La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/01/2024 | FRANCE | N°22PA02176

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 12 janvier 2024, 22PA02176


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Pharmacie de la gare Saint-Lazare a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2020 par lequel le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France a autorisé Mme C... B..., représentante de la société Grande Pharmacie Bailly, à transférer l'officine de pharmacie dont elle est titulaire du 15, rue de Rome vers le 108-110, rue Saint-Lazare à Paris (75008), et a octroyé à l'officine sise à cette adresse

une licence d'exploitation d'une pharmacie, ainsi que la décision implicite de rejet de son re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Pharmacie de la gare Saint-Lazare a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2020 par lequel le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France a autorisé Mme C... B..., représentante de la société Grande Pharmacie Bailly, à transférer l'officine de pharmacie dont elle est titulaire du 15, rue de Rome vers le 108-110, rue Saint-Lazare à Paris (75008), et a octroyé à l'officine sise à cette adresse une licence d'exploitation d'une pharmacie, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 2108049/6-3 du 10 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a admis l'intervention de la société Grande Pharmacie Bailly et a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 mai 2022 et 28 avril 2023, la société Pharmacie de la gare Saint-Lazare, représentée par Me Laurie, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 10 mars 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2020 du directeur général de l'ARS d'Île-de-France et la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'ARS d'Île-de-France la somme de 7 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que le moyen tiré de la spécificité de sa situation de pharmacie de gare n'a pas été examiné ;

- il méconnaît les dispositions des articles L. 5125-3 et L. 5125-3-1 du code de la santé publique et est entaché d'une erreur de droit en ce que sa situation au sein d'une gare n'a pas été prise en compte ;

- l'arrêté du 13 octobre 2020 méconnaît les dispositions de l'article L. 5125-3-2 du code de la santé publique dès lors que l'accès au nouveau local des personnes à mobilité réduite n'est pas assuré de manière optimale :

- il a été pris au regard de déclarations frauduleuses de la part de la société Grande Pharmacie Bailly et est entaché de détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 mars 2023, l'ARS d'Île-de-France conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au ministre de la santé et de la prévention, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

La clôture de l'instruction a été fixée au 5 juin 2023.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- l'arrêté du 30 juillet 2018 fixant la liste des pièces justificatives accompagnant toute demande de création, de transfert ou de regroupement d'officines de pharmacie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Laurie, représentant la société Pharmacie de la gare Saint-Lazare.

Considérant ce qui suit :

1. La société Pharmacie de la gare Saint-Lazare exploite une pharmacie située cour de Rome, galerie des Marchands de la gare Saint-Lazare, à Paris. Elle relève appel du jugement du 10 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 13 octobre 2020 du directeur général de l'ARS d'Île-de-France autorisant Mme C... B..., représentante de la société Grande Pharmacie Bailly, à transférer l'officine de pharmacie dont elle est titulaire du 15, rue de Rome vers le 108-110, rue Saint-Lazare à Paris, et octroyant à l'officine sise à cette adresse une licence d'exploitation d'une pharmacie, et, d'autre part, de la décision implicite de rejet de son recours gracieux contre cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Contrairement à ce que soutient l'appelante, les premiers juges n'étaient pas tenus d'examiner spécifiquement la circonstance alléguée par la société Pharmacie de la gare Saint-Lazare tirée de sa situation spécifique au sein d'une gare, laquelle constituait un argument à l'appui du moyen tiré de l'erreur de droit relative à la délimitation du quartier à laquelle a procédé le directeur général de l'ARS d'Île-de-France. Il ressort en tout état de cause des termes du jugement attaqué qu'il répond, au point 6, à ce dernier moyen, et qu'est en outre écartée comme inopérante, au point 11, l'argumentation de la requérante relative aux effets de la décision litigieuse sur sa propre situation. Le jugement attaqué n'est donc pas entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique : " Lorsqu'ils permettent une desserte en médicaments optimale au regard des besoins de la population résidente et du lieu d'implantation choisi par le pharmacien demandeur au sein d'un quartier défini à l'article L. 5125-3-1, d'une commune ou des communes mentionnées à l'article L. 5125-6-1, sont autorisés par le directeur général de l'agence régionale de santé, respectivement dans les conditions suivantes : / 1° Les transferts et regroupements d'officines, sous réserve de ne pas compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente du quartier, de la commune ou des communes d'origine. / L'approvisionnement en médicaments est compromis lorsqu'il n'existe pas d'officine au sein du quartier, de la commune ou de la commune limitrophe accessible au public par voie piétonnière ou par un mode de transport motorisé répondant aux conditions prévues par décret, et disposant d'emplacements de stationnement ; (...) ". Aux termes de l'article L. 5125-3-1 du même code : " Le directeur général de l'agence régionale de santé définit le quartier d'une commune en fonction de son unité géographique et de la présence d'une population résidente. L'unité géographique est déterminée par des limites naturelles ou communales ou par des infrastructures de transport. / Le directeur général de l'agence régionale de santé mentionne dans l'arrêté prévu au cinquième alinéa de l'article L. 5125-18 le nom des voies, des limites naturelles ou des infrastructures de transports qui circonscrivent le quartier. ". Aux termes de l'article L. 5125-3-2 de ce code dans sa version en vigueur à la date de la décision litigieuse : " Le caractère optimal de la desserte en médicaments au regard des besoins prévu à l'article L. 5125-3 est satisfait dès lors que les conditions cumulatives suivantes sont respectées : / 1° L'accès à la nouvelle officine est aisé ou facilité par sa visibilité, par des aménagements piétonniers, des stationnements et, le cas échéant, des dessertes par les transports en commun ; / 2° Les locaux de la nouvelle officine remplissent les conditions d'accessibilité mentionnées à l'article L. 111-7-3 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que les conditions minimales d'installation prévues par décret. Ils permettent la réalisation des missions prévues à l'article L. 5125-1-1 A du présent code et ils garantissent un accès permanent du public en vue d'assurer un service de garde et d'urgence ; (...) ". Et aux termes de l'article L. 111-7-3 du code de la construction et de l'habitation : " Les établissements recevant du public situés dans un cadre bâti existant doivent être tels que toute personne handicapée puisse y accéder, y circuler et y recevoir les informations qui y sont diffusées, dans les parties ouvertes au public. L'information destinée au public doit être diffusée par des moyens adaptés aux différents handicaps. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 5125-3-3 du code de la santé publique : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 5125-3-2, le caractère optimal de la réponse aux besoins de la population résidente est apprécié au regard des seules conditions prévues aux 1° et 2° du même article dans les cas suivants : / 1° Le transfert d'une officine au sein d'un même quartier, ou au sein d'une même commune lorsqu'elle est la seule officine présente au sein de cette commune ; / 2° Le regroupement d'officines d'un même quartier au sein de ce dernier. ".

4. En premier lieu, le directeur général de l'ARS d'Île-de-France a, dans l'arrêté litigieux du 13 octobre 2020, relevé que le transfert projeté avait lieu au sein d'un même quartier et procédé à la définition du quartier d'origine de la pharmacie exploitée par la société Grande Pharmacie Bailly, dont le transfert était sollicité, en application de l'article L. 5125-3-1 du code de la santé publique. Il l'a ainsi précisément délimité au nord par la rue de Madrid et la rue de Liège, à l'est par la rue d'Amsterdam, au sud par le boulevard Haussmann et à l'ouest par le boulevard Malesherbes, ce périmètre englobant donc l'emprise de la gare Saint-Lazare. La société requérante, qui ne conteste pas la pertinence de cette définition, ne peut utilement soutenir que sa propre situation, dans l'enceinte de la gare Saint-Lazare, aurait dû à cet égard être prise en compte. L'administration étant saisie d'une demande d'autorisation de transfert et non de création d'une officine, elle n'avait pas davantage à prendre en considération, dans son appréciation des conséquences du transfert au sein d'un même quartier, l'implantation de la pharmacie exploitée par la société requérante à proximité du lieu du transfert.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que les locaux devant accueillir la pharmacie exploitée par la société Grande Pharmacie Bailly après son transfert comprennent trois entrées, dont l'une est accessible aux personnes à mobilité réduite. Le pharmacien inspecteur de santé publique a ainsi émis un favorable sur ce point, relevant un accès satisfaisant pour les personnes handicapées en raison d'une entrée de plain-pied avec le trottoir et d'un ascenseur permettant l'accès au premier étage ainsi qu'à l'une des trois pièces de confidentialité. La société Pharmacie de la gare Saint-Lazare n'est donc pas fondée à soutenir que l'arrêté du 13 octobre 2020 méconnaîtrait les dispositions du 2° de l'article L. 5125-3-2 du code de la santé publique.

6. En dernier lieu, la société requérante soutient que l'arrêté du 13 octobre 2020 serait entaché d'un détournement de pouvoir et aurait été pris au vu de déclarations frauduleuses, dès lors notamment que le transfert litigieux a été autorisé malgré l'existence d'une procédure de redressement judiciaire prononcée par un jugement du tribunal de commerce de Paris du 27 décembre 2022, faisant obstacle à la cession de la licence d'exploitation de la pharmacie. Toutefois, ce jugement est postérieur à la décision de transfert, laquelle en outre ne concerne pas une cession de licence d'exploitation. Enfin, si la gérante de la société Grande pharmacie Bailly a été condamnée en 2018 pour ouverture illicite d'un établissement pharmaceutique et vente de produits psychotropes, cette circonstance est sans influence sur la légalité de l'arrêté litigieux, l'article 2 de l'arrêté du 30 juillet 2018, qui fixe la liste des pièces justificatives accompagnant toute demande de transfert d'officines de pharmacie, exigeant uniquement de justifier de la qualification de pharmacien, par la production d'une attestation d'inscription au tableau de la section compétente de l'ordre des pharmaciens, sans avoir à faire mention d'éventuelles condamnations pénales antérieures. Le moyen ne peut donc qu'être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Pharmacie de la gare Saint-Lazare n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 10 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 octobre 2020.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'ARS d'Île-de-France, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Pharmacie de la gare Saint-Lazare au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Pharmacie de la gare Saint-Lazare est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Pharmacie de la gare Saint-Lazare, à l'agence régionale de santé d'Île-de-France, à la société Grande Pharmacie Bailly et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2024.

La rapporteure,

G. A...Le président,

I. LUBEN

La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA02176


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02176
Date de la décision : 12/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : LAURIE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-12;22pa02176 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award