Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 juin 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 2123314 du 3 février 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, deux mémoires et des pièces, enregistrés le 8 juillet 2022, le 9 mars 2023, le 28 février 2024 et le 15 mars 2024, M. A..., représenté par Me Cheix, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, " étudiant " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué, en considérant qu'il ne répondait pas aux critères de nécessité liée au déroulement des études, au sens de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans préciser la nature de ces critères, est insuffisamment motivé au regard des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative ;
- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale à raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire est illégale à raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale à raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par une décision du 23 mai 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur,
- et les observations de Me Cheix, avocate de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien, né le 8 octobre 2001 et entré en France, selon ses déclarations, le 15 mars 2018, a sollicité, le 18 février 2021, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 422-1, L. 422-2, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 4 juin 2021, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... fait appel du jugement du 3 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France au mois de mars 2018 pour y rejoindre son père, qui y réside depuis de nombreuses années et qui est titulaire d'une carte de résident, valable du 2 décembre 2020 au 1er décembre 2030. De plus, celui-ci, qui travaille et dispose de revenus, loge et prend en charge l'intéressé. En outre, après avoir été inscrit, au titre de l'année 2017-2018, dans une unité pédagogique pour élèves allophones arrivants (UPE2A) d'un lycée professionnel à Paris, il a été inscrit, au titre des années 2018-2019 et 2019-2020, au lycée polyvalent d'Alembert pour y préparer un certificat d'aptitude professionnelle en " cordonnerie multiservice " qu'il a obtenu en juin 2020. En outre, pour l'année 2020-2021, l'intéressé, qui a bénéficié d'une bourse nationale d'études du second degré de lycée pour l'année en cause, a été inscrit, dans le même établissement, en 2ème année de CAP de " podo-orthésiste " qu'il a obtenu en juin 2021, avant d'être autorisé à s'inscrire, au titre de l'année 2021-2022, en première année, dans le même lycée, en vue de préparer le baccalauréat professionnel de " technicien en appareillage orthopédique " et d'obtenir d'ailleurs, à nouveau, une bourse pour l'année en cause. Par ailleurs, ses professeurs, tout au long de ces années de formation, ont attesté de l'assiduité, du sérieux, de l'investissement et du comportement exemplaire de M. A... dans ses études, y compris au cours des différents stages professionnels qu'il a effectués, l'intéressé ayant obtenu des notes, pour la plupart, excellentes. Au surplus, postérieurement à l'arrêté attaqué, M. A... a poursuivi ses études en obtenant, en juillet 2023, son baccalauréat professionnel de " technicien en appareillage orthopédique " et en s'inscrivant, pour l'année 2023-2024, en première année de brevet de technicien supérieur (BTS) de " podo-orthésiste ", l'un de ses maîtres de stage attestant également de ses qualités professionnelles et souhaitant l'embaucher. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances particulières de l'espèce, notamment des liens familiaux dont M. A... peut se prévaloir en France, du caractère réel et sérieux de ses études ainsi que des gages avérés d'insertion sociale et professionnelle qu'il présente, et alors même qu'il ne pouvait prétendre, faute d'un visa de long séjour ou d'une entrée régulière, à un titre de séjour en qualité d'étudiant en application de l'article L. 422-1 et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Mali, le préfet de police, en refusant, par son arrêté du 4 juin 2021, de régulariser sa situation au regard du séjour, doit être regardé comme ayant commis une erreur manifeste dans son appréciation de la situation de l'intéressé. Il suit de là que le requérant est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision attaquée portant refus de titre de séjour et, par voie de conséquence, de celles portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
3. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de régularité et de légalité de la requête, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 juin 2021.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé (...) ".
5. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 2, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de police délivre à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de police de procéder à la délivrance de ce titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
6. M. A... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Cheix, avocate de M. A..., de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2123314 du 3 février 2022 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 4 juin 2021 du préfet de police sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Cheix, avocate de M. A..., la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 16 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- M. d'Haëm, président,
- M. Pagès, premier conseiller,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 avril 2024.
Le président-rapporteur,
R. d'HAËML'assesseur le plus ancien,
D. PAGESLa greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA03120