Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite du 30 avril 2022 par laquelle le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.
Par un jugement n° 2214317/6-2 du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, des mémoires et des pièces, enregistrés le 27 décembre 2022, le
21 février 2023, le 24 avril 2023 et le 9 juin 2023, Mme A..., représentée par Me Güner puis par Me Balme Leygues, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa demande à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de la munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de la première instance, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de la procédure d'appel, sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision est insuffisamment motivée dès lors que le préfet n'a pas répondu dans le délai d'un mois à sa demande de communication des motifs de la décision implicite, présentée dans le délai de recours contentieux ;
- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour, alors qu'elle justifie résider en France de manière continue depuis 2011 ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle justifie d'une intégration sociale et professionnelle significative ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 juin 2023, le préfet de police de Paris s'en remet à la sagesse de la Cour, sollicitant à tout le moins le rejet des moyens de légalité interne invoqués.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mantz, rapporteur,
- les observations de Me Balme Leygues, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante américaine née le 27 janvier 1986 et entrée en France, selon ses déclarations, en juin 2011. Elle a présenté, le 30 décembre 2021, une demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Une décision implicite de rejet est née, le
30 avril 2022, du silence gardé par le préfet de police sur cette demande. Mme A... relève appel du jugement du 29 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier et n'est plus contesté en appel par le préfet de police que Mme A... résidait en France de manière continue depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée. Après avoir validé en 2012 un Master international de santé publique, spécialité " santé-environnement et santé-travail ", Mme A... a exercé divers emplois dans le secteur des services et de la restauration, notamment celui de serveuse dans un salon de thé à Paris 7ème sous contrat à durée indéterminée en 2015, 2016, 2020 et début 2021. Elle a également exercé, d'octobre 2016 à septembre 2018, en qualité d'animatrice de prévention bénévole au titre du programme " Lotus bus " de l'association Médecins du monde, où sa présence a été très appréciée. En complément, elle a développé une activité
d'auto-entrepreneuse en matière de traduction et d'écritures ainsi que d'enseignement de l'anglais, dont elle justifie à compter de l'année 2021. Ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, eu égard notamment aux gages sérieux d'insertion sociale et professionnelle que présente l'intéressée, attestée en outre par de nombreux témoignages de personnes l'ayant rencontrée dans le cadre de programmes associatifs ou alternatifs à vocation sociale ou environnementale, cette dernière doit être regardée comme faisant valoir des motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour. Par suite, le préfet de police, en rejetant sa demande de titre de séjour, a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance à Mme A... d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de police, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. D'une part, Mme A... n'est pas fondée à demander que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre de la première instance.
7. D'autre part, s'agissant de la présente instance d'appel, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que Mme A... aurait formé une demande d'aide juridictionnelle. Par suite, il y a lieu de rejeter sa demande au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de
1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2214317/6-2 du tribunal administratif de Paris du
29 novembre 2022 et la décision implicite de rejet du préfet de police du 30 avril 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Briançon, présidente,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 octobre 2023.
Le rapporteur,
P. MANTZLa présidente,
C. BRIANÇON
La greffière,
A. GASPARYAN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA05513 2