Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun la décharge des amendes infligées, sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts, à la société Rezberg Instal, et mises à sa charge en sa qualité de débiteur solidaire, sur le fondement du 3 du V de l'article 1754 du code général des impôts.
Par un jugement n°s 1802059 et 1802060 du 3 juin 2021, le tribunal administratif de Melun a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur de 34 643 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 26 juillet 2021, le 29 novembre 2021 et le 17 décembre 2021, M. B..., représenté par le cabinet 2CFR, agissant par Me Thierry, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement nos 1802059 et 1802060 du tribunal administratif de Melun en date du 3 juin 2021, en tant qu'il lui est défavorable ;
2°) de prononcer la décharge des amendes contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée dès lors qu'elle ne détaille pas suffisamment les modalités de reconstitution des charges de la société et n'indique pas de manière suffisamment précise les modalités selon lesquelles l'administration fiscale a calculé le montant des revenus distribués pour lesquels elle a souhaité connaître l'identité des bénéficiaires ;
- la société Rezberg Instal n'était pas tenue de produire des déclarations préalables de détachement ;
- il a produit divers éléments de preuve permettant d'établir la réalité des prestations en cause ;
- le rejet de la comptabilité ne porte que sur l'exercice 2011 ;
- l'administration fiscale a dégrevé les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à la charge de la société Rezberg Instal ;
- les sommes en cause n'ont pas été désinvesties ;
- l'administration fiscale a méconnu la doctrine référencée BOI-CF-IOR-10-20 ;
- elle a méconnu la réponse ministérielle n° 72 398 à la députée Zimmermann, publiée au Journal officiel le 26 octobre 2010, ainsi que la réponse ministérielle n° 12142 au sénateur Masson, publiée au Journal officiel le 18 novembre 2010 ;
- l'administration fiscale avait connaissance des bénéficiaires des distributions.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Aggiouri ;
- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société Rezberg Instal, dont le siège social se trouvait en Roumanie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a mis à sa charge, au titre de l'activité de l'établissement stable dont elle dispose en France, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, au titre de l'année 2011, selon la procédure de taxation d'office prévue au 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011 et 2012, selon la procédure de rectification contradictoire, ainsi que l'amende prévue par l'article 1737 du code général des impôts. Par un courrier du 16 octobre 2016, l'administration fiscale a infligé à la société Rezberg Instal l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts. Par un avis de mise en recouvrement du 26 avril 2016, M. B..., gérant de la société Rezberg Instal, a été recherché en paiement solidaire de ces amendes, en application du 3 du V de l'article 1754 du code général des impôts. Par un jugement du 3 juin 2021, le tribunal administratif de Melun a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur de 34 643 euros, et a rejeté le surplus des conclusions de M. B.... M. B... relève appel de ce jugement, en tant qu'il lui est défavorable.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. M. B... soutient que l'administration fiscale n'aurait pas suffisamment motivé les amendes qui ont été infligées à la société Rezberg Instal sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts. Toutefois, l'administration fiscale a, dans la partie " VII - Rectifications proposées en matière de bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés " de la proposition de rectification datée du 30 juillet 2014, indiqué, après avoir cité les disposition de l'article 39 du code général des impôts, les motifs pour lesquels elle rejetait certaines charges, le montant de ces charges, en s'appuyant sur les écritures comptables de la société, dont elle a cité le détail, puis a, dans la partie " VIII - Synthèse des rectification proposées en matière de bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés ", récapitulé l'ensemble des charges remises en cause, avant d'indiquer que, par " réalisme économique ", elle retenait un montant de charges correspondant à 70 % des charges déclarées par la société. Elle a ensuite indiqué que le bénéfice réalisé par la société Rezberg Instal au titre des exercices clos au 31 décembre 2011 et au 31 décembre 2012 devait être considéré comme un revenu distribuable à hauteur de 187 676 euros et de 170 281 euros, précisant que ces montants correspondaient au bénéfice rectifié avant cascade, soit respectivement 220 138 euros et 207 025 euros - sommes figurant par ailleurs dans le tableau mentionnant le résultat imposable de la société - diminué du bénéfice déclaré par la société, soit respectivement 32 462 euros et 36 744 euros. Elle a également demandé à la société, dans la partie " X-Distributions ", dans laquelle elle a mentionné les dispositions des articles 117 et 1759 du code général des impôts, d'indiquer l'identité et l'adresse des bénéficiaires des sommes de 180 676 euros et 158 281 euros au titre respectivement des années 2011 et 2012, précisant que ces sommes avaient été obtenues en diminuant les montants totaux des distributions mentionnées précédemment des sommes de 7 000 euros au titre de l'année 2011 et de 12 000 euros au titre de l'année 2012. A cet égard, elle a précisé que, à défaut de réponse vraisemblable et précise dans un délai de trente jours à compter de la notification de la proposition de rectification, la pénalité prévue par l'article 1759 du code général des impôts serait appliquée. Enfin, dans son courrier du 16 octobre 2014, l'administration fiscale a indiqué que les amendes infligées à la société Rezberg Instal s'élevaient, en l'absence de réponse à la demande contenue dans la proposition de rectification du 30 juillet 2014, et en application de l'article 1759 du code général des impôts, à 100 % des sommes de 180 676 euros et de 158 281 euros. Par suite, le moyen doit être écarté.
Sur le bien-fondé des amendes en litige :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
3. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital [...] ". Aux termes de l'article 117 du même code : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ". Aux termes de l'article 1759 de ce code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240 elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées [...] ". Enfin, aux termes du V de l'article 1754 du même code : " [...] 3. Les dirigeants sociaux mentionnés à l'article 62 et aux 1°, 2° et 3° du b de l'article 80 ter ainsi que les dirigeants de fait gestionnaires de la société à la date du versement ou, à défaut de connaissance de cette date, à la date de déclaration des résultats de l'exercice au cours duquel les versements ont eu lieu, sont solidairement responsables du paiement de l'amende prévue à l'article 1759 [...] ".
S'agissant de l'assiette des amendes infligées sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts :
4. Les bénéfices imposables de la société Rezberg Instal, d'un montant de 187 676 euros au titre de l'année 2011 et de 158 281 euros au titre de l'année 2012, ont été regardées par l'administration fiscale comme des revenus distribués. Pour fixer le montant des bénéfices imposables de la société, le service vérificateur a remis en cause certaines charges considérées comme non justifiées, qui faisaient l'objet d'inscriptions dans le compte " achats d'études et prestations de services ", à hauteur de 347 000 euros en 2011 et de 423 000 euros en 2012, au motif, d'une part, que si la société Rezberg Instal a indiqué, lors des opérations de contrôle, que les sommes en cause avaient été versées au titre de la mise à disposition de main d'œuvre par le siège social de la société Rezberg Instal, situé en Roumanie, elle n'a pas été en mesure de donner le détail des chantiers effectués, des salariés présents, des prestations réalisées, et de la période concernée, se bornant à produire un tableau sous format " Excel " établi pendant les opérations de contrôle par son gérant pour le seul mois de septembre 2011, et d'autre part, que la société Rezberg Instal n'avait pas produit de déclaration préalable de détachement adressée à l'inspection du travail. Constatant que le montant des charges admises correspondait à 37,35 % et à 33,43 % des chiffres d'affaires déclarés par la société au titre des années 2011 et 2012, le service vérificateur a admis en dernier lieu la déduction de charges à hauteur de 70 % du chiffre d'affaires de la société.
5. En premier lieu, si M. B... produit diverses factures émises par la société Rezberg Instal entre le 15 mars 2011 et le 11 décembre 2012, à l'attention de son établissement stable en France, ces factures, qui comportent toutes la mention de " prestations de services air conditionné et chauffage ", ne portent pas sur le détachement de main-d'œuvre étrangère en France, et ne permettent donc pas de faire le rapprochement avec les ordres de mission produits par le requérant. Si M. B... produit également des factures émises par la société Rezberg Instal à l'attention de la société CetE Chauffage et Entretien, la seule circonstance que ces factures mentionnent des lieux de chantier apparaissant sur les ordres de mission également produits ne permet pas d'induire qu'elle aurait bénéficié des détachements de main d'œuvre allégués. Par ailleurs, si M. B... soutient que la comptabilité de la société Rezberg Instal n'a pas été rejetée au titre de l'exercice clos en 2012, et que le service vérificateur ne pouvait donc, selon lui, procéder à une reconstitution du résultat de cette société, il résulte des termes mêmes de la proposition de rectification du 30 juillet 2014 adressée à la société qu'il n'a pas procédé à une telle reconstitution, la circonstance que le service a admis, par souci de réalisme économique, que 70 % du chiffre du chiffre d'affaires déclaré par la société pouvait être déduit de son résultat imposable au titre de ses charges d'exploitation ne caractérisant pas en elle-même une reconstitution de son chiffre d'affaires. De plus, les relevés bancaires produits par M. B..., qui ne permettent pas de déterminer l'objet des virements qui auraient été émis au bénéfice du siège social de la société Rezberg Instal, ne sauraient davantage établir la réalité des prestations en cause. A cet égard, si le requérant soutient, à juste titre, que la souscription de déclarations préalables de détachement ne peut être regardée comme une obligation fiscale afin de bénéficier de la déduction de frais de détachement de main-d'œuvre, elle constitue en revanche un moyen de preuve, parmi d'autres possibles, susceptible de remettre en cause, en l'espèce, les constatations effectuées par l'administration fiscale concernant la réalisation des prestations en litige. Or, M. B... n'a pas produit de telles déclarations. Si le requérant produit un " certificat de constatation ", établi par le ministère de la justice roumain, un certificat émanant du ministère des finances publiques roumain, indiquant que la société Rezberg Instal a rempli ses obligations fiscales et déclaratives en Roumanie, ainsi qu'une attestation du directeur économique de la société, qui fait état, de manière sommaire, de la " destination des montants encaissés sur les factures ", ces pièces ne permettent pas de remettre utilement en cause les éléments dont se prévaut l'administration fiscale. Enfin, la circonstance que l'administration fiscale a dégrevé, par une décision du 3 septembre 2019, les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à la charge de la société Rezberg Instal, pour un motif de procédure selon les écritures mêmes du requérant, ne faisait pas obstacle, par elle-même, à ce qu'elle maintînt à la charge de cette société l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts, dès lors que c'est à bon droit qu'elle a regardé la société Rezberg Instal comme ayant minoré son bénéfice.
6. En deuxième lieu, M. B... soutient que les sommes constituant l'assiette de l'amende qui a été infligée à la société Rezberg Instal sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts n'auraient pas été désinvesties. Toutefois, et contrairement à ce que soutient le requérant, il résulte de ce qui a été dit précédemment que les distributions en cause procèdent non de l'imputation au siège social de la société Rezberg Instal de bénéfices réalisés par son établissement stable situé en France mais d'une minoration du bénéfice de l'entreprise. M. B... n'est, par suite, pas fondé à soutenir que l'administration fiscale ne pouvait regarder la quote-part des bénéfices correspondant à la rectification en cause, qui n'a été ni mise en réserve, ni incorporée au capital, comme distribuée en application des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.
7. Ainsi, M. B... n'est pas fondé à contester l'assiette des revenus que l'administration fiscale a regardés comme ayant été distribués par la société Rezberg Instal, ni partant, l'assiette des amendes qui ont été infligées à cette société sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts, et mises à sa charge en sa qualité de débiteur solidaire.
S'agissant de l'identité des bénéficiaires des revenus distribués par la société Rezberg Instal :
8. Il résulte des dispositions citées au point 3 du présent arrêt que la circonstance que l'administration connaisse ou soit susceptible de connaître les bénéficiaires de sommes regardées comme des revenus réputés distribués n'est pas de nature à lui interdire d'inviter la société distributrice à désigner l'identité et l'adresse des bénéficiaires dans un délai de trente jours, dans les conditions prévues par l'article 117 du code général des impôts, et ne fait obstacle ni à ce qu'elle applique à cette société, à défaut de toute réponse, l'amende prévue par l'article 1759 du même code, ni à ce qu'une réponse tardive ou manifestement incomplète ou insuffisante soit assimilée à un défaut de réponse.
9. En l'espèce, il résulte des termes du paragraphe 1.2 de la partie " X - Distributions " de la proposition de rectification du 30 juillet 2014 que l'administration fiscale a demandé à la société Rezberg Instal de désigner le ou les bénéficiaires de distributions s'élevant à 180 676 euros et 158 281 euros au titre des années 2011 et 2012, précisant que, à défaut de réponse vraisemblable et précise dans un délai de trente jours à compter de la notification de la proposition de rectification, la pénalité prévue par l'article 1759 du code général des impôts serait appliquée. Ce faisant, l'administration fiscale a valablement mis en mesure la société Rezberg Instal de répondre à sa demande relative à l'identité des bénéficiaires des revenus distribués. Or, il n'est pas contesté que la société Rezberg Instal n'a pas transmis cette information dans ce délai. Si M. B... soutient que l'administration fiscale avait connaissance de ces bénéficiaires, cette circonstance est en tout état de cause sans incidence. Par suite, le moyen doit être écarté.
En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :
10. En premier lieu, M. B... n'est pas fondé à se prévaloir de la doctrine référencée BOI-CF-IOR-10-20, laquelle ne donne pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application.
11. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 6 du présent arrêt que M. B... n'est fondé à se prévaloir ni de la réponse ministérielle n° 72 398 à la députée Zimmermann, publiée au Journal officiel le 26 octobre 2010, ni de la réponse ministérielle n° 12142 au sénateur Masson, publiée au Journal officiel le 18 novembre 2010, dès lors que les sommes ayant constitué l'assiette des amendes qui ont été infligées à la société Rezberg Instal sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts ont en l'espèce été effectivement désinvesties. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de ces réponses ministérielles doivent être écartés.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, où siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- M. Aggiouri, premier conseiller,
- M. Perroy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juin 2023.
Le rapporteur,
K. AGGIOURILa présidente,
H. VINOT
La greffière,
A. MAIGNAN
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA04242