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20/10/2023 | FRANCE | N°23PA02202

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 20 octobre 2023, 23PA02202


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 9 août 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2213258 du 28 avril 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a fait droit à la demande de Mme C....

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 17 mai 202

3 sous le n° 23PA02202, le préfet de la Seine-Saint-Denis, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 9 août 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2213258 du 28 avril 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a fait droit à la demande de Mme C....

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 17 mai 2023 sous le n° 23PA02202, le préfet de la Seine-Saint-Denis, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que :

- c'est à tort que la première juge a annulé son arrêté dès lors que ce dernier a été notifié à Mme C... dans son intégralité, que l'auteur de l'acte n'est pas incompétent, que l'arrêté n'est entaché ni d'un défaut de motivation ni d'un défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressée ;

- les autres moyens soulevés par Mme C... devant le tribunal administratif ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 juillet 2023, Mme C... demande le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, le rejet de la requête et la mise à la charge de l'Etat du versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une décision du 28 août 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a accordé à Mme C... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

II. Par une requête, enregistrée le 17 mai 2023 sous le numéro 23PA02203, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2213258 du 28 avril 2023 du tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que les conditions fixées par les articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative sont satisfaites.

La requête a été communiquée à Mme C..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Mme Julliard a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante congolaise née le 25 octobre 1982, a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par une décision du 8 mars 2021, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 31 mai 2022. Le préfet de la Seine-Saint-Denis a, par un arrêté du 9 août 2022, refusé de délivrer à Mme C... un titre de séjour au titre de l'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel du jugement n° 2213258 du 28 avril 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté et demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur la jonction :

2. L'appel et la demande de sursis à exécution présentés par le préfet de la Seine-Saint-Denis étant formés contre un même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur la demande tendant à l'octroi de l'aide juridictionnelle provisoire :

3. Par une décision du 28 août 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis Mme C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. En conséquence, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les conclusions tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur la requête n°23PA02199 :

En ce qui concerne les moyens d'annulation retenus par le tribunal :

4.Il ressort du jugement attaqué que pour annuler l'arrêté en litige, la première juge s'est fondée sur la circonstance que le préfet de la Seine-Saint-Denis, à qui la requête de Mme C... avait été communiquée par le greffe du tribunal, s'était abstenu de produire, alors qu'il y était tenu, l'intégralité de cet arrêté et qu'ainsi, l'autorité préfectorale ne l'avait pas mise en mesure d'examiner les moyens tirés de la compétence de l'auteur de la décision d'obligation de quitter le territoire contenue dans cet arrêté, du caractère suffisant de sa motivation, et du respect de l'examen de la situation personnelle de l'intéressée, la privant ainsi de la possibilité d'en apprécier la légalité.

5. Toutefois, le préfet produit en appel l'arrêté du 9 août 2022 dans son intégralité. Or, en premier lieu, il ressort des pièces du dossier que par l'arrêté n° 2022-0979 du 25 avril 2022, régulièrement publié au bulletin des informations administratives du département de la Seine-Saint-Denis du 26 avril 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné délégation à M. A... B..., signataire de l'arrêté en litige, pour signer, notamment, les décisions portant obligation de quitter le territoire français, celles fixant le délai de départ et celles fixant le pays de destination, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est ni allégué ni établi qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées à la date à laquelle l'arrêté a été pris. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions en litige doit être écarté comme manquant en fait.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. "

7. L'arrêté du 9 août 2022 en litige comporte l'exposé des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement, notamment la demande d'asile présentée par Mme C..., son rejet par l'OFPRA et le rejet de son recours devant la CNDA. Ainsi, et dès lors que le préfet n'était pas tenu de mentionner l'ensemble des éléments de la situation de l'intéressée portés à sa connaissance, mais seulement ceux sur lesquels il entendait fonder sa décision, son arrêté est suffisamment motivé.

8. En troisième lieu, il ne ressort pas de la motivation de l'arrêté litigieux que son auteur n'aurait pas procédé, à un examen sérieux et particulier des éléments relatifs à la situation de la requérante alors portés à sa connaissance.

9. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... devant le tribunal administratif de Montreuil et la Cour.

En ce qui concerne les autres moyens invoqués par Mme C... :

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

11. En se bornant à soutenir qu'elle est en France depuis 2021 ce qui implique nécessairement la reconstitution d'attaches personnelles et qu'elle a fait preuve d'une réelle intégration sociale, Mme C... n'établit pas que la décision en litige méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

13. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination doit être écartée.

14. En second lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradant ".

15. Si Mme C... soutient qu'elle encourt des peines ou traitements inhumains et dégradants en cas de retour en République démocratique du Congo, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir la réalité et l'actualité des risques allégués alors au demeurant que sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA le 8 mars 2021, confirmée par la CNDA le 31 mai 2022. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 9 août 2022. Dès lors, il y a lieu d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Montreuil, ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la requête n° 23PA02203 :

17. Le présent arrêt statuant sur le fond de l'affaire, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de Mme C... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 23PA02203.

Article 3 : Le jugement n° 2213258 du 28 avril 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 4 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Montreuil et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, première conseillère,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2023.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

I. LUBEN

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23PA02202, 23PA02203


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02202
Date de la décision : 20/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : LEBOUL

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-20;23pa02202 ?
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