Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris, par une requête enregistrée sous le n°1903350 :
- d'annuler la décision du 28 octobre 2019, confirmant la décision implicite du 27 janvier 2019, par laquelle la société Orange a refusé, d'une part, de lui attribuer rétroactivement un congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter du 6 mai 2011 et, d'autre part, de reconnaître l'imputabilité au service de ses congés de longue maladie et de longue durée à compter de cette même date ;
- de surseoir à statuer et, en application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, saisir pour avis le Conseil d'Etat de la question suivante : le délai de quatre ans dans lequel doit être présentée la demande tendant à ce que la maladie, nécessitant l'attribution du congé de longue durée, soit reconnue comme ayant été contractée dans l'exercice des fonctions, imparti par le 1er alinéa de l'article 32 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 6 du décret n° 2019-122 du 21 février 2019, est-il un délai de prescription ou de forclusion '
Par une seconde requête enregistrée sous le n° 2000016, M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris :
- d'annuler la décision du 28 octobre 2019, confirmant la décision implicite du 27 janvier 2019, par laquelle la société Orange a refusé, d'une part, de lui attribuer rétroactivement un congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter du 6 mai 2011 et, d'autre part, de reconnaître l'imputabilité au service de ses congés de longue maladie et de longue durée à compter de cette même date ;
- d'annuler la décision du même jour, par laquelle la société Orange a prononcé sa mise à la retraite pour invalidité en précisant que celle-ci ne pouvait être imputable au service.
Par un jugement commun n°s 1903350 et 2000016 du 28 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 27 décembre 2021, le 1er avril 2022 et le 15 septembre 2022, M. A..., représenté par Me Arvis, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 28 octobre 2021 et la décision attaquée ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le tribunal a omis de se prononcer sur le moyen tiré de l'inconstitutionnalité des dispositions réglementaires de l'article 32 du décret du 14 mars 1986 et sur les moyens dirigés contre la décision du 28 octobre 2019 prononçant son admission à la retraite pour invalidité ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, faute pour les juges de première instance d'avoir précisé les motifs conduisant à retenir que le délai fixé à l'article 32 du décret du 14 mars 1986 était un délai de forclusion et non de prescription ;
- les juges de première instance ont entaché leur jugement d'une erreur de droit en retenant que le délai imparti par l'article 32 du décret du 14 mars 1986 devait être considéré comme un délai de prescription ;
- ils ont entaché leur jugement d'une seconde erreur de droit et d'une erreur d'appréciation en retenant que l'imputabilité au service de son invalidité ne pouvait être examinée à l'occasion de sa demande d'admission à la retraite ;
- les dispositions de l'article 32 du décret du 14 mars 1986 sont inconstitutionnelles dès lors que le délai de prescription qu'elles édictent relevaient de la compétence du pouvoir législatif et sont, par voie d'exception, inopposables à sa situation.
- elles sont contraires au principe de parité entre les fonctions publiques ;
- à supposer que ces dispositions soient applicables à sa situation, le délai de prescription n'était pas acquis dès lors qu'il ignorait l'existence de sa créance, qu'il est incontestable que la dépression dont il souffre est imputable à son activité professionnelle et que ce délai de quatre années a été suspendu entre le 24 décembre 2014 et 22 décembre 2016, date à laquelle la cour d'appel de Paris s'est prononcée sur un précédent litige tendant notamment à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie ;
- les décisions contestées du 28 octobre 2019 sont entachées d'une erreur d'appréciation dans l'application du délai de l'article 32 du décret du 14 mars 1986.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 juillet 2022 et le 3 octobre 2022, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la société Orange, représentée par Me Naugès, conclut au rejet de la requête et demande à ce que soit mise à la charge de M. A... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le juge administratif est incompétent pour apprécier la constitutionnalité d'une loi ;
- les autres moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lorin,
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,
- et les observations de Me Bourgeois, substituant Me Arvis, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., fonctionnaire de la société Orange depuis 1985, souffrant d'un syndrome dépressif, a été placé en congé de longue maladie à compter du 6 mai 2011, puis en congé de longue durée à compter du 6 mai 2012 et en disponibilité d'office pour raison de santé à compter du 6 mai 2016. Par une décision du 28 octobre 2019, confirmant une décision implicite intervenue 27 janvier 2019, la société Orange a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à lui attribuer rétroactivement un congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter du 6 mai 2011 et, à titre subsidiaire, à reconnaître l'imputabilité au service de ses congés de longue maladie et de longue durée. Par une décision du même jour, la société Orange a prononcé, à sa demande, sa mise à la retraite pour invalidité, en précisant que celle-ci ne pouvait être imputable au service. M. A... relève régulièrement appel du jugement n°s 1903350 et 2000016 du 28 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions du 28 octobre 2019.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, d'une part, il ressort des points 8 à 11 du jugement contesté que les premiers juges ont répondu de façon suffisamment complète et précise au moyen tiré de l'inconstitutionnalité, par voie d'exception, des dispositions réglementaires de l'article 32 du décret du 14 mars 1986. D'autre part, si M. A... soutient que le tribunal ne s'est pas explicitement prononcé sur les moyens soulevés à l'encontre de la décision du 28 octobre 2019 par laquelle la société Orange a prononcé son admission à la retraite pour invalidité, il n'assortit ce moyen d'aucune précision suffisante permettant d'en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, il ressort de ce jugement que le tribunal a visé l'ensemble des moyens venant au soutien des conclusions à fin d'annulation de cette décision, a retenu au point 17 de son jugement que la société Orange était tenue de rejeter la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de la maladie de M. A... en raison de sa tardiveté et a en conséquence écarté les moyens dirigés contre les deux décisions, y compris ceux venant au soutien des conclusions dirigées contre la décision par laquelle la société Orange a prononcé son admission à la retraite pour invalidité, comme étant inopérants. Le tribunal n'a ainsi entaché sa décision d'aucune irrégularité.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
4. Il ressort de la lecture du jugement attaqué que les premiers juges ont énoncé de façon suffisamment complète et précise les motifs pour lesquels ils ont considéré que la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de la pathologie dont souffre M. A... avait été présentée tardivement et était par voie de conséquence forclose. Contrairement à ce qu'il soutient, les juges n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments qu'il avait fait valoir et expliciter les raisons pour lesquelles le délai de quatre années fixées par les dispositions de l'article 32 du décret du 14 mars 1986 constituait un délai de forclusion et non de prescription, une telle critique qui se rapporte au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal, étant sans incidence sur sa régularité.
5. En troisième lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, les moyens tirés de ce que les premiers juges ont entaché le jugement contesté d'erreurs de droit ou d'appréciation, qui ne sont pas susceptibles d'être utilement soulevés devant le juge d'appel mais seulement devant le juge de cassation, doivent être écartés comme étant inopérants.
6. En dernier lieu, il n'appartient pas au juge d'appel, devant lequel l'appelant ne conteste pas l'irrecevabilité opposée à ses conclusions par les juges de premier ressort, de rechercher d'office si cette irrecevabilité a été soulevée à bon droit. En l'espèce, pour rejeter les demandes de M. A... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de ses congés de longue maladie et de longue durée en raison de sa dépression diagnostiquée le 5 mai 2011 et de l'imputabilité au service de sa retraite pour inaptitude physique définitive en raison de cette même dépression, les juges de première instance ont retenu que sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de sa maladie, introduite le 27 novembre 2018, avait été présentée
au-delà du délai de quatre ans fixé par les dispositions de l'article 32 du décret du 14 mars 1986 et était ainsi entachée de forclusion, la société Orange étant par suite tenue de la rejeter. M. A... ne conteste pas l'irrecevabilité opposée à ses conclusions par les juges de première instance. Par suite, sa requête ne peut qu'être rejetée.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Orange, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de ce dernier la somme demandée au même titre par la société Orange.
D E C I D E :
Article 1er: La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Orange au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la société Orange.
Délibéré après l'audience du 22 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Soyez, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 6 octobre 2023.
La rapporteure,
C. LORIN
Le président,
S. CARRERE
La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA06641