La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/01/2024 | FRANCE | N°23PA02009

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 10 janvier 2024, 23PA02009


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2022 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2221471/8 du 28 décembre 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :


r> Par une requête enregistrée le 10 mai 2023, M. B..., représenté par Me Rosin, demande à la Cour :



1°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2022 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2221471/8 du 28 décembre 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 mai 2023, M. B..., représenté par Me Rosin, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 décembre 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juillet 2022 ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut " salarié " ou " travailleur temporaire " ou " étudiant ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat au titre des frais de procès de la première instance, la somme de 1 250 euros hors taxes sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil, sous réserve de son renoncement à la somme correspondant à la part contributive de l'Etat

6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à

son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier car insuffisamment motivé ;

- sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision par laquelle le préfet a refusé de l'admettre à titre exceptionnel au séjour en application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est insuffisamment motivée ;

- le préfet, qui n'a pas examiné si sa qualification, son expérience et ses diplômes ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule étaient de nature à caractériser des circonstances exceptionnelles au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier ;

- la décision de refus de titre de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination ;

- ces décisions sont illégales en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris en date du 20 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-sénégalais relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre la France et le Sénégal du 23 septembre 2006 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant sénégalais né le 8 novembre 2001, est entré en France, selon ses déclarations, le 28 juin 2018. Le 20 octobre 2021, il a saisi le préfet de police d'une demande de titre de séjour et, par un arrêté du 13 juillet 2022, le préfet a rejeté cette demande, a obligé M. B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 28 décembre 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments présentés par M. B... à l'appui de ses moyens, ont indiqué de manière suffisamment précise les motifs pour lesquels ils ont écarté les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision portant refus de titre de séjour et de l'absence d'examen particulier de la situation du requérant. Dès lors, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation du jugement attaqué ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour, qui vise les textes applicables, mentionne que M. B... a suivi une formation en CAP cuisine pour l'année 2021-2022. Elle fait référence au niveau d'études atteint par l'intéressé et relève notamment que celui-ci s'est maintenu volontairement sur le territoire français sans qu'aucune circonstance particulière justifie son maintien en situation irrégulière, qu'il n'atteste pas d'une vie privée et familiale, qu'il est célibataire et sans enfant et n'est pas démuni d'attaches familiales à l'étranger et que, pour ces motifs, il ne peut être regardé comme établissant la réalité de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour. Dès lors, contrairement à ce que soutient le requérant, cette décision, qui tient compte notamment de son contrat d'apprentissage en qualité de cuisinier, est suffisamment motivée.

5. En deuxième lieu, il résulte des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet de police a examiné la demande d'admission exceptionnelle de M. B... en tenant compte des caractéristiques de son emploi, du niveau d'études atteint par l'intéressé et des éléments relatifs à sa situation personnelle. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. ".

7. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions par un étranger, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

8. M. B... soutient qu'il occupait, à la date de l'arrêté attaqué, un emploi d'apprenti cuisinier, qu'il a suivi sa formation avec sérieux et justifie d'une expérience professionnelle suffisante pour postuler à un tel emploi et que sa formation en apprentissage aurait dû se poursuivre jusqu'au mois d'août 2023. Il se prévaut également de son insertion dans la société française par ses activités associatives et de bénévolat. Toutefois, entré récemment en France en 2018, M. B... est célibataire, sans charge de famille et ne justifie d'aucune attache sur le territoire français alors qu'il n'est pas isolé au Sénégal où il a vécu jusqu'à l'âge de seize ans et où résident ses parents. Il n'est en outre pas établi que le requérant n'aurait plus de contact avec les membres de sa famille résidant au Sénégal. Si M. B... se prévaut d'un contrat d'apprentissage en qualité de cuisinier, ce contrat de travail, conclu pour une durée de deux années, est par nature précaire et ne donne pas vocation au requérant à occuper cet emploi de manière pérenne. La seule attestation du directeur de l'entreprise auprès de laquelle il a effectué son apprentissage, au demeurant postérieure à la décision attaquée, ne saurait, en tout état de cause, être regardée, compte tenu des termes employés, comme une promesse d'embauche. Dès lors, l'intéressé ne peut être regardé comme justifiant de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires au sens de l'article L. 435-1 précité. Le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions doit être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

10. M. B... soutient que, bien que son entrée en France soit relativement récente, il justifie avoir noué d'importantes relations sociales sur le territoire français grâce à ses activités associatives et de bénévolat et qu'il justifie du caractère sérieux des études et formations suivies depuis son entrée en France. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., entré en France, selon ses déclarations le 28 juin 2018, alors qu'il était encore mineur, a été scolarisé en 2019-2020 et 2020-2021, en Unité pédagogique pour élèves allophones arrivants, puis a débuté un apprentissage, d'une durée de deux années, en qualité de cuisinier en octobre 2021. S'il est établi par les pièces versées au dossier que M. B... a été investi tout au long de son parcours scolaire et a donné satisfaction à son employeur, et qu'il a également participé à des activités au sein de différentes associations, ces circonstances ne sont pas suffisantes pour considérer que le centre des intérêts privés et familiaux du requérant se trouverait désormais en France alors que, d'une part, à la date de la décision attaquée, le séjour de M. B... en France présentait un caractère récent et que, d'autre part, le requérant, célibataire et sans charge de famille, ne se prévaut d'aucune attache personnelle ou familiale en France et n'est pas isolé au Sénégal où résident notamment ses parents et alors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il n'aurait plus de contact avec les membres de sa famille qui résident au Sénégal. Par ailleurs le requérant n'établit ni même n'allègue qu'il ne pourrait poursuivre sa scolarité au Sénégal. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le préfet de police a pu, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rejeter la demande de titre de séjour présentée sur ce fondement par M. B....

11. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux invoqués au point précédent, le moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour serait entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation des conséquences que celle-ci emporterait sur la situation du requérant doit être écarté.

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français, accordant à M. B... un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination :

12. En premier lieu, M. B... n'est, en tout état de cause, pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision refusant son admission au séjour à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

13. En second lieu, le moyen tiré de ce que les décisions litigieuses seraient entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elles emporteraient sur la situation du requérant doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10 du présent arrêt.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 13 juillet 2022. Les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1990 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

-Mme C..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 janvier 2024.

La rapporteure,

N. ZEUDMI-SAHRAOUI

Le président,

B. AUVRAY La greffière

L. CHANA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA02009


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02009
Date de la décision : 10/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Nadia ZEUDMI-SAHRAOUI
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : ROSIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-10;23pa02009 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award