Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 28 avril 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, le procès-verbal de notification de cet arrêté, l'arrêté du 29 avril 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne a ordonné son placement en rétention et le procès-verbal de notification de ses droits en rétention du même jour.
Par une ordonnance n° 2204545 du 7 mai 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a transmis au tribunal administratif de Paris, en application des dispositions du 2° de l'article R. 776-15 du code de justice administrative, la demande de M. A... B....
Par un jugement n° 2210974 du 20 mai 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 14 juin 2022 sous le n° 22PA02740, M. A... B..., représenté par Me Sando, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 28 avril 2022 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français et de l'arrêté du 29 avril 2022 ordonnant son placement en rétention ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué, qui omet de répondre à son moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 251-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est entaché d'irrégularité ;
- sa demande de première instance était recevable, les arrêtés attaqués ne lui ayant pas été notifiés avec l'assistance d'un interprète ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui mentionne qu'il est célibataire alors qu'il est marié, est entachée d'une erreur de fait ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui indique qu'il ne dispose pas de documents d'identité et transfrontières en cours de validité alors qu'il est en possession d'un passeport valide, est entachée d'une erreur de fait ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 251-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté ordonnant son placement en rétention est entachée d'une erreur de droit dès lors que sa notification, sans l'assistance d'un interprète, a été irrégulière et que ses droits en rétention ne lui ont pas été notifiés.
La requête de M. A... B... a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne qui n'a pas produit d'observations.
Par un courrier du 29 janvier 2024, une mesure d'instruction a été diligentée par la Cour.
Par un mémoire, enregistré le 12 février 2024, M. A... B... a répondu à cette mesure.
Par un courrier du 31 janvier 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur deux moyens relevés d'office.
Des observations, enregistrées le 7 février 2024, ont été présentées sur ce moyen pour M. A... B....
II. Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2023 sous le n° 23PA05221, M. A... B..., représenté par Me Sando, demande à la Cour de prononcer, en application de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution de ce jugement.
Il soutient que :
- l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner pour lui des conséquences difficilement réparables, eu égard à sa situation personnelle, professionnelle et familiale ;
- les moyens énoncés dans sa requête revêtent un caractère sérieux.
La requête de M. A... B... a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur,
- et les observations de Me Sando, avocat de M. A... B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant capverdien, né le 24 décembre 1986, a fait l'objet d'un arrêté du 28 avril 2022 de la préfète du Val-de-Marne l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et d'un arrêté du 29 avril 2022 de la préfète du Val-de-Marne ordonnant son placement en rétention. Le requérant fait appel du jugement du 20 mai 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris en tant qu'il rejette les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 avril 2022 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français et de l'arrêté du 29 avril 2022 ordonnant son placement en rétention.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une décision de placement en rétention peut la contester devant le juge des libertés et de la détention, dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification (...) ".
3. La demande présentée par M. A... B... devant le tribunal administratif de Paris tendait, notamment, à l'annulation de l'arrêté du 29 avril 2022 de la préfète du Val-de-Marne ordonnant son placement en rétention. Il résulte cependant des dispositions précitées que seul le juge de la liberté et de la détention est compétent pour connaître des conclusions dirigées contre les décisions de placement en rétention. Dès lors, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué du 20 mai 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris s'est reconnu compétent pour connaître des conclusions de la demande de M. A... B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 avril 2022 de la préfète du Val-de-Marne ordonnant son placement en rétention et, statuant par voie d'évocation, de rejeter ces conclusions comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
4. En second lieu, il résulte de l'examen du jugement attaqué du 20 mai 2022 que celui-ci a omis de viser et de répondre au moyen soulevé par M. A... B..., à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 avril 2022 de la préfète du Val-de-Marne l'obligeant à quitter le territoire français, et tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 251-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'était pas inopérant. Par suite, le jugement attaqué est également irrégulier en tant qu'il statue sur ces conclusions et doit être annulé dans cette mesure.
5. Il y a lieu, pour la Cour, de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la demande de M. A... B... tendant à l'annulation l'arrêté préfectoral du 28 avril 2022.
Sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 avril 2022 :
6. D'une part, aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes de l'article L. 614-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français est notifiée avec une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 731-1 ou une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 741-1, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de ces mesures ". Aux termes de l'article R. 776-4 du code de justice administrative : " Conformément aux dispositions de de l'article L. 614-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le délai de recours contentieux contre les décisions mentionnées à l'article R. 776-1 en cas de placement en rétention administrative ou d'assignation à résidence en application des articles L. 731-1 ou L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est de quarante-huit heures. Ce délai court à compter de la notification de la décision par voie administrative ". Aux termes de l'article R. 776-19 du même code : " Si, au moment de la notification d'une décision mentionnée à l'article R. 776-1, l'étranger est retenu par l'autorité administrative, sa requête peut valablement être déposée, dans le délai de recours contentieux, auprès de ladite autorité administrative (...) ".
7. D'autre part, aux termes de l'article L. 613-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel est notifiée une décision portant obligation de quitter le territoire français est également informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments, traduits dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend, des décisions qui lui sont notifiées en application des chapitres I et II ". Aux termes de l'article L. 141-2 du même code : " Lorsqu'un étranger fait l'objet d'une décision de refus d'entrée en France, de placement en rétention ou en zone d'attente, de retenue pour vérification du droit de circulation ou de séjour ou de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire. / Ces informations sont mentionnées sur la décision de refus d'entrée, de placement ou de transfert ou dans le procès-verbal prévu au premier alinéa de l'article L. 813-13. Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure. / Si l'étranger refuse d'indiquer une langue qu'il comprend, la langue utilisée est le français ". Aux termes de l'article L. 141-3 de ce code : " Lorsque les dispositions du présent code prévoient qu'une information ou qu'une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire (...) ".
8. Si M. A... B... soutient qu'il " ne comprend pas bien la langue française " et qu'" il a toujours été assisté, lors de toutes ses procédures, par un interprète ", notamment devant le juge des libertés et de la détention, il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal du 29 avril 2022 de notification de ses droits en rétention, et il n'est d'ailleurs pas contesté que l'agent de police ayant procédé à cette notification a constaté que l'intéressé parlait et comprenait le français. De surcroît, le requérant déclare, par ailleurs, résider habituellement en France depuis le mois de mars 2010 et y avoir travaillé entre 2010 et 2019 en qualité de maçon. En outre, il ressort de ces pièces que l'arrêté attaqué du 28 avril 2022 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans a été notifié par voie administrative le 29 avril 2022 à 9h10 à M. A... B..., après lecture faite par l'agent de police ayant procédé à cette notification, et que cette notification mentionnait les voies et délais de recours contre cet arrêté et, en particulier, la possibilité de recevoir communication, dans une langue qu'il comprend, des principaux éléments des décisions qui lui étaient notifiées, le délai de recours de quarante-huit heures imparti pour les contester ainsi que la possibilité de déposer sa requête dans ce délai auprès de l'administration chargé de la rétention. Enfin, M. A... B... a signé le procès-verbal de notification de cet arrêté sans formuler la moindre observation. Dans ces conditions, la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de cet arrêté 28 avril 2022, qui n'a été enregistrée auprès du greffe du tribunal administratif de Melun que le 6 mai 2022 à 22h52, soit après l'expiration du délai de recours de quarante-huit heures, était tardive.
9. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la demande de M. A... B... tendant à l'annulation l'arrêté du 28 avril 2022 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans doivent être rejetées comme irrecevables.
Sur les conclusions aux fins de sursis à l'exécution du jugement attaqué :
10. La Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête n° 22PA02740 tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de la requête n° 23PA05221 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2210974 du 20 mai 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la demande de M. A... B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 avril 2022 de la préfète du Val-de-Marne l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et l'arrêté du 29 avril 2022 de la préfète du Val-de-Marne ordonnant son placement en rétention.
Article 2 : Les conclusions de la demande de M. A... B... présentée devant le tribunal administratif de Paris et tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 avril 2022 de la préfète du Val-de-Marne ordonnant son placement en rétention sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 3 : Les conclusions de la demande de M. A... B... présentée devant le tribunal administratif de Paris et tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 avril 2022 de la préfète du Val-de-Marne l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et le surplus des conclusions de sa requête n° 22PA02740 sont rejetés.
Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de la requête n° 23PA05221 de M. A... B....
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 20 février 2024, à laquelle siégeaient :
- M. d'Haëm, président,
- M. Pagès, premier conseiller,
- Mme Saint-Macary, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 février 2024.
Le président-rapporteur,
R. d'HAËML'assesseur le plus ancien,
D. PAGESLa greffière,
Z. SAADAOUILa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA02740-23PA05221