, XLF Training Center et AirtoB et qu'elle avait au sein du groupe une société sœur, Dreamjet SAS.
13. D'une part, dès lors que le périmètre du reclassement interne arrêté dans le document unilatéral fixant le plan de sauvegarde de l'emploi de la société XL Airways France homologué par l'autorité administrative n'incluait pas les sociétés XLF Training et AirtoB qui n'emploient aucun salarié et que la décision du 24 octobre 2019 de la DIRECCTE de la région d'Île-de-France homologuant ce plan n'a été annulée par le jugement n°s 2003969, 2003972 du 9 juillet 2020 du Tribunal administratif de Montreuil que pour insuffisance de motivation et qu'une nouvelle décision a été reprise dans le délai de quinze jours prévu par l'article L. 1235-16 précité du code du travail, le mandataire judiciaire de la société XL Airways France n'avait pas, pour satisfaire à son obligation de recherche sérieuse de reclassement de M. A..., à étendre sa recherche de reclassement interne aux sociétés XLF Training et AirtoB.
14. D'autre part, il est constant que le mandataire judiciaire de la société XL Airways France a fait signifier par voie d'huissier de justice le 8 octobre 2019 aux sociétés DJP et DJPH une sommation accompagnée de la liste des catégories professionnelles des salariés licenciés ainsi que leur date d'entrée, leur demandant de communiquer des offres de reclassement comprenant le descriptif du poste et la nature du contrat, la rémunération, la durée de travail, la qualification ou le niveau hiérarchique, la convention collective applicable et le lieu de travail ou à défaut de justifier de l'impossibilité d'offrir des postes de reclassement, à laquelle elles ont répondu par courrier du 9 octobre 2019 indiquant qu'elles sont " de pures sociétés holding sans aucun salarié ni activité opérationnelle ", qu' " aucune embauche n'est prévue " et qu'elles " sont par conséquent dans l'impossibilité d'offrir des postes de reclassement en raison de l'inexistence de ceux-ci ". Par ailleurs, il ressort des courriels des 14 et 16 octobre 2019 que suite au courrier du 7 octobre 2019 lui demandant ses possibilités de reclassement, la société Dreamjet a répondu que sa situation ne lui permettait pas de proposer des postes de reclassement aux salariés de la société XL Airways et qu'elle était en préparation d'un projet de licenciement pour motif économique en raison de la décision du retrait de sa flotte du B757. Enfin, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que la société Crystal To a été placée en liquidation judiciaire immédiate sur déclaration de cessation de paiement par jugement du 24 octobre 2019 du Tribunal de commerce de Bobigny et qu'elle n'avait été incluse dans le périmètre de reclassement que sous réserve de la poursuite de son activité, l'absence de réponse à la demande de proposition de reclassement ne peut avoir d'effet. Il s'ensuit que dès lors que la recherche de reclassement au sein du groupe Dreamjet auprès des sociétés du groupe que le mandataire devait interroger peut être considérée comme sérieuse, le moyen tiré de ce que l'inspecteur du travail n'aurait pas procédé à un contrôle du respect par le liquidateur de la société XL Airways de cette obligation de reclassement doit être écarté. Dans ces conditions, la décision d'autorisation de licenciement n'est entachée ni d'une erreur de droit ni d'une erreur manifeste d'appréciation qui serait liée à une insuffisance de ladite recherche.
S'agissant du lien de la demande d'autorisation de licenciement avec le mandat :
15. M. A... se borne à soutenir qu'en l'absence de tout motif inhérent à sa personne, il y a lieu de rechercher les causes de la demande d'autorisation de son licenciement sans apporter aucun élément permettant d'établir un lien entre cette demande et l'exercice de son mandat. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande de licenciement présenterait un lien avec le mandat syndical qu'il détenait. Par suite, le moyen selon lequel la décision d'autorisation de licenciement serait entachée pour ce motif d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 novembre 2019 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société XL Airways à procéder à son licenciement pour motif économique.
Sur les frais liés à l'instance :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du requérant la somme que la SELAFA MJA et la SELARL Bally MJ demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la SELAFA MJA et de la SELARL Bally MJ sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à la SELAFA MJA, à la SELARL Bally MJ et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.
La rapporteure,
A. B... Le président,
R. LE GOFF
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA02392