Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Cofima a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2011 et 2012 ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1812856/1-3 du 10 novembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 décembre 2021 et le 30 mai 2022, la société Cofima, représentée par Mes Maraux et Hautcoeur, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1812856/1-3 du 10 novembre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge, en droit et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2011 et 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le délai de reprise était expiré en ce qui concerne la mise au rebut, dans le courant de l'année 2010, de certains composants de l'actif immobilisé ;
- elle établit la destruction totale par le locataire des composants de l'immeuble qu'elle a mis au rebut lors de l'exercice clos en 2010 ;
- elle n'avait pas une connaissance suffisante de ces travaux pour procéder à une décomposition plus pertinente de l'immeuble en cause et a repris la décomposition opérée par le précédent propriétaire, laquelle est conforme à la doctrine et a été validée par son commissaire aux comptes ;
- le recours à l'emprunt pour financer la réduction de son capital relève de sa liberté de gestion et les charges financières en résultant sont déductibles du résultat imposable compte tenu de la contrepartie qu'elle y trouve ;
- le caractère délibéré du manquement n'est pas justifié.
Par des mémoires en défense, enregistré le 21 mars et le 25 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Cofima, qui exerce une activité de location d'immeubles, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a mis à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011 et 2012, assorties de la majoration pour manquement délibéré. Elle fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la sous-évaluation de l'actif :
2. La société requérante est propriétaire d'un immeuble situé boulevard St Germain à Paris, qu'elle a donné en location dans le cadre d'un bail commercial conclu en 2006 avec la société PRL. Cet immeuble a fait l'objet d'une comptabilisation par composants, une somme correspondant à 8 % et 46 % de la valeur d'acquisition ayant été retenue pour le terrain et la structure, et de 46 % pour le reste des composants identifiés, à savoir les agencements, l'étanchéité, l'ascenseur et l'électricité. A la suite de lourds travaux de rénovation de l'immeuble effectués par le locataire pour le transformer en local commercial, la requérante a considéré que les agencements, l'étanchéité, l'ascenseur et l'électricité avaient été mis au rebut et a en conséquence comptabilisé la sortie de ces actifs de son bilan et déduit, de ce fait, une perte de 9 029 184 euros de son résultat imposable de l'exercice clos le 31 décembre 2010, soit plus de 43 % de la valeur nette comptable du bien. L'administration fiscale a remis en cause la valeur minorée de cet immeuble telle qu'elle apparaît à l'actif de la société au 1er janvier 2011.
3. En premier lieu, aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Le bis du même article précise que : " Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci. ". Enfin l'article L. 169 du livre des procédures fiscales dispose que " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due.(...) ".
4. Les écritures comptabilisées en l'espèce au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2010, qui était prescrit, affectent la valeur de l'immeuble figurant à l'actif du bilan de clôture de cet exercice, qui se retrouve au bilan d'ouverture de l'exercice clos le 31 décembre 2011, premier exercice non prescrit. L'administration était en droit de remettre en cause cette valeur, qui résulte d'une écriture individualisée du bilan reprise d'un exercice sur l'autre, comme elle l'a fait en contestant les composants retenus par les propriétaires successifs de l'immeuble depuis son acquisition par une société commerciale. Le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait rectifier les déductions opérées au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2010 sans méconnaître les dispositions de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales doit dès lors être écarté.
5. En second lieu, pas plus en appel qu'en première instance la requérante ne rapporte la preuve, comme elle seule peut le faire, que l'immeuble en litige aurait perdu au 1er janvier 2011 plus de 43 % de sa valeur comptable. Il résulte en effet de l'instruction que la requérante avait repris dans sa comptabilité la décomposition comptable de cet immeuble telle qu'elle avait été opérée lors de son acquisition, alors même que cette décomposition était inappropriée, compte tenu à la fois de la vétusté totale des agencements intérieurs lors de la vente de l'immeuble par l'Etat en 2005, ainsi que lors de son inscription en 2009 au bilan de la société aux droits de laquelle elle est venue, et du changement de destination de l'immeuble, lequel avait été autorisé le 10 juin 2005, soit antérieurement à son acquisition. La circonstance qu'un litige soit né entre le propriétaire et le locataire sur la consistance exacte des travaux de réagencement que ce dernier avait été contractuellement autorisé à réaliser est, à cet égard, sans incidence, la requérante ne pouvant ignorer, comme elle le soutient, que l'immeuble subirait un réagencement complet, ainsi que l'avait prévu le bail commercial. Par ailleurs la validation de cette décomposition par le commissaire aux comptes de l'entreprise ne suffit pas plus à établir que l'immeuble aurait, à l'issue de ces travaux, subi une perte de valeur comptable au 1er janvier 2011. Dans ces conditions c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la valeur comptable de l'immeuble figurant au bilan d'ouverture de l'exercice clos le 31 décembre 2011, et a en conséquence rectifié le montant du bénéfice net de cet exercice.
En ce qui concerne les charges financières :
6. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être admises en déduction du bénéfice imposable, les charges doivent avoir été exposées dans l'intérêt direct de l'entreprise ou se rattacher à sa gestion normale, correspondre à une charge effective et être appuyées de justificatifs. L'exécution, par une société, d'opérations présentant un avantage pour un associé ne peut être regardée comme étrangère à une gestion commerciale normale que s'il est établi que l'avantage consenti était contraire ou étranger aux intérêts de cette société.
7. La requérante reprend en appel le moyen tiré de ce qu'elle a bénéficié d'une contrepartie aux charges financières de l'emprunt qu'elle a contracté pour rembourser son unique actionnaire à l'occasion d'une réduction de capital, sans apporter d'élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ce moyen par les premiers juges. Par suite il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le Tribunal.
Sur les pénalités :
8. Pour justifier l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévu par l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fait valoir l'ampleur de la perte de valeur comptable de son actif principal, que la société savait avoir comptabilisée à tort, ainsi que la comptabilisation délibérée de charges financières très importantes, exposées dans l'intérêt exclusif d'un tiers. Dans ces conditions elle doit être regardée comme établissant que la société requérante a sciemment éludé l'impôt. C'est dès lors à bon droit que l'administration a assorti les rectifications de la majoration de 40 % pour manquement délibéré.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Cofima n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Cofima est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Cofima et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2023.
La rapporteure,
P. HAMONLe président,
C. JARDIN
La greffière,
C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA06555