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27/02/2024 | FRANCE | N°22PA01903

France | France, Cour administrative d'appel, 9ème chambre, 27 février 2024, 22PA01903


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011.



Par un jugement n° 1808818 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Melun a dit n'y avoir pas lieu de statuer sur les conclusions de leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de contribut

ions sociales à hauteur des montants dégrevés en cours d'instance et a rejeté le surplus des conc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1808818 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Melun a dit n'y avoir pas lieu de statuer sur les conclusions de leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de contributions sociales à hauteur des montants dégrevés en cours d'instance et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 avril 2022, M. et Mme A..., représentés par Me Delpeyroux, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 avril 2022 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de leur demande ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011 restant en litige.

Ils soutiennent que :

- les dépenses litigieuses ont bien été engagées dans l'intérêt direct de la société Karvina ;

- la preuve de l'existence des revenus distribués par la société Karvina et de leur appréhension n'est pas rapportée par l'administration ;

- la doctrine administrative référencée BOI-RPPM-RCM-10-20-10 n° 220 du 12 septembre 2012 rappelle que l'administration doit justifier du bien-fondé des rehaussements apportés aux résultats sociaux et établir que les sommes regardées comme distribuées ont été mises à la disposition effective du contribuable ;

- la doctrine administrative référencée BOI-RPPM-RCM-10-20-10 n° 260 précise que pour l'imposition des bénéfices désinvestis et à moins qu'elle ne soit en mesure d'apporter la preuve de leur attribution effective à une personne déterminée, l'administration est tenue de mettre en œuvre la procédure prévue à l'article 117 du code général des impôts ;

- l'imposition établie sur une base identique entre les deux associés sans aucun élément permettant d'établir l'appréhension par l'un ou l'autre des sommes rejetées des charges déductibles n'est pas justifiée, de sorte que l'administration était tenue de mettre en œuvre l'article 117 du code général des impôts ;

- les frais regardés comme des revenus distribués par la société Karvina correspondent à des dépenses engagées pour le compte de la société Gimaex Intl, dont elle percevait une rémunération au titre d'une assistance administrative, ou à des dépenses de relations publiques engagées en vue de développer les activités de ses filiales ou sous-filiales.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- il convient de substituer aux bases légales initialement retenues, à savoir le 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts et le c de l'article 111 du même code, les dispositions du 1° du 1 de l'article 109 de ce code, M. et Mme A... étant les maîtres de l'affaire et présumés, en cette qualité, avoir appréhendé les revenus distribués par la société Karvina ;

- les autres moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boizot ;

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Karvina, dont M. et Mme A... étaient les co-gérants et les co-associés à parts égales, a été soumise en 2013 à une vérification de comptabilité, qui a été suivie d'un contrôle sur pièces du dossier fiscal personnel de M. et Mme A... au titre des années 2010 et 2011. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a imposé en dernier lieu entre les mains de M. et Mme A..., dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, en application des dispositions du 2° du 1. de l'article 109 et du 2° du 7. de l'article 158 du code général des impôts, une somme de 37 157 euros au titre de l'année 2010 et une somme de 92 160 euros au titre de l'année 2011, cette dernière somme ayant été ramenée à 78 887 euros en conséquence de l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires dans le dossier de la société Karvina Par un jugement du 7 avril 2022 dont ils relèvent régulièrement appel, le tribunal administratif de Melun a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011, à hauteur des montants dégrevés en cours d'instance, et a rejeté le surplus de leur demande.

2. Aux termes du 1. de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. / Les sommes imposables sont déterminées pour chaque période retenue pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés par la comparaison des bilans de clôture de ladite période et de la période précédente selon des modalités fixées par décret en conseil d'Etat ". Aux termes de l'article 47 de l'annexe II à ce code : " Toute rectification du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre d'une période sera prise en compte au titre de la même période pour le calcul des sommes distribuées ".

Sur la substitution de base légale :

3. L'administration a imposé entre les mains de M. et Mme A... les revenus réputés distribués correspondant au rehaussement du résultat imposable de la société Karvina au titre des exercices clos le 31 décembre 2010 et le 31 décembre 2011 résultant de minorations de recettes de 92 835 euros, majorés de 25 % en application du 7 de l'article 158 du code général des impôts, sur le double fondement du 2° du 1. de l'article 109 du même code et du c de l'article 111 de ce code. Le ministre demande en appel qu'à ces dispositions soient substituées celles du 1° du 1. de l'article 109 de ce code.

4. L'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de demander, pour justifier le bien-fondé d'une imposition, que soit substituée une base légale à celle qu'elle avait initialement invoquée, dès lors que cette substitution ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure qui lui sont reconnues par la loi compte tenu de la base légale substituée.

5. Il résulte de l'instruction que les impositions en litige ont été établies selon la procédure de rectification contradictoire. Les contribuables n'ayant été privés d'aucune des garanties attachées à la mise en œuvre du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, la substitution de base légale demandée par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique peut donc être admise.

Sur les revenus distribués :

6. En vertu du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital sont considérés comme des revenus distribués. En cas, comme en l'espèce, de refus des propositions de rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées par une société, il incombe à l'administration d'apporter la preuve de l'existence, du montant et de l'appréhension des distributions par l'intéressé.

7. Des dépenses déduites en tant que charges par la société Karvina, regardées par l'administration comme des dépenses personnelles des requérants et non engagées dans l'intérêt de la société, majorées de 25 %, ont été imposées, sur le fondement des dispositions du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, à concurrence de la somme globale de 37 157 euros au titre de 2010 et 78 887 euros en définitive en 2011.

En ce qui concerne les distributions de bénéfices de la société Karvina :

S'agissant du voyage en Grèce :

8. L'administration relève, d'une part, que la SARL Karvina est une société holding qui ne réalise pas de chiffre d'affaires à l'export et dont le seul client est sa filiale à 17,6 % la SAS Gimaex International, avec laquelle elle n'est liée que par une convention de prestations de services administratifs et d'assistance stratégique, ne prévoyant pas de prestations de nature commerciale. Elle relève, d'autre part, que la société se borne à produire une facture pour un séjour en Grèce du 12 au 18 juillet 2011 et d'une liste d'invités présentés comme des clients de sa filiale, sans justifier de retombées économiques précises au-delà de l'invocation générale de relations publiques à destination de clients, fournisseurs ou partenaires habituels en vue de promouvoir son image et d'en retirer un bénéfice. Elle établit ainsi l'absence de contrepartie retirée par la société Karvina à l'engagement de telles dépenses.

S'agissant de la location d'une villa à Grimaud (Var) :

9. Alors que la villa en litige appartient à la SARL Maxmis détenue à 100 % par la SARL Karvina et n'est autrement jamais louée, l'administration, en relevant qu'une telle location, en période estivale, n'était accompagnée d'aucune justification de retombées économiques précises auprès des bénéficiaires de la location, établit l'absence de contrepartie retirée par la société Karvina de cette location.

S'agissant de la location d'un bateau de plaisance en Corse :

10. En relevant l'absence de lien établi entre cette location, d'une durée de cinq jours, et des opérations réalisées avec une éventuelle clientèle de la SARL Karvina, alors au surplus qu'une écriture au compte courant de M. et Mme A... en date du 14 mars 2011 permet de constater le paiement d'un droit annuel de navigation par le débit de ce compte, l'administration établit l'absence de contrepartie retirée par la société Karvina de cette location. A supposer même, comme l'affirment les intéressés, que ce bateau aurait été utilisé pour offrir des promenades en mer à de potentiels clients dans le cadre d'une opération de relations publiques, une telle utilisation est sans rapport avec l'objet social de la société Karvina, qui est l'acquisition, la détention, la cession de valeurs mobilières, de participations directes ou indirectes dans le capital de sociétés françaises ou étrangères de toutes natures et les prestations de consultation et de conseils en ressources humaines.

S'agissant de l'achat de vêtement, chaussures, lunettes de soleil, bagages et voyage aux

Etats-Unis :

11. L'administration établit, en l'absence de justification quant aux bénéficiaires de ces achats ou à l'objet du voyage en cause à Palm Beach, l'absence de contrepartie retirée par la société Karvina de ces achats.

12. Il résulte de ce qui a été indiqué aux points 8 à 11 que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que l'administration n'a pas apporté la preuve lui incombant de distributions de bénéfices de la société Karvina, constitutives d'un désinvestissement à leur profit. En outre, ils ne peuvent utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 220 de la documentation administrative BOI-RPPM-RCM-10-20-10, qui, en tout état de cause, ne comporte pas d'interprétation différente de celle qui résulte de la loi fiscale.

En ce qui concerne l'appréhension des distributions par M. et Mme A... :

13. Le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle pour l'application de l'article 109, 1., 1° du code général des impôts.

14. L'administration a retenu que M. et Mme A..., membres d'un même foyer fiscal, détenaient la totalité du capital de la société Karvina, en étaient les co-gérants statutaires et exerçaient la direction administrative et commerciale de l'entreprise en général. Au regard de ces éléments, elle a établi, ainsi qu'elle en a la charge, que M. et Mme A... exerçaient conjointement la maîtrise de l'affaire et a pu les présumer avoir appréhendé chacun 50 % des revenus distribués, ce que les requérants ne remettent pas en cause en se bornant à indiquer qu'elle n'apporte pas la preuve de leur appréhension des sommes en litige. En application du principe rappelé au point 13, la qualité de maître de l'affaire suffit à présumer les intéressés bénéficiaires des revenus distribués, en application du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts.

15. Par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article 117 du code général des impôts que, si l'administration s'abstient d'inviter une personne morale à lui faire parvenir des indications sur les bénéficiaires d'un excédent de distribution qu'elle a constaté, cette abstention a seulement pour effet de la priver de la possibilité d'assujettir cette personne morale à l'impôt sur le revenu à raison des sommes correspondantes, mais est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'égard des personnes physiques qui ont bénéficié de la distribution et que l'administration, compte tenu des renseignements dont elle dispose, est en mesure d'identifier. Il suit de là que, dès lors que M. et Mme A... avaient été identifiés par l'administration comme étant les maîtres de l'affaire, le moyen tiré de ce qu'elle aurait dû procéder à une demande de désignation des bénéficiaires des revenus présumés distribués, en vertu des dispositions de l'article 117 du code général des impôts, doit être écarté comme inopérant. Enfin, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 260 de la documentation administrative BOI-RPPM-RCM-10-20-10 qui traite de la procédure d'établissement de l'impôt.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré).

Délibéré après l'audience du 2 février 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Fombeur, présidente de la Cour,

- M. Carrère, président de chambre,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 27 février 2024.

La rapporteure,

S. BOIZOTLa présidente,

P. FOMBEUR

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA01903 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01903
Date de la décision : 27/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. FOMBEUR
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : CABINET DELPEYROUX

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-27;22pa01903 ?
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