Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2022 du préfet de police de Paris en tant qu'il lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français, d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " salarié ", et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2204462 du 12 mai 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 juin 2022, 10 août 2022 et
30 septembre 2022, M. A..., représenté en dernier lieu par Me Tran, demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 12 mai 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2022 du préfet de police portant refus de renouvellement de son titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et en lui délivrant entretemps une autorisation temporaire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que Me Tran renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est également entaché d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 421-1 du même code dès lors notamment que sa perte d'emploi n'est pas volontaire et ne lui est pas imputable ;
- il est enfin entaché d'erreur d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 313-11.7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu notamment de la durée de son séjour en France et de la présence en France de nombreux membres de sa famille, de nationalité française ou en situation régulière ;
- l'obligation de quitter le territoire français est elle aussi entachée d'illégalité par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- le jugement attaqué est lui aussi insuffisamment motivé ;
- s'il ne pouvait bénéficier d'un renouvellement de son titre de séjour en qualité de salarié, le requérant aurait au moins dû être admis au séjour à titre exceptionnel, du fait notamment de la durée de sa présence en France ou sur le fondement de la " circulaire Valls " ;
- si le défaut d'un contrat de travail peut justifier le refus de délivrance d'un titre de séjour, il ne peut en revanche justifier un refus de renouvellement de titre lorsque la perte d'emploi n'est pas volontaire ;
- le préfet ne pouvait prononcer d'obligation de quitter le territoire sans vérifier s'il pouvait se voir accorder de plein droit un titre de séjour, et cette décision est illégale compte tenu de l'ancienneté de son séjour en France et de ses liens personnels en France.
La requête a été communiquée au préfet de police qui n'a pas produit en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 20 juillet 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Labetoulle,
- et les observations de Me Tran pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant de la République démocratique du Congo, né le 16 juillet 1976 et entré en France selon ses déclarations le 22 septembre 2001, a sollicité un titre de séjour à la fin de l'année 2012, et a bénéficié, le 5 août 2013, d'un premier titre de séjour mention " salarié ", ultérieurement renouvelé à plusieurs reprises, la durée de validité du dernier de ces titres expirant le 10 avril 2020. Après qu'il en a de nouveau sollicité le renouvellement, le préfet de police a, par un arrêté du 20 janvier 2022, rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé d'office. M. A... a dès lors sollicité du Tribunal administratif de Paris l'annulation de cet arrêté, mais le tribunal a rejeté cette demande par un jugement du 12 mai 2022 dont il relève dès lors appel.
Sur la régularité du jugement :
2. Si en application de l'article L. 9 du code de justice administrative les jugements doivent être motivés, il ressort du jugement attaqué que les premiers juges se sont prononcés de manière suffisamment détaillée sur tous les moyens soulevés par le requérant, et la circonstance qu'ils aient repris, pour rejeter certains d'entre eux, les mêmes éléments de fait que ceux relevés par le préfet dans l'arrêté attaqué ne permet pas d'établir que la motivation du jugement serait insuffisante ou stéréotypée.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
3. Il ressort de l'arrêté attaqué qu'il vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en particulier son article L. 611-1.3°, et, contrairement à ce que soutient l'intéressé, il fait bien référence à l'une des hypothèses prévues par cet article. Il rappelle ensuite les éléments d'état-civil du requérant, sa date d'entrée en France et de demande de renouvellement de son titre de séjour, avant de relever qu'il ne travaille plus et ne justifie pas des motifs de rupture de son contrat de travail et ne peut donc prétendre à la prolongation de son titre de séjour pour perte involontaire d'emploi prévue par l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en précisant que la préparation d'un baccalauréat professionnel ne confère pas de droit au séjour. Il indique ensuite que l'intéressé est célibataire et sans charge de famille, ne justifie pas être démuni d'attaches familiales à l'étranger, et qu'il n'est dès lors pas porté d'atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; enfin il retient que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans son pays d'origine. Ainsi l'arrêté attaqué, qui n'a pas à reprendre tous les éléments avancés par l'intéressé, contient l'énoncé des circonstances de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et est dès lors suffisamment motivé, sans que le requérant puisse utilement faire état, dans le cadre de ce moyen, de son désaccord avec les constats et le dispositif de cet arrêté.
4. Aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. / Par dérogation aux dispositions de l'article L. 433-1, elle est prolongée d'un an si l'étranger se trouve involontairement privé d'emploi. Lors du renouvellement suivant, s'il est toujours privé d'emploi, il est statué sur son droit au séjour pour une durée équivalente à celle des droits qu'il a acquis à l'allocation d'assurance mentionnée à l'article L. 5422-1 du code du travail " ; aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".
5. Il ressort des termes clairs de l'article L. 421-1 cité ci-dessus que l'ensemble de ses dispositions concerne les étrangers qui sont titulaires d'un contrat de travail à durée indéterminée, et par ailleurs que la possibilité de prolongement ou de renouvellement du titre de séjour mention " salarié " en cas de perte d'emploi, ouverte à l'alinéa 3 de cet article, est subordonnée à la condition que l'intéressé ait été involontairement privé de son emploi. Or, d'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A... n'a été titulaire que de contrats à durée déterminée, ainsi qu'il le reconnait lui-même dans ses écritures. Et, d'autre part, il ne justifie pas que la perte de son dernier emploi, en février 2019, ait été involontaire, se bornant à invoquer la difficile situation de l'économie du fait de la crise du Covid, qui n'a pourtant débuté que plus d'un an après la perte de son dernier emploi. Ainsi il n'est, à tous égards, pas fondé à invoquer la méconnaissance des dispositions de cet article L. 421-1.
6. Par ailleurs s'il fait valoir que, bien que n'ayant sollicité de titre de séjour en qualité de salarié qu'à compter de 2012, il résiderait néanmoins en France depuis 2001, cette seule circonstance ne suffit pas à établir l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 précité, sans qu'il puisse utilement invoquer les orientations générales de la circulaire dite " Valls " dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation. De plus, s'il fait valoir que plusieurs membres de sa famille, notamment sa sœur, son beau-frère et leurs enfants, résident en France en situation régulière ou en ayant la nationalité française, il n'établit pas pour autant de ne plus avoir d'attaches familiales dans son pays d'origine, où, à supposer même qu'il soit arrivé en France en 2001, il a vécu à tout le moins jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans. De même, il ne justifie pas, par les pièces produites, de la réalité et de l'intensité de ses liens avec la personne de nationalité française qu'il présente comme sa compagne. Enfin, s'il se prévaut de son intégration, les circonstances qu'il ait effectué des formations et obtenu en juillet 2019 un certificat d'aptitude professionnelle en " préparation et réalisation d'ouvrages électriques ", et, en juillet 2021, un baccalauréat professionnel mention " spécialité métiers de l'électricité et ses environnements connectés ", et qu'il ait bénéficié, depuis 2014, de plusieurs contrats à durée déterminée pour des postes d'agent technique, de peintre, d'ouvrier dans le bâtiment ou de manutentionnaire ne suffisent pas à établir que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels de nature à ouvrir droit au séjour. Dès lors il n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait dû se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni, par suite, que l'arrêté attaqué méconnaitrait ces dispositions.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien- être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Si le requérant soutient que l'arrêté attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris, ce moyen ne peut qu'être écarté pour les motifs qui viennent d'être énoncés au point 6.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le refus de titre de séjour opposé au requérant n'est entaché d'aucune illégalité ; par suite l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire serait entachée d'illégalité par voie de conséquence de celle du refus de titre.
10. En deuxième lieu, s'il fait valoir à juste titre qu'une obligation de quitter le territoire ne peut être prononcée à l'encontre d'un étranger susceptible de se voir accorder de plein droit un titre de séjour, il ne ressort pas de l'arrêté attaqué que le préfet de police, qui a procédé à un examen détaillé de sa situation, n'aurait pas recherché s'il était susceptible de se voir délivrer de plein droit un titre de séjour. Par ailleurs il résulte de ce qui a été dit au point 6 que ni la durée de son séjour en France ni aucune autre circonstance ne justifiait que lui soit accordé un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée y compris ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juin 2023.
La rapporteure,
M-I. LABETOULLELe président,
T. CELERIER
La greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA02779