Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du
7 juillet 2021 par lequel la préfète du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2106564 du 22 décembre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 janvier 2023, Mme B... représentée par Me Nait Mazi, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°2106564 du tribunal administratif de Melun du
22 décembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Val-de-Marne du 7 juillet 2021 portant obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et fixation du pays de destination de la mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;
5°) en l'absence de délivrance d'un titre de séjour, de prononcer une injonction de 50 euros par jour de retard ;
6°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
7°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
- cette décision est entachée d'incompétence ;
- elle méconnaît le droit d'être entendu ;
- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :
- cette décision est entachée d'un défaut d'examen ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
-la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Mme C... a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante algérienne née le 22 juillet 1988, est entrée en France en 2019 selon ses allégations. Elle relève appel du jugement du 22 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2021 par lequel la préfète du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président (...) ".
3. Mme B..., déjà représentée par un avocat, ne justifie pas, à ce jour, du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle, alors que le courrier par lequel lui a été notifié le jugement attaqué mentionnait expressément qu'elle devait justifier du dépôt d'une telle demande. Aucune urgence ne justifie que soit prononcée, en application des dispositions citées au point précédent, son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants :1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ;/ 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ;/ 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ;/ 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ;/ 6° L'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois a méconnu les dispositions de l'article L. 5221-5 du code du travail./ Lorsque, dans le cas prévu à l'article L. 431-2, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la décision portant obligation de quitter le territoire français peut être prise sur le fondement du seul 4° ". Aux termes de l'article R. 613-1 du même code : " L'autorité administrative compétente pour édicter la décision portant obligation de quitter le territoire français, la décision fixant le délai de départ volontaire et l'interdiction de retour sur le territoire français est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police. ".
5. Le préfet territorialement compétent pour édicter la décision portant obligation de quitter le territoire français est celui qui constate l'irrégularité de la situation au regard du séjour de l'étranger concerné, que cette mesure soit liée à une décision refusant à ce dernier un titre de séjour ou son renouvellement, au refus de reconnaissance de la qualité de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire, ou encore au fait que l'étranger se trouve dans un autre des cas énumérés à l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Tel est, en toute hypothèse, le cas du préfet du département où se trouve le lieu de résidence ou de domiciliation de l'étranger. En outre, si l'irrégularité de sa situation a été constatée dans un autre département, le préfet de ce département est également compétent.
6. En l'espèce Mme. B... se présente elle-même, dans ses écritures, comme domiciliée à une adresse à Cachan, dans le Val-de-Marne. Dès lors et quel que soit le lieu où l'irrégularité de sa situation au regard du droit au séjour a été constatée, la préfète du Val de Marne avait compétence pour prononcer l'obligation de quitter le territoire contestée, et le moyen tiré de ce que cette décision aurait été incompétemment prise ne peut qu'être rejeté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / (...). ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
8. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué qu'il vise tous les textes applicables, et notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que le procès-verbal d'audition de la requérante, puis indique sa nationalité, sa date de naissance et d'entrée en France et relève qu'elle ne justifie pas être entrée régulièrement en France et n'a jamais sollicité de titre de séjour ; il mentionne aussi qu'elle est célibataire et sans charge de famille et que ses liens personnels et familiaux en France ne sont pas intenses et stables. Dès lors cette décision, qui n'a pas à reprendre tous les éléments susceptibles d'avoir été énoncés par l'intéressée, a bien indiqué les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde et est par suite suffisamment motivée. De même, compte tenu des éléments propres à la personne de Mme B... qu'elle mentionne, il en ressort que l'autorité administrative s'est bien livrée à un examen particulier de sa situation ; dès lors les moyens tirés de l'absence d'un tel examen et d'une insuffisance de motivation manquent en fait.
9. En troisième lieu, si la requérante soutient que la décision attaquée aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière, ayant méconnu son droit à être entendue préalablement, le moyen ne pourra qu'être rejeté par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
11. Il ressort des propres allégations de Mme B... qu'elle indique, sans au demeurant en justifier, être entrée en France fin décembre 2019, seulement un an et demi avant l'intervention de la décision attaquée, dont la légalité s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, soit le 7 juillet 2021. Par ailleurs il ressort des pièces du dossier qu'elle est célibataire et sans charge de famille, et elle n'établit ni n'allègue avoir d'autres attaches familiales en France qu'une de ses sœurs, ou ne plus en avoir dans son pays d'origine, l'Algérie, où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente et un ans. Enfin si elle fait état de son activité professionnelle, ayant travaillé comme aide-boucher, puis dans des pâtisseries depuis le courant de l'année 2020, cette activité, réalisée dans le cadre de missions ponctuelles et d'emplois de court terme, ne permet pas de justifier d'une insertion en France telle que la décision contestée porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que cette décision méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
12. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article
L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) ; 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...). ".
13. En premier lieu il ne ressort pas des termes de la décision attaquée que la situation personnelle de la requérante n'aurait pas été examinée et prise en compte, les éléments dont elle se prévaut, c'est-à-dire sa résidence en France depuis un an et demi à la date de la décision attaquée et l'exercice d'emplois de courte durée, n'étant pas de nature à faire par eux-mêmes obstacle au refus d'octroi d'un délai de départ volontaire.
14. En second lieu, ainsi que l'ont à juste titre relevé les premiers juges, Mme B... n'a pas justifié être entrée régulièrement sur le territoire français et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Dès lors, la préfète du Val-de-Marne a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation et en reprenant l'un des critères retenus par l'article L612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, estimer qu'il existait un risque, à la date de la décision attaquée, que l'intéressée se soustrait à la mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans :
15. Si Mme B... soutient que cette décision serait insuffisamment motivée en fait et serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation, ces moyens ne peuvent qu'être rejetés par adoption des motifs retenus par les premiers juges, et pour les motifs retenus aux points 11 et 14 du présent arrêt.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2021 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligée à quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience publique du 1er février 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2024.
La rapporteure,
M-I. C...Le président,
I. LUBEN
La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA00292