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28/04/2023 | FRANCE | N°20PA03539

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 28 avril 2023, 20PA03539


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Equipement des métiers de la défense a demandé au tribunal administratif de Paris à titre principal, d'annuler ou, à titre subsidiaire, de résilier l'accord-cadre mono-attributaire conclu le 23 novembre 2018 par le ministère de l'intérieur avec la société Scopex, pour l'acquisition d'appareils portatifs de radiographie avec générateurs de rayons X au profit des forces de la sécurité intérieure, ou, à titre infiniment subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du

juge judiciaire sur l'existence et l'étendue du droit d'exclusivité dont elle béné...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Equipement des métiers de la défense a demandé au tribunal administratif de Paris à titre principal, d'annuler ou, à titre subsidiaire, de résilier l'accord-cadre mono-attributaire conclu le 23 novembre 2018 par le ministère de l'intérieur avec la société Scopex, pour l'acquisition d'appareils portatifs de radiographie avec générateurs de rayons X au profit des forces de la sécurité intérieure, ou, à titre infiniment subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du juge judiciaire sur l'existence et l'étendue du droit d'exclusivité dont elle bénéficie pour la distribution sur le territoire français des panneaux Pixium 3543 EZ, ainsi que de tous les panneaux produits par la société Thales AVS France dotés d'une surface d'image similaire.

Par un jugement n° 1901659/3-2 du 23 septembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1 décembre 2020 et 2 juillet 2021, la société Equipements des métiers de la défense, représenté par Me Le Marc'Hadour, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1901659/3-2 du 23 septembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) à titre principal, d'annuler l'accord-cadre portant sur l'acquisition d'appareils portatifs de radiographie avec générateurs de rayons X au profit des forces de la sécurité intérieure ;

3°) à titre subsidiaire, de résilier l'accord-cadre portant sur l'acquisition d'appareils portatifs de radiographie avec générateurs de rayons X au profit des forces de la sécurité intérieure ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, de surseoir à statuer jusqu'à la décision de la juridiction judiciaire compétente sur la question de l'existence et de l'étendue du droit d'exclusivité dont elle bénéficie ;

5°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat et de la société Scopex le versement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la candidature de la société Scopex est irrégulière, l'échantillon qu'elle a fourni ne correspondant pas à ce qu'elle est en mesure de livrer et ne permettant pas d'établir ses capacités techniques ;

- l'offre de la société Scopex est irrégulière, dès lors qu'elle repose sur une technologie que cette société n'est pas en droit de commercialiser ;

- l'offre de la société Scopex a été appréciée au regard d'un échantillon différent de celui que cette société sera capable de fournir lors de l'exécution du contrat, ce qui a faussé l'égalité de traitement entre les candidats ;

- la société Scopex n'étant pas en mesure de fournir lors de l'exécution du marché l'échantillon mis à disposition lors de l'analyse des offres, la circonstance qu'elle ait indiqué dans son offre les différences existantes entre ledit échantillon et les caractéristiques du produit telles que décrites dans son mémoire technique est sans incidence ;

- la clause de substitution figurant dans le contrat, auquel il est possible de recourir lors de l'exécution du contrat, ne permet pas de régulariser la modification de l'offre déposée par la société Scopex entre l'attribution et la signature du marché ;

- la société Scopex a intentionnellement transmis au pouvoir adjudicateur des renseignements erronés à l'appui de son offre, ce qui est constitutif d'une fraude de nature à entraîner l'annulation du contrat ;

- en permettant une modification substantielle de son offre entre l'attribution du contrat et sa signature, le pouvoir adjudicateur a porté atteinte au principe d'égalité entre les cocontractants ;

- les quinze premiers appareils livrés ne correspondent pas aux spécifications du marché ;

- le ministère de l'intérieur a avantagé la société Scopex en modifiant, lors de la seconde procédure d'appel d'offres, les documents de la consultation par l'ajout d'un critère relatif au délai de livraison et par la suppression de la phase de démonstration du matériel ;

- la situation d'urgence n'est pas établie ;

- l'administration a nécessairement communiqué à la société Scopex les informations sur les délais de livraison qu'elle a obtenues des sociétés concurrentes avant le lancement de la consultation ;

- le ministère a fait une appréciation manifestement erronée de son offre ;

- en l'absence de telles erreurs, elle aurait été classée en première position ;

- le ministère a méconnu le principe de transparence en ne publiant pas le protocole de test, qui est un sous-critère d'analyse des offres ;

- à considérer le protocole de test comme une méthode de notation, celle-ci est irrégulière ;

- l'accord d'exclusivité dont elle bénéficie couvre les quinze premiers appareils livrés ;

- l'atteinte qu'une annulation porterait à l'intérêt général n'est pas établie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2020, la société Scopex, représentée par Me Nivaud, conclut au rejet de la requête, si une illégalité non régularisable devait être commise, à ce qu'une simple résiliation du contrat soit prononcée et, en tout état de cause, à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la société Equipements des métiers de la défense en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucun échantillon n'était exigé des candidats pour justifier de leurs capacités techniques et sa candidature est régulière ;

- son offre était régulière ;

- le moyen tiré de ce qu'elle aurait fourni, en cours d'exécution, des matériels non conformes aux spécifications du marché est inopérant ;

- ni la publication d'un critère relatif au délai de livraison ni la suppression de la phase de démonstration du matériel n'ont rompu l'égalité de traitement entre les candidats ;

- elle n'a pas bénéficié d'informations privilégiées ;

- il n'est pas établi que l'offre de la société Equipements des métiers de la défense serait techniquement meilleure ;

- l'administration n'était pas tenue de publier la méthode de notation du critère de valeur technique ;

- l'annulation de la procédure porterait atteinte à la continuité du service public ;

- les irrégularités alléguées ne sont pas d'une gravité de nature à justifier l'annulation du marché et ne pourraient tout au plus que justifier une résiliation.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire enregistrés les 17 juin 2021 et 29 juillet 2021, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- il n'est pas établi que, lors du dépôt de son offre, la société Scopex avait connaissance de l'existence d'un droit d'exclusivité sur l'échantillon qu'elle entendait fournir ;

- la société Scopex n'a pas intentionnellement transmis au pouvoir adjudicateur des renseignements erronés à l'appui de son offre ;

- aucune fraude n'est caractérisée ;

- la société Scopex a fait état dans son offre des différences entre l'échantillon fourni et les caractéristiques figurant dans son mémoire technique, mais qu'elle n'avait, et pour cause, pas à le faire s'agissant du matériel fourni après la signature du contrat ;

- le moyen portant sur la non-conformité des matériels livrés aux spécifications techniques du marché est inopérant, dès lors qu'il se rapporte à son exécution ;

- en l'absence de modification substantielle de l'offre de la société Scopex entre l'attribution du marché et sa signature, il n'a pas été porté atteinte au principe d'égalité entre les candidats ;

- en tout état de cause, le matériel livré par la société Scopex n'incorpore pas l'écran de la société Thalès AVS France concerné par le droit d'exclusivité dont bénéficie la société Equipements des métiers de la défense ;

- l'ajout d'un critère relatif au délai de livraison et la suppression de la phase de démonstration du matériel n'ont pas faussé l'égalité de traitement et répondaient à la nécessité de passer une première commande de matériels avant la fin de l'année 2018 ;

- le sourçage a été réalisé dans les conditions régulières, en application de l'article 4 du décret du 25 mars 2016 ;

- l'analyse de l'offre de la société Equipements des métiers de la défense n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;

- à supposer l'existence d'une erreur dans l'appréciation des performances de l'écran, la société Equipements des métiers de la défense n'aurait en tout état de cause pas été classée en première position ;

- le protocole de tir permettant de tester le matériel, qui était adapté aux besoins du ministère, constitue une méthode de notation et non un sous-critère de la valeur technique et n'avait pas à être publié ;

- les irrégularités alléguées ne sont pas d'une gravité de nature à justifier l'annulation du marché, qui, à l'inverse, porterait une atteinte excessive à l'intérêt général.

Par une ordonnance du 13 avril 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 4 mai 2022 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme d'Argenlieu,

- les conclusions de Mme B...,

- les observations de Me Nivaud, représentant la société Scopex et de M. C..., représentant le ministère de l'intérieur et des outre-mer.

Une note en délibéré a été enregistrée le 17 avril 2023 pour le ministère de l'intérieur et des outre-mer.

Considérant ce qui suit :

1. Après l'annulation d'une première procédure de passation par une ordonnance du juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Paris du 4 septembre 2018 et au terme d'une seconde procédure d'appel d'offres ouvert, lancée le 17 septembre 2018, le ministère de l'intérieur a conclu le 23 novembre 2018 avec la société Scopex un accord-cadre mono-attributaire pour l'acquisition d'appareils portatifs de radiographie avec générateurs de rayons X au profit des forces de la sécurité intérieure. Par un jugement du 23 septembre 2020, dont la société Equipement des métiers de la défense (EMD), concurrente évincée dont l'offre régulière a été classée en seconde position, fait appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de cette société tendant à l'annulation de ce contrat ou, à défaut, à sa résiliation.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la nature du recours :

2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Les requérants peuvent éventuellement assortir leur recours d'une demande tendant, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l'exécution du contrat. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini. Toutefois, dans le cadre du contrôle de légalité, le représentant de l'Etat dans le département est recevable à contester la légalité de ces actes devant le juge de l'excès de pouvoir jusqu'à la conclusion du contrat, date à laquelle les recours déjà engagés et non encore jugés perdent leur objet.

3. Si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office.

4. Saisi ainsi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci.

En ce qui concerne la validité du contrat litigieux :

5. Selon les documents de la consultation, les appareils portatifs de radiographie avec générateurs de rayons X, objet de l'accord-cadre, sont constitués de plusieurs éléments comprenant un générateur de rayons X, un écran de captation d'image, un poste de pilotage se composant d'un poste central de type ordinateur avec écran de visualisation des résultats radiographiques et d'une tablette durcie avec écran de visualisation permettant de réaliser des opérations mobiles ainsi que des câbles électriques et des accessoires de transport. Selon l'article II B du cahier des clauses techniques particulières (CCTP), qui fixe les caractéristiques techniques de l'écran de captation d'image : " L'écran de captation d'image doit offrir une surface de captation la plus grande possible (surface active de 51 cm -20 pouces- de diagonale a minima) ainsi qu'une bordure fine de manière à ce qu'un objet plat posé au sol puisse être capté par l'écran. / L'écran est robuste et d'une épaisseur inférieure ou égale à 20 mm afin de pouvoir facilement le glisser entre un objet suspect et un autre élément (type paroi, mur, bureau). / Il doit être fourni avec une protection résistante, peu encombrante et légère (type housse en tissu ou cadre plastique). ". En vertu de l'article 7.2 du règlement de la consultation, l'offre du candidat doit comporter un mémoire technique dans lequel doivent être au moins fournis la fiche technique du produit et les éléments détaillés attestant de la conformité des fournitures aux exigences techniques. Cet article dispose en outre que les candidats " doivent obligatoirement fournir à la personne publique 1 appareil portatif de radiographie avec générateur de rayons X. Dans l'hypothèse où l'échantillon n'est pas strictement conforme à l'offre technique présentée au dossier, le candidat listera les réserves entre l'échantillon et le produit décrit ". Il précise que " les réserves émises ne doivent pas empêcher la mise en œuvre de l'appareil. En tout état de cause, l'offre technique devra respecter les exigences du CCTP dans son intégralité et ce, tout au long de l'exécution de l'accord-cadre ". L'article 11.2.1 du règlement de la consultation ajoute : " jugement de la valeur technique : sur 60. Au vu des documents et échantillons fournis par les candidats, seules les offres déclarées conformes sont par la suite évaluées. L'évaluation technique est effectuée au vu des documents et échantillons fournis par les candidats et conformes aux critères figurant dans le barème d'évaluations. L'offre technique du candidat se voit attribuer jusqu'à 5 300 points (...) ". Enfin, l'article XIV du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) stipule que : " Par principe, les matériels du présent marché doivent demeurer identiques pendant toute la durée du marché (...) En cas de changement de modèle dû à un retrait du catalogue ou à l'obsolescence du produit, le titulaire doit obligatoirement proposer des matériels de substitution présentant des caractéristiques techniques identiques ou supérieures à celles des matériels à remplacer ".

6. Il est constant au vu de l'analyse du mémoire technique de la société Scopex, que celle-ci a proposé de fournir, dans son offre déposée le 1er octobre 2018 et retenue le 18 octobre suivant, un système de radiographie de modèle Alpha commercialisé par la société Vidisco, dont elle est partenaire, intégrant un écran de captation d'image, dont la surface active de la zone d'imagerie de 55,5 cm de diagonale et l'épaisseur de 15,6 mm répondent aux spécifications techniques de l'article II B du CCTP. Il résulte par ailleurs de l'instruction, notamment du constat d'huissier du 29 avril 2019, autorisé par une ordonnance du 13 mars 2019 rendue sur requête par le président du tribunal de commerce de Lorient aux fins de trouver des éléments permettant de déterminer si l'échantillon présenté par la société Scopex relevait ou non du droit d'exclusivité détenu par l'appelante, que l'échantillon utilisé par la société Scopex pour répondre à l'appel d'offres comportait un écran de captation d'image Thalès de référence Pixium - 3543 EZ - G. Il résulte toutefois de l'instruction, et notamment du courriel du 12 septembre 2019 adressé par la société EMD au ministre de l'intérieur, et dont ce dernier a accusé réception en y répondant, que cet écran ne pouvait fonctionner qu'avec les systèmes de radiographie Novo DR, lesquels étaient alors exclusivement distribués par la société EMD. Le ministre de l'intérieur était donc informé, lorsqu'il a apprécié les offres déposées, de l'existence de cette difficulté. Certes, il n'est pas établi que la société Scopex savait lors du dépôt de son offre qu'elle ne serait pas en mesure d'utiliser le panneau de captation de la marque Thalès de référence Pixium - 3543 EZ - G présenté comme échantillon. Toutefois, très peu de temps après l'attribution du marché, elle a eu connaissance de cette difficulté et, par suite, de ce qu'elle ne serait pas en capacité de fournir ce produit. Il résulte en effet du constat d'huissier précédemment évoqué, que dès le 28 octobre 2018, soit dix jours après l'attribution du marché, la société Scopex échangeait avec son fournisseur Vidisco au sujet de la nécessité de rechercher " un nouveau panneau suite à la lettre d'exclusivité Novo/Thalès " et que le 15 novembre 2018, soit la veille de la signature du marché, l'attributaire évoquait avec son fournisseur, par courriel, les points à aborder lors de la réunion du lendemain parmi lesquels figuraient " L'urgence des 5 premiers systèmes à livrer pour le 14 décembre 2018 (et) la nécessité de trouver une solution de remplacement de panneaux dans l'urgence ". Le ministre de l'intérieur reconnaît du reste dans ses écritures que le remplacement de l'écran de captation figurant dans l'offre initiale a été validé après la signature du marché avec la société Scopex. Le ministre de l'intérieur a donc accepté de signer le marché en litige sans disposer de l'écran de captation que l'attributaire, dont l'offre, en l'absence de l'échantillon, avait donc été substantiellement modifiée, allait être en mesure de lui fournir. De fait, il n'était pas davantage en mesure, malgré l'urgence, de déterminer si la société Scopex serait capable d'honorer les premières commandes dans les délais fixés par les documents de la consultation. Par ailleurs, la clause de substitution prévue à l'article XIV précité du CCAP, qui ne trouve à s'appliquer qu'au cours de l'exécution du marché, n'a pu régulariser ce vice d'une particulière gravité affectant, au jour de la signature du marché, la certitude de la disponibilité de l'objet même du contrat. Il y a donc lieu de prononcer l'annulation du marché, au demeurant entièrement exécuté à la date de la présente décision, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'il en résulterait une atteinte excessive à l'intérêt général.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que la société EMD est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du marché conclu le 23 novembre 2018 entre l'Etat et la société Scopex.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société EMD qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Scopex demande au titre des frais de l'instance. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Scopex et de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser chacun à la société EMD sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le marché conclu entre l'Etat et la société Scopex le 23 novembre 2018 est annulé.

Article 2 : L'Etat et la société Scopex verseront chacun à la société EMD la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Scopex sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société des équipements des métiers de la défense, au ministre de l'intérieur et à la société Scopex.

Délibéré après l'audience du 14 avril 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente,

- Mme Briançon, présidente-assesseure,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 avril 2023.

La rapporteure,

L. d'ARGENLIEULa présidente,

M. A...

La greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA03539


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03539
Date de la décision : 28/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : SELARL JURISTES OFFICE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-04-28;20pa03539 ?
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