Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière HPL Launay a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'une part, d'annuler l'arrêté n° PC 093032 19 C0035 en date du 22 janvier 2020, par lequel le maire de la commune de Gagny (Seine-Saint-Denis) a rejeté la demande de permis de construire présentée pour l'édification d'un ensemble immobilier comprenant soixante-quinze logements, sur le terrain situé 3 et 5 rue de Meaux et 1 à 7 rue des Amandiers, et, d'autre part, d'enjoindre au maire de Gagny de délivrer le permis de construire sollicité ou, à défaut de statuer de nouveau sur sa demande, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 700 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2008721 du 9 juin 2021, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté en date du 22 janvier 2020 du maire de la commune de Gagny et lui a enjoint de réexaminer la demande de permis de construire présentée par la société civile immobilière HPL Launay dans le délai de trois mois à compter de la notification dudit jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 août 2021, la commune de Gagny, représentée par Me Peynet (cabinet Goutal, Alibert et Associés), demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2008721 du 9 juin 2021 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société HPL Launay devant le tribunal administratif de Montreuil ;
3°) de mettre à la charge de la société civile immobilière HPL Launay le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, en tant que la minute ne comporte pas les signatures requises par les dispositions du code de justice administrative ;
- les premiers juges ont entaché leur décision d'une erreur d'appréciation.
La requête a été communiquée à la société HPL Launay qui n'a pas présenté d'observations en défense.
Par ordonnance du 18 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er septembre 2022 à 12 heures
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Diémert,
- et les conclusions de M. Doré, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté n° PC 093032 19 C0035 en date du 22 janvier 2020, le maire de la commune de Gagny a rejeté la demande de permis de construire présentée par la société civile immobilière HPL Launay pour l'édification d'un ensemble immobilier comprenant soixante-quinze logements, sur le terrain sis 3 et 5 rue de Meaux et 1 à 7 rue des Amandiers. La société ayant demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation de cet arrêté, cette juridiction a fait droit à sa demande par un jugement du 9 juin 2021, dont la commune relève appel devant la Cour.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Contrairement à ce que soutient la commune de Gagny, la minute du jugement attaqué comporte les signatures manuscrites requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative aux termes duquel : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit donc être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'incompétence négative :
3. Il ressort des mentions de l'arrêté attaqué que le maire de Gagny a notamment fondé son refus sur le motif tiré de ce que le projet litigieux porte atteinte à la salubrité publique, en tant que la superficie du local dédié au stockage des ordures ménagères est trop faible. Or, l'arrêté contesté se borne, à ce titre, à exposer que : " considérant que l'EPT Grand Paris-Service tri sélectif émet, dans son avis du 17 janvier 2020, un avis défavorable du fait de la superficie du local O.M. trop petit ". Ce motif ne peut qu'être regardé comme révélant la volonté explicite de son auteur à se conformer, sur ce point, à l'avis du service consulté, sans que soit explicitement portée une quelconque appréciation qui soit propre à la commune quant à l'application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Il s'ensuit que la commune n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu ce motif d'annulation, fondé sur la circonstance que son maire n'a pas, en l'espèce, épuisé sa compétence et a ainsi entaché l'arrêté querellé d'incompétence négative.
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 423-22 du code de l'urbanisme :
4. Aux termes de l'article R. 431-4 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire comprend : / a) Les informations mentionnées aux articles R. 431-5 à R. 431-12 ; / b) Les pièces complémentaires mentionnées aux articles R. 431-13 à R. 431-33-1 (...) / Pour l'application des articles R. 423-19 à R. 423-22, le dossier est réputé complet lorsqu'il comprend les informations mentionnées au a et au b ci-dessus. / Aucune autre information ou pièce ne peut être exigée par l'autorité compétente ". L'article R. 423-22 du même code dispose que : " Pour l'application de la présente section, le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41 ". Enfin, aux termes de l'article R. 423-38 dudit code : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, dans le cas prévu par l'article R. 423-48, un échange électronique, indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes ". Il résulte de ces dispositions que l'administration ne peut refuser de délivrer un permis de construire au motif que le dossier de demande est incomplet, sans avoir demandé au pétitionnaire de compléter celui-ci dans le mois suivant la date de son dépôt en mairie.
5. Il ressort en l'espèce des pièces du dossier que la demande de permis de construire présentée par la société requérante comprenait en pièce PC 16-1c, un " plan de coordination des réseaux " faisant apparaître les modalités de raccordement du projet aux réseaux publics, conformément à l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme, ce document étant complété par une " notice VRD " présentant les systèmes d'assainissement et de gestion des eaux pluviales prévus par le projet. Il ne résulte d'aucun élément versé aux débats qu'une demande de communication de pièces manquantes ait été adressée à la société pétitionnaire par le service instructeur dans le mois suivant l'enregistrement de la demande ou de la confirmation de celle-ci. Dès lors, le dossier était réputé complet en vertu de l'article R. 423-22 du code de l'urbanisme, et le maire ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit - et contrairement à ce que soutient la commune en appel, en des termes qui révèlent sans ambiguïté, non pas une critique de l'insuffisance du dossier, mais bien son incomplétude - se fonder, pour rejeter la demande sur l'absence dans celui-ci d'une note de calcul précisant les modalités de gestion des eaux pluviales et d'un plan d'assainissement, alors au demeurant que ces pièces ne sont pas exigées par les dispositions de l'article R. 431-4 du code de l'urbanisme.
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :
6. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Pour apprécier si les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, il appartient à l'autorité compétente en matière d'urbanisme, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.
7. Il ressort de l'avis défavorable rendu le 17 janvier 2020 par le service " Tri sélectif " de l'établissement public territorial Grand Paris Grand Est que les locaux prévus par le projet pour le stockage des ordures ménagères, de 11,97 m² pour le bâtiment A, 12,08 m² pour le bâtiment B, et 18,91 m² pour le bâtiment C, sont d'une superficie insuffisante, dès lors que leur surface respective devrait s'élever, afin de permettre de stocker et de manipuler les bacs nécessaires au vu du nombre de logements créés, à 17,65 m² , à 22,80 m² et à 26,40 m². Toutefois, eu égard à la teneur de la motivation de l'arrêté contesté, et alors que le maire pouvait toujours, s'il s'y croyait fondé, assortir sa décision des prescriptions spéciales nécessaires, la commune ne justifie pas que le sous-dimensionnement de ces locaux techniques ainsi retenu à l'encontre de la demande de permis de construire, à le supposer même établi, génèrerait à lui seul un risque de nature à porter atteinte à la salubrité publique tel que le permis de construire sollicité n'aurait pu être accordé, le cas échéant, assorti de prescriptions.
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 111-8 du code de l'urbanisme :
8. Aux termes de l'article R. 111-8 du code de l'urbanisme : " L'alimentation en eau potable et l'assainissement des eaux domestiques usées, la collecte et l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement ainsi que l'évacuation, l'épuration et le rejet des eaux résiduaires industrielles doivent être assurés dans des conditions conformes aux règlements en vigueur ".
9. Il ressort des termes mêmes de la motivation de l'arrêté querellé que le maire de Gagny s'est borné à estimer que le dossier de demande présenté par le pétitionnaire ne permet pas de vérifier la conformité du projet aux dispositions de l'article R. 111-8 du code de l'urbanisme en ce qu'il ne comporte pas de note de calcul précisant les modalités de gestion des eaux pluviales, ni un plan d'assainissement, sans opposer effectivement la méconnaissance desdites dispositions. Il s'ensuit que le moyen articulé par la société civile immobilière HPL Launay à l'encontre de l'arrêté litigieux devant les premiers juges, et tiré de ce que le maire aurait irrégulièrement fondé sa décision sur la non-conformité du projet à ces dispositions, ne pouvait qu'être écarté comme inopérant. La commune ne peut, en tout état de cause, utilement contester, en appel, le rejet d'un moyen regardé comme inopérant parce que reposant sur une interprétation, qu'elle conteste, des motifs de la décision litigieuse.
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme :
10. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ou encore à la conservation des perspectives monumentales, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé, dans le second temps du raisonnement, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux mentionnés par cet article et, le cas échéant, par le plan local d'urbanisme de la commune.
11. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'environnement bâti du projet est exclusivement constitué, à l'exception d'un marché couvert, de maisons individuelles de gabarit R+1 ou R+2, d'immeubles collectifs de petite taille, et du marché couvert des Amandiers auquel le terrain d'assiette fait face.
12. Or, il ressort des pièces du dossier que le projet, qui vise à l'édification d'un ensemble immobilier de gabarit R+4 porte atteinte, par ses dimensions mêmes, au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants.
13. Dès lors, la commune de Gagny est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu, pour fonder l'annulation des décisions litigieuses, le motif tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme. Si ce motif de rejet de la demande de permis de construire est le seul, parmi la pluralité de motifs retenus, qui ne soit pas entaché d'illégalité, la décision attaquée pouvait légalement se fonder sur ce seul motif, et, en conséquence, ne peut pas être annulée.
14. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a donc lieu de faire droit aux conclusions de la commune tendant à l'annulation du jugement attaqué et, par l'effet dévolutif de l'appel, de rejeter la demande présentée par la société civile immobilière HPL Launay devant le tribunal administratif de Montreuil, cette demande étant fondée sur les cinq motifs sur lesquels il a déjà été statué aux points 3 à 9 du présent arrêt.
Sur les frais du litige :
15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Gagny fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2008721 du 9 juin 2021 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société HPL Launay devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Gagny fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Gagny et à la société civile immobilière HPL Launay.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 juin 2023.
Le rapporteur,
S. DIÉMERTLe président,
J. LAPOUZADELa greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au préfet de Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA04463