Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... veuve A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 30 juin 2021 par lequel la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2106850 du 17 novembre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des pièces complémentaires enregistrées les 14 avril, 6 juin et 24 juillet 2023, Mme B... veuve A..., représentée par Me Reynolds, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2106850 du 17 novembre 2022 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 juin 2021 de la préfète du Val-de-Marne ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence algérien dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- la décision de refus de séjour est entachée d'un défaut de motivation ;
- cette décision est entachée d'erreur de droit et de méconnaissance de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour sur laquelle elle se fonde ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Par une décision du 16 mars 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de Mme C... B... veuve A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... veuve A..., ressortissante algérienne née le 4 août 1950, est entrée en France le 11 décembre 2019 sous couvert d'un visa de court séjour à entrées multiples valable du 1er octobre 2019 au 28 mars 2020. Par un arrêté du 30 juin 2021, la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée. Mme B... veuve A... fait appel du jugement du 17 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif a écarté, par une motivation suffisante, les moyens soulevés devant lui par la requérante, tirés de la méconnaissance des articles 7 bis de l'accord franco-algérien et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en précisant qu'elle soutenait être à la charge d'une de ses filles de nationalité française et qu'elle n'était pas dépourvue d'attaches familiales en Algérie où résident deux de ses enfants. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement litigieux ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, Mme B... veuve A... reprend en appel, avec la même argumentation qu'en première instance, le moyen de l'insuffisante motivation de la décision contestée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 3 du jugement attaqué.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : (...) b) A l'enfant algérien d'un ressortissant français si cet enfant a moins de vingt et un ans ou s'il est à la charge de ses parents, ainsi qu'aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge ; (...) ". L'autorité administrative, lorsqu'elle est saisie d'une demande tendant à la délivrance d'un certificat de résidence au bénéfice d'un ressortissant algérien qui fait état de sa qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français, peut légalement fonder sa décision de refus sur la circonstance que l'intéressé ne saurait être regardé comme étant à la charge de son descendant, dès lors qu'il dispose de ressources propres, que son descendant de nationalité française ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins, ou qu'il ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire.
5. D'une part, Mme B... veuve A... soutient être à la charge de sa fille de nationalité française. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la requérante perçoit une pension de réversion mensuelle de 16 550,73 dinars, soit un montant légèrement inférieur au salaire minimum en Algérie qui s'élevait à 18 000 dinars. En outre, il ressort de ces pièces que sa fille, auprès de laquelle elle réside depuis son arrivée en France, est susceptible de lui verser les sommes qu'elle lui verse depuis la France, ce qu'elle a déjà fait antérieurement à son arrivée. Par suite, c'est par une exacte application des stipulations précitées de l'article 7 bis b) de l'accord franco-algérien que la préfète du Val-de-Marne a estimé que Mme B... veuve A... ne pouvait être regardée comme étant à la charge de sa fille.
6. D'autre part, la requérante soutient que la préfète du Val-de-Marne a, à tort, estimé qu'elle n'était pas en situation régulière lors du dépôt de sa demande, dès lors que son visa expirait le 28 mars 2020 et qu'elle a été empêchée de présenter sa demande parce que le service de la préfecture était fermé le 19 mars 2020, jour de son rendez-vous, en raison de la crise sanitaire liée au Covid 19. Toutefois, il est constant que Mme B... veuve A..., qui n'établit pas, du reste, avoir signalé sa situation à la préfecture, n'a présenté sa demande de titre de séjour que le 25 mai 2020, alors que son visa était expiré, alors que, au demeurant, la requérante disposait d'un visa de court séjour en qualité d'ascendant non à charge et n'avait pas mentionné, lors du dépôt de sa demande de visa auprès des services consulaires, son intention de s'installer en France. En conséquence, la préfète du Val-de-Marne a pu, à bon droit, considérer que Mme B... veuve A... n'était pas en situation régulière lors du dépôt de sa demande de titre de séjour en qualité d'ascendant à la charge d'un ressortissant français. En tout état de cause, compte tenu de ce qui a été dit au point 5, la préfète aurait pris la même décision en se fondant sur la seule circonstance que Mme B... veuve A... ne pouvait être regardée comme étant à la charge de sa fille.
7. Par suite, Mme B... veuve A... n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de titre de séjour méconnaît les stipulations précitées de l'article 7 bis b) de l'accord franco-algérien.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
9. Mme B... veuve A... soutient qu'elle est entrée régulièrement en France le 11 décembre 2019, que son mari est décédé le 22 décembre 1979, que sa fille de nationalité française, la prend en charge financièrement et affectivement et qu'elle n'a plus de contact avec ses deux autres enfants. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, d'une part, Mme B... veuve A... n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de 69 ans, ni ne plus avoir de relations avec ses deux enfants qui résident en Algérie, et, d'autre part, ne justifie pas davantage de la nécessité de demeurer auprès de sa fille de nationalité française. Dans ces conditions, Mme B... veuve A... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la préfète n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
Sur la décision d'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'étant entachée d'aucune illégalité, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français doit, en conséquence, être écarté.
11. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation de Mme B... veuve A... doivent être écartés pour les motifs exposés au point 9.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... veuve A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... veuve A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... veuve A... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 1er février 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 février 2024.
La rapporteure,
I. JASMIN-SVERDLINLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA01542 2